Exilés au Burundi, Gaby et Ana, enfants métis franco-rwandais, voient leur quotidien joyeux bousculé par la guerre civile. Alors que leur famille se déchire, le génocide des Tutsi au Rwanda voisin vient mettre un terme à leur innocence. D'ailleurs, déjà à l'école, Gaby assiste à une bagarre entre un Tutsi et un Hutu, que rien ne semble pourtant séparer si ce n'est - d'après son père - la forme de leur nez...
Mené par Marzena Sowa et Sylvain Savoia, l'adaptation du best-seller à résonance autobiographique de Gaël Faye - prix Goncourt des lycéens 2016 - qui a lui-même choisi les auteurs de Marzi parmi les nombreux projets présentés. Aussi magnifique que poignant.
« Petit pays » adapté du roman Petit Pays de Gaël Faye par Sylvain Savoia et Marzena Sowa
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Lutek a le hoquet depuis un bon moment.
Les bombes tombent druement, les maisons explosent et Lutek ne fait que hoqueter.
Excédé, il demande à son compagnon de palissade :
- Kazik, j'en peux plus ! Fais-moi peur !
p30
Il y a des gens avec des yeux dans les poches. D’autres ont les yeux au bout des ongles et ils fouillent les poches des autres.
- Pour toi, quelqu'un qui sourit est forcément heureux ?
- Euh... oui ! Il montre qu'il est heureux.
- Il montre ses dents. Tu crois que quand un chien montre ses dents c'est pour te sourire ?
(p. 5)
Je préfère écrire, inventer des histoires. Elles habitent juste dans ma tête.
- Oh non, je pleure pas, moi !
- C'est pas grave, tu sais. Tu évacues la tristesse que tu ressens en pleurant.
- Vous êtes parfois triste miss Maier ?
- Je m'occupe dès que ça m'arrive. Mais je comprends la tristesse.
(p. 109)
- VIVIAN, VIVIAN ! Viens vite ! Lane est monté dans l'arbre, il n'arrive pas à redescendre.
[ elle grimpe, pour le rejoindre, le rassurer, l'aider ]
- On est beaucoup mieux dans cet arbre, qu'en bas, assis à table.
- Mmm...
- On va descendre ensemble. Ça m'est déjà arrivé. Quand j'étais petite.
- Ah oui ? On s'est moqué de toi aussi ?
- J'ai fait comme si je n'entendais pas.
(p. 30)
Je photographie tout. Je photographie le monde dans lequel je vis, dans ses moindres détails. Parfois même ces derniers sont plus révélateurs que les unes des journaux, mais les unes, je les photographie aussi. Les maisons, les arbres, les gens, les riches mais aussi les poubelles, les cheveux, les ongles coupés, les dents qui tombent. Je les garde d'ailleurs très précieusement.
Vous allez me demander : pourquoi ?
Et je vous répondrai : pourquoi pas ?
Est-ce qu'on doit tout justifier ?
J'aime ça, puis c'est tout !
J'aime le monde qui m'entoure, je le mémorise dans sa beauté et sa laideur. Dans tout ce que les gens ne voient pas. Moi, ça m'intéresse.
Comme si j'avais un panneau indiquant : "je rentre chez moi m'enfermer au petit coin." Je suis rouge comme un coquelicot, ce qui attire encore plus l'attention.
Tu nous montres toujours l'envers du décor. Et l'envers, c'est ce qui est le plus intéressant. "J'aime les endroits, j'adore les envers." Ce sont tes mots.
[ Chicago, 1968 - Vivian Maier avec des enfants qui découvrent tout ce qu'elle conserve minutieusement ]
- Enfin, je garde tout. Je range après, j'archive.
- Et ça, c'est quoi ? Parti républicain ! Tu distribuais leurs prospectus ?
[ AMERICA NEEDS NIXON ! THIS TIME ]
- Tu m'imagines faire ça !? En fait, si, je le faisais. Mais dans l'autre sens. Je suivais les gens qui les distribuais pour les ramasser, pour que personne ne lise ces bêtises !
(p. 77)