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Citation de Nemorino


Maryna Uzun
Une plaque dans l’herbe au Jardin des Poètes

Je chronique en marchant
Un livre inexistant !
Quand un jardin public
Lentement se dépouille
Voici ma chroniquette
Pour mes chronicomanes !
Ô mon jardin goûteux
Aux menhirs alignés
Dont les géants seraient
Les bustes, les sculptures
De Gautier, de Pouchkine,
De Mistral ou d’Hugo !
Et que d’alexandrins
De la plume impériale
Qu’on ne peut apprécier
Qu’en comptant les e muets !
Volent dans les allées
Mes bras pris pour des ailes
Et je penche ma tête
En arrière en extase.
Il est des plaques nettes
Bien frottées de nos yeux,
Comme Alfred de Musset
Ou Alfred de Vigny,
Et aussi Jean Racine,
D’autres sont illisibles…
Le granit se confond
Au givre matinal.
Le lichen s’approprie
Les strophes végétales.
Et j’extrais, je déterre
Des poésies éteintes
Sous le feuillage bas
Des bambous toujours verts.
Je devine les lettres
Au toucher, à l’aveugle.
Souvent les lettres manquent
Dans ce quizz poétique,
Sans raison décollées.
Ou peut-être arrachées ?
Les jardiniers s’affairent
Près de leur camionnette.
Sous l’appareil qui chasse
Les feuilles desséchées,
Les poèmes se taisent
Puis reparlent encore.
C’est un vers d’Aragon
Sous un cèdre ancestral
Et, près d’un bac à sable,
C’est Jean de La Fontaine !
Je suis bien attentive,
Fais mes tours opiniâtres
Des gazons interdits
Pour n’oublier personne.
Venez au rendez-vous
Pour ramasser les vers
Des pelouses tondues
Comme des œufs de Pâques !
Près du kiosque à poèmes,
Les pelouses sont vastes,
Y a de la place encore !
À vos plumes, auteurs !
Au livre inachevé !
Au livre en mouvement !
Pourquoi les lettres s
Marquées en italique
Incommodent les yeux
Si délicieusement ?
Les fautes d’orthographe
Qui s’y sont invitées,
À ma grande surprise,
Font partie du décor !
J’y viens en ethnologue,
J’y viens pile à huit heures,
Pour pouvoir m’accroupir
Dans un silence antique !
« Ô lis-moi tout de suite,
Je ne t’attendrai pas ! »
Me disait un quatrain
Quand je le dépassais…
Et je l’ai égaré,
Mon trésor de poème,
Dans tout ce labyrinthe
De pelouses soignées !
Allez-vous retrouver
Votre fleur adorée
À la roseraie ivre
Du parc de Bagatelle ?!
Vive ce livre ouvert,
Vive ce livre vert
Livre aux pages de pierre
Comme un vieux cimetière !
Mais je ferai l’autruche !
Je penserai plutôt
Aux baudruches gonflées !
Je pars cueillir des vers !


(Vers à l’origine du roman « Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! », éditions Livre Actualité, 2021, page 7-8)
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