AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Mathieu Gaborit (401)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Confessions d'un automate mangeur d'opium

Le titre de ce roman est déjà toute promesse en soi… et puis la couverture qui est juste magnifique et qui nous annonce du bon steampunk, d'autant que la quatrième de couverture donne l'eau à la bouche.



Un roman donc avec un packaging en béton armé…





Un roman qui alterne du point de vue : ceux d'un frère et d'une soeur, lui aliéniste et elle comédienne. sauf que cette dernière décide d'enquêter sur le décès d'une de ses amies et va la conduire vers des aventures… plutôt ennuyeuses.



Et oui le bocal était très beau , mais le contenu décevant. L'univers steampunk est toujours très agréable, Paris, l'exposition universelle de 1905 ou le moderne côtoie l'ancien. Mais j'avoue ne pas avoir eu beaucoup de sympathie pour les personnages.



L'intrigue se tient, mais sans beaucoup d'action , ni rien de palpitant.



Et puis surtout j'ai eu l'impression de relire un remake de la poupée sanglante de Gaston Leroux, version steampunk. Certes ce n'est pas la même chose. Mais cette lecture au final a été pénible car cette idée ne m'a jamais quittée. Et pourtant les histoires sont différentes, mais le fond reste le même.

Et j'avoue que même si Gaston Leroux est un vieil auteur , qui place un peu de fantastique dans son histoire il m'a beaucoup plus convaincu que cette lecture a 4 mains.



Bref un bel emballage pour un roman un peu plat



Commenter  J’apprécie          767
D'une rive à l'autre

J'aime bien découvrir l'univers d'un auteur à travers un recueil de nouvelles. Ça ne marche pas toujours (exemple avec Chloé Chevalier et le recueil Fleurs au creux des ruines) mais parfois c'est une porte d'entrée avec un paillasson moelleux et une bonne odeur de feu de cheminée qui me poussent à franchir le Rubicon. Ça a marché avec Lionel Davoust, ça marche encore avec Mathieu Gaborit.



Ce petit recueil balaie en huit nouvelles toute l'étendue des imaginaires avec lesquels Gaborit s'est colleté. Certaines s'inscrivent dans ses cycles les plus célèbres – Les Crépusculaires ou les Chroniques des Féals – d'autres sont de purs one-shot. Certaines jouent dans les cours de fantasy, d'autres titillent le fantastique, orbitent autour du steampunk ou nous embarquent dans un opéra de l'espace. Bref il a touché à tout.



Intégrées à des cycles ou one-shot, l'auteur parvient à nous imprégner du décor avec assez de réussite pour que l'on se sente plongé dans un monde cohérent et compréhensible. Ses univers sont colorés, riches parfois à l'excès comme ces cathédrales baroques qui ne paient pas tant de mine à l'extérieur mais dont le moindre centimètre carré intérieur est saturé de couleurs et de formes. Ses histoires sont sérieuses et ne prêtent pas à rire car la situation est toujours grave, même le quotidien. Elles mettent en avant l'importance de l'effort, pour atteindre la magie ou pour simplement survivre.



Mes préférées ? Il y a « Aux frontières de Sienne » où la définition des frontières d'un duché dépend de la distance où le vent porte l'odeur de son duc défunt. Pour raison amoureuse, un homme tente d'influencer le phénomène avec beaucoup d'astuce. C'est un one-shot, c'est court et c'est superbe.

Il y a « le vitrail de Jouvence » qui n'est pas sans rapport, paraît-il, avec les Chroniques des Féals. Des villes luttent pour un vitrail aux propriétés magiques, mais c'est propriétés ont été volées par l'ajout dans la composition du verre d'un ingrédient… qui fait tout le sel de la fin. Construire un tel décor original et nous faire sentir sa cohérence en quelques pages est un vrai tour de force.

Et il y a « Songe Ophidien » qui s'inscrit dans Les Crépusculaires et nous conte l'histoire de la fille d'une famille de méduses (avec des serpents sur la tête) aristocrates qui sent ses serpents mourir car son être est attiré par une autre forme de magie. La magie présentée ici est très originale et difficile à manipuler.



Le livre se termine par une interview où Mathieu Gaborit se dévoile. Il est écrivain jardinier. Les plans, ce n'est pas pour lui. Il aime que la magie soit issue d'un travail, d'une manipulation de la matière. Il nous raconte les premières années de Mnémos avec Fabrice Colin, Stéphane Marsan et consort ; la description qu'il en fait rappelle Pigalle du début du XXème siècle. Il nous dit son dégoût de la religion organisée mais son attirance pour le sacré. Il est un roliste convaincu (mais qui ne l'est pas dans ce petit monde de l'imaginaire français? je me le demande).

C'est là que j'ai appris que Les Chroniques des Féals est probablement la série où il a le plus forcé sa nature, où il s'est éloigné de son côté jardinier. Tant pis, je me suis procuré la trilogie après avoir lu « le vitrail de Jouvence ».



On verra bien ce que ça donne.

Commenter  J’apprécie          417
Confessions d'un automate mangeur d'opium

De la Steampunk.... française avec pour cadre Paris lors de la grande exposition universelle



Margo, actrice de théâtre décide de mener l'enquête accompagner de son frère lorsque sa meilleure amie est retrouvée morte. Très vite, Margo comprend que l'accident serait plus un crime.



Globalement, le livre possède tous les codes de la steampunk .... mais l'intrigue est par moment brouillon, et d'une lenteur grrrrr... Les auteurs ont eu l'idée de relater l'histoire en passant en alternance du frère à la soeur mais cela casse véritablement le rythme et la dimension suspens de certains passages. :LolLolLolLol:

Ajoutons la différence entre le début prometteur de l'intrigue et la fin tellement attendue, prévisible et sans grand suspens.



Un bon livre mais pas sensationnel.
Commenter  J’apprécie          391
Confessions d'un automate mangeur d'opium

Je crois que c'est typiquement le genre de roman que j'ai lu bien trop tard. Je l'aurais sans doute plus apprécié en le découvrant il y a dix ou quinze ans.



Cette histoire steampunk écrite à quatre mains alterne à chaque chapitre entre deux personnages : Margo, actrice, et son frère Théo, aliéniste, qui enquêtent sur la mort "possiblement non accidentelle" de la meilleur amie de Margo.



L'intrigue n'est pas franchement passionnante, les personnages m'ont fait l'effet de silhouettes en carton-pâte, les thématiques sont assez convenues et la narration (à la première personne alternée) m'a irritée plus qu'autre chose - mais ce dernier point tient peut-être à mes préférences personnelles et à mon allergie à la narration au "je".



L'univers d'un Paris steampunk est cool et quelques bonnes idées pointent ça et là le bout de leur nez, mais ça ne suffit malheureusement pas à sauver l'ensemble. J'ai fini par arrêter ma lecture en cours de route parce que je ne parvenais plus à m'y intéresser. Dommage !
Commenter  J’apprécie          380
Confessions d'un automate mangeur d'opium

Depuis le temps que ce titre me tentait, quelle déception... L'histoire m'intéresse mais l'écriture et les personnages m'indiffèrent complètement. J'ai pourtant avancé autant que j'ai pu mais ma vitesse de lecture est vraiment beaucoup trop lente à mon goût (et surtout, ne pouvoir lire que 4 ou 5 pages avant de m'endormir...). D'après ma liseuse, j'ai réussi à en lire 37% et il me reste environ 5h pour le finir mais je n'arrive pas à m'y intéresser plus que ça.



Bizarrement le titre n'a strictement rien à voir avec le peu d'histoire que j'ai lu car nous suivons un frère et une soeur par chapitres intercalés. La soeur est actrice pour le théâtre et le frère, aliéniste. La soeur apprend par journaux interposés la mort brutale de sa meilleure amie, soit-disant un suicide. Elle n'y croit pas et se lance, aidée de son frère, dans une enquête chevronnée. Mais le problème, c'est que celle-ci n'avance pas bien vite à mon goût. Les 2 personnages nous racontent leur journée en long, en large et en travers mais cela ne bouge pas beaucoup car ils ont leur métier également et des obligations avant leur enquête. Et au bout de 8 chapitres, l'histoire stagne vraiment beaucoup dans un univers steampunk pourtant original. L'intrigue se déroule à Paris pendant une Exposition Universelle où les avancées technologiques ont permis l'utilisation de l'éther sans en connaître les implications et les possibles dégâts sur la vie humaine. Grâce à nos 2 personnages, nous découvrons cet univers mais en même temps, l'histoire n'avance pas au même rythme et ça en devient lassant. le style n'y aide pas trop non plus car il est très légèrement ampoulé, tellement que certaines phrases m'endormaient toutes seules.



Comme vous l'aurez compris, la bonne découverte prévue n'a pas été au rendez-vous et je n'ai même pas eu le courage d'attendre la moitié du livre pour voir si l'histoire décollait enfin. J'apprécie l'univers steampunk mais encore faut-il que le reste suive, à savoir des personnages intéressants et une histoire aux multiples rebondissements. Donc si vous êtes amateurs d'histoires aux démarrages très lents, je vous conseille de découvrir ce « mangeur d'opium » (inconnu au bataillon pour ma part...), sinon vous risquez de vous ennuyer ferme. Ayant d'autres livres de ces auteurs dans ma PaL, je vais peut-être attendre un peu avant de les découvrir.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
Commenter  J’apprécie          378
Confessions d'un automate mangeur d'opium

Acheté pour la beauté de sa couverture et les pages dorées , ce livre dormait bien sagement dans ma pal depuis plusieurs années.

Fabrice Colin est un auteur que j aime bien et j étais curieuse de le découvrir dans une histoire steampunk.

L univers steampunk m a bien plu. On suit les aventures d un frère Théo alieniste et de sa soeur Margot comedienne . La jeune femme bouleversée par le soi disant suicide de son amie Aurélie se met à enquêter et entraîne Théo .

Je n ai pas réussi à m attacher à Margot que je trouve superficielle , manieree, nombriliste et un peu sotte. Son frère est un peu plus intéressant. Ils ont une relation un peu bizarre presque malsaine.

Le récit souffre de longueurs et est parfois un peu confus . La fin est prévisible.

Je retiendrais surtout l univers steampunk.

Pas désagréable mais peut mieux faire.
Commenter  J’apprécie          360
Confessions d'un automate mangeur d'opium

C'est la couverture qui m'a attirée. ça brillait ! Je dois dire que le design de couverture m'a bien plu, tout comme les coins de page arrondis.

Un roman steampunk. Je connais la mode steampunk, que j'apprécie bien mais que je ne porte pas, j'aurais l'impression d'être déguisée. Alors un livre, pourquoi pas ? L'époque industrielle du 19e siècle m'a toujours fascinée. On la retrouve, sans parler des grands classiques, chez beaucoup d'auteurs de romans policiers.



Dans ce cas-ci, Fabrice Colin et Mathieu Gaborit ont uni leur talent d'écrivains de l'imaginaire et du fantasy pour nous emmener à Paris, sur terre et dans les airs, à la poursuite d'un automate meurtrier. Les personnages centraux sont attachants. Margot, le jeune et belle comédienne et son frère, Théo, psychiatre et amoureux des sciences, sont entraînés malgré eux dans les profondeurs manichéennes d'une société créatrice d'automates et son inventeur fou.



C'est très bien écrit et plaisant à lire. D'autant que le sujet sur les intelligences artificielles est bien d'actualité.

Je sais que je peux renouveler l'expérience du steampunk.
Commenter  J’apprécie          300
Bohème

Le roman (antérieur, parallèle ou postérieur au jdr "Ecryme") est divisé en 2 parties pour un total de 280 pages : on peut tenter l'expérience sans se perdre dans des centaines de pages qui pourraient déplaire aux éventuels futurs lecteurs.



* "Les rives d'Antipolie" qui se résume en une quête des secrets de l'Ecryme dans une Europe divisée entre régimes autoritaires nationaux et mouvements révolutionnaires internationaux (chacun espère trouver dans la cité cachée de Bohème un avantage décisif dans les conflits qui s'annoncent)

* "Revolutsyia" qui pourrait constituer un mélange fantastique entre "l'Octobre" de Sergeï Einsentein et le "Docteur Jivago" de David Lean.



"Bohème" est une intéressante uchronie (qui utilise d'ailleurs le calendrier révolutionnaire français...) qui mélange des aspects steampunk avec ses trains, ses ballons et ses dirigeables, ses échassiers et ses scaphandriers, des aspects post-apocalyptique avec cette Europe rongé par un brouillard toxique qui ne cesse d'engloutir de nouvelles terres et de nouvelles structures, et des aspects fantastiques qui s'accentuent dans la 2e partie. Il s'agit d'un traitement original de l'Europe de l'Âge Industriel avec beaucoup de bonnes trouvailles, au-delà des mystères de l'Ecryme. Le roman aborde à la fois les exactions des régimes autoritaires et les dérives des mouvements révolutionnaires. Aborder des thématiques politiques et sociales, c'est assez rare en fantasy pour être signalé. Quand le roman bascule dans le fantastique de nouvelles thématiques apparaissent, mais la fuite en avant dans l'onirisme nuit à la bonne compréhension de l'intrique et abouti à un dénouement très flou...



Mathieu Gaborit nous offre aussi une belle galerie de personnages de Louise Kelchelev la froide avocate duelliste à Igor Bladiek le complètement barré conteur populaire. Mais on d'autant plus de mal à s'attacher à eux que l'auteur lui-même se semble pas trop s'attarder sur leur sort : des personnages secondaires intriguent mais disparaissent au fur et à mesure que d'autres apparaissent comme le hussard Léon Radurin, l'assistant Igcho, la famille Koropouskine, les frères Bobovitch, Diotch le savant fou...

Je trouve que tout cela manque d'approfondissement et qu'on se retrouve avec un roman très inabouti. Mais il est tellement atypique qu'il pourrait quand même valoir le détour : aux futurs lecteurs de se faire un avis !



Un univers qui mélange fantasy et steampunk, de nombreuses trouvailles ingénieuses, des pistes intéressantes notamment concernant les problèmes politiques et sociaux, des héros auxquels on a du mal à s'attacher... Cela rappelle les œuvres de China Miéville AMHA (mais ce dernier boxe dans une catégorie supérieure).

Malgré mes grosses réserves j'ai passé un bon moment surtout en écoutant durant la lecture "Les Braves Cosaques", "Plaine ma Plaine", "Korobeiniki", "le Rocher sur la Volga", "Troika", "Le Chant des Partisans", "Kalinka" et autres classiques...

http://www.youtube.com/watch?v=YtqYo831Brk
Lien : http://www.chemins-khatovar...
Commenter  J’apprécie          295
La Cité exsangue, tome 1 : Les nouveaux mystère..

DE CHARYBDE EN SCYLLA...



À tout seigneur, tout honneur : entamons cette trois cent trente-huitième critique par des remerciements d'usage - mais délivrés avec la plus grande sincérité - pour Babelio d'abord, sans qui je n'aurais eu le plaisir un peu adolescent de découvrir ce livre. Pour Mnémos, enfin, qui fait un travail remarquable en direction des littératures dites (avec un mépris à peine caché, parfois, hélas) "de genre", SF et Fantasy au premier chef. Les remercier donc pour cet envoi du dernier opus de Mathieu Gaborit et de son premier tome de la Cité exsangue dans le cadre d'une Masse Critique spéciale.



Ceci étant, tâchons d'entrer dans le vif du sujet. Vif, c'est d'ailleurs l'un des qualificatifs les plus précis qui définirait l'ensemble de ce roman. Mais reprenons au commencement, si vous le voulez bien :



Sans nul doute, les lecteurs habituels de Mathieu Gaborit retrouveront-ils avec un infini plaisir un petit héros - petit n'étant pas ici qu'une formule stylistique puisqu'il s'agit du farfadet sans doute le plus célèbre de ces vingt dernières années dans l'univers de la Fantasy -, le dénommé Maspalio d'Abyme, Prince-voleur à la retraite (de son propre chef) ayant rejoint les Abysses emplies de démons afin d'y couler ses derniers jours en solitaire. Las ! Il s'en sera fallu d'une simple lettre pour que tout bascule dans l'existence trop bien rangé de ce sympathique personnage. Une lettre, oui ! Mais de celle qu'il a toujours aimée, sans jamais avoir eu le courage vrai de risquer la vie avec elle. Elle, c'est Cyre, une lutine qui bouscula jadis la vie de débauche de notre héros. Elle qui lui enjoint de revenir au plus vite dans l'ébouriffante cité de la République-mercenaire parce qu'un certain orphelinat est en danger, parce qu'elle a des choses à confier à son ancien compagnon qui ne peuvent s'expliquer que de vive voix...



Seulement, cela fait dix longues années que Maspelio n'a remis les pieds en Abyme et le moins que l'on puisse en dire c'est que tout ou presque y a changé... ou est en train d'être définitivement bouleversé.



Dès l'arrivée de son personnage principal aux portes de la citadelle, l'auteur saisit son lecteur par la manche - ainsi qu'on le fait lorsqu'on n'a pas de temps à perdre en palabres inutiles - et ne le quittera plus un seul instant des presque deux cent cinquante pages qui vont suivre. Il serait vain de vouloir en donner un résumé plus précis, à moins d'en dévoiler la trame secrète, sans le talent de conteur de Mathieu Gaborit. En revanche, on peut sans peine ajouter qu'on y croise tout une théorie de personnages directement surgi de ce qu'il est coutume d'appeler "Le Petit Peuple", si bien documenté par ce cher Pierre Dubois, "elficologue" de son état.

Ainsi, une jeune lutine nommée Mèche, fille de la fameuse Cyre précédemment mentionnée, et qui accompagne une grande partie de ce roman trépidant, passant tour à tour du rôle de sauveteuse à celui moins évident d'otage ; une terrible ogresse dont le destin va se trouver entremêlé - emberlificoté serait presque plus exact - à celui de Maspelio, à son corps très défendant est-il indispensable de le préciser ? ; ainsi que tout un peuple de monstres, de géants, de nains, de lutins, de religieux fanatiques, de "gros" mis violemment au régime, de joueuses de scie musicale, de démon des basses et hautes sphères des Abysses, tout ce petit monde se retrouvant lié, tous contre un seul semble-t-il au commencement. Il s'avérera que les choses sont bien plus complexes, comme de bien entendu, ce premier volet s'apparentant à une espèce de rite initiatique, d'examen de passage violent et déroutant, possiblement mortel même, dont notre farfadet est le cobaye aussi involontaire qu'intensément réactif.



Si la Cité décrite dans cet opus est sur le point de devenir exsangue, c'est à dire, permettons-nous de le rappeler, ce qui définit quelqu'un ou quelque chose ayant perdu beaucoup de sang, qui n'est plus irrigué par lui ou, pour les mêmes raisons, qui est très pâle, voire, au figuré, vidé d'énergie, de force, de vitalité, il n'en est en rien de même pour cette histoire flamboyante, emportée, enthousiaste, d'une mobilité quasi perpétuelle et envoûtante, à l'instar de ces personnages totalement imaginaires auxquels, pourtant, on se prend à croire sans aucune peine, sans aucune hésitation. Bien sûr, il n'est pas question ici de faire acte de profonde psychologie, ni de développer d'intenses réflexions personnelles destinées à bouleverser l'ordre des choses. de toute manière, l'action y est tellement prépondérante que cela laisse peu de place à d'inutiles réflexions. Mais La Cité exsangue, dont on peut d'ailleurs affirmer sans mal qu'elle est l'autre personnage principal du récit, est d'un tel ravissement - celui comparable à ceux de l'enfance - d'une telle énergie et d'une telle richesse imaginative que, même sans être le plus grand lecteur de fantasy qui soit et, mieux encore, sans jamais avoir lu d'autres ouvrages de Mathieu Gaborit (ce qui sera bientôt corrigé !) on se laisse totalement emporter par ce style à la fois simple mais vrai, agréable et direct qui ne fait sans doute pas dans la fioriture stylistique mais qui sait invariablement atteindre son but : emmener le lecteur là où il le faut, sans ennui, sans temps mort - et, plus délicat : sans le prendre pour un gogo -, en le faisant passer par toutes sortes de couleurs inconnues, originales, fantasmagoriques pour lui décrire un monde foisonnant, impossible mais vraisemblable dans sa douce folie !



Bien que d'une écriture un peu moins précieuse et baroque que celle d'un Philippe Jaworsky, on retrouvera dans ce premier volet un peu de la fougue virevoltante de Gagner la guerre, par exemple. Certaines scènes urbaines ne seront pas non plus sans évoquer l'univers complexe de l'Empire Ultime de Brandon Sanderson, principalement lorsque le Prince-voleur fait appel à ses savoirs démoniques. On pourrait sans doute passer en revue bien d'autres références, exactes ou fantaisistes, mais il nous faut rappeler cette évidence que La Cité exsangue est l'un de ces ouvrages qu'il y a quelques paires de décennies l'on aurait situé dans de la très bonne, non : de l'excellente "littérature populaire" (ce qui n'est en aucun cas dégradant, bien au contraire, pourvu que cela soit créé avec honnêteté, sincérité et beaucoup de plaisir d'écrire. C'est ici assurément le cas), avant même de l'enfermer dans tel ou tel genre, plus précis sans nul doute, mais l'éloignant d'un autre public envisageable et moins spécialisé.



Voilà donc quelques - trop courtes - heures passées à rêver, à sauter, à trépigner, à bagarrer, à survivre et à rêver en compagnie d'un petit farfadet, qui se sont, trop vitement achevées mais que l'on espère retrouver bientôt, très, très bientôt !
Commenter  J’apprécie          282
La Cité exsangue, tome 1 : Les nouveaux mystère..

Après dix ans passés loin d'Abyme, voilà que Maspalio se voit forcé de sortir de sa retraite à la demande de son ancienne amante et amie, Cyre. Grisé à l'idée de retrouver enfin celle qu'il considère toujours avec orgueil comme SA cité, le farfadet vieillissant ne tarde toutefois pas à déchanter. D'abord parce qu'il n'est de toute évidence pas le bienvenu ,et a un mal de chien à ne serait-ce que pénétrer dans la ville. Ensuite, parce que le souvenir qu'il avait gardé de la flamboyante Abyme n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle est devenue aujourd'hui... Près de vingt ans après « Agone » et « Aux ombres d'Abyme », Mathieu Gaborit signe avec « La cité exsangue » son grand retour dans les Royaumes crépusculaires et renoue pour l'occasion avec l'un de ses héros les plus emblématiques : le farfadet Maspalio. Si je n'ai pas encore eu l'occasion de me pencher sur ces deux oeuvres phares (même si cela ne saurait désormais tarder), j'ai malgré tout déjà pu découvrir quelques textes de l'auteur, dont plusieurs nouvelles justement en rapport avec cet univers (réunies pour certaines dans le très beau recueil « D'une rive à l'autre » réédité en poche il y a deux chez Hélios). En dépit de mes connaissances lacunaires, j'ai donc tout de même décidé de me lancer à la découverte de ces « Nouveaux Mystères », qui constituent le prélude à une nouvelle série consacrée à la ville d'Abyme. Et grand bien m'en a pris ! Car si avoir connaissance au préalable du passé de Maspalio et de la cité est évidemment fortement conseillé, le fait de ne pas avoir lu les précédentes oeuvres de l'auteur ne gêne pour autant en rien à la compréhension générale du texte (même s'il est évident que les connaisseurs seront mieux à même de déceler et d'apprécier toutes les références qui grouillent dans le récit).



Cette nouvelle incursion dans la célèbre cité est certes un peu courte (deux cent cinquante pages) mais elle s'avère amplement suffisante pour apprécier à la fois la flamboyance de l'univers de l'auteur et la qualité de sa plume. le récit est mené tambour battant et ne nous offre que très peu de moments de répit : l'auteur nous plonge dans l'action dès les premières lignes et ne nous en sort qu'à la toute dernière page, dont on émerge un peu hébété de se voir sortir si brutalement d'une aussi agréable immersion. On ne s'ennuie donc pas une seconde, d'autant que l'intrigue est ponctuée de rebondissement savamment orchestrés qui viennent constamment renforcer l'intérêt déjà bien aiguillonné du lecteur. le dynamisme du récit est encore renforcé par la qualité de la plume de l'auteur qui se fait tour à tour incisive ou poétique. Les dialogues sont particulièrement savoureux et le bagou dont fait preuve Maspalio, quelque soit la gravité de la situation dans laquelle il se trouve, participe sans nul doute à le rendre immédiatement sympathique (quitte à parfois lui jouer de vilains tours...). Difficile en effet de ne pas se prendre d'affection pour ce farfadet certes arrogant mais qui compense ses travers par un sens de la dérision à toute épreuve et par une vision sans concession et non dénuée de charme de ce que devrait redevenir sa cité. Ses retrouvailles mouvementées avec cette dernière vont évidemment être l'occasion pour Maspalio de renouer avec un certain nombre de connaissances que les lecteurs assidus identifieront sans doute avec plaisir. le fait de ne pas les avoir déjà rencontré n'empêche en tout cas pas de les apprécier, quand bien même la plupart d'entre eux ne font qu'une brève apparition dans le récit. Les nouveaux arrivants ne sont pas en reste, et remplissent parfaitement leur rôle, qu'il s'agisse de la jeune et combative Mèche ou de la redoutable et rancunière sénéchale.



Outre la qualité de la plume de l'auteur, ce qui fait avant tout le charme du roman reste incontestablement son univers. Car Abyme est sans aucun doute l'une des cités les plus marquantes qu'il m'ait été donné de visiter lors de mes pérégrinations littéraires. Il faut dire que l'amour presque démesuré que le protagoniste porte à sa ville ne tarde pas à devenir contagieux. Au fur et à mesure des déambulations de Maspalio dans les différents coins et recoins d'Abyme, on s'émeut et s'émerveille en symbiose avec le personnage de la beauté de tel lieu, ou des souvenirs qu'évoquent tel autre. La Grande Place de la ville fait notamment forte impression, avec ses auberges mobiles évoluant au rythme des courants de la foule et ses géants-taxis, de même que le quartier des Milles Portes et les délices qu'il promet, ou encore celui du Lierre, protégé par son immense mangrove. Cette affection communicative que le héros porte à la cité nous rend d'autant plus insupportable les changements constatés par la Cure, cette entreprise d'assainissement impulsée par l'Acier et qui se manifeste par une expulsion des démons, un récurage en règle de la cité et de certaines de ses institutions, et surtout par une mise au pas des Gros et de leur mode de vie jugé dévoyé. le joyeux bordel qui caractérisait l'Abyme d'autrefois a ainsi peu à peu laissé la place à l'ordre d'une ville aseptisée et dépourvue de tout ce qui faisait son exubérance. Autant dire que ça ne convient pas à notre farfadet, et par conséquent à nous non plus ! le roman fourmille d'idées plus originales et plus astucieuses les unes que les autres, à commencer par les créatures du vaste bestiaire convoqué ici par l'auteur qui mêle lutins, ogres et géants traditionnels à des méduses, des minotaures, des devanciers (un petit air de « Minority Report »), des Advocatus Diaboli, ou encore des Salanistes (illustrées sur les rabats par Julien Delval). Bref, voilà un auteur qui a de l'imagination à revendre !



Que vous ayez déjà eu l'occasion d'arpenter les rues d'Abyme aux côtés de Maspalio ou non, vous ne pouvez pas passer à côté de ces « Nouveaux Mystères d'Abyme » qui marquent le grand retour de Mathieu Gaborit dans les Royaumes Crépusculaires et le début d'une nouvelle série de fantasy éminemment prometteuse. Un univers foisonnant, des personnages hauts-en-couleur, une plume soignée et poétique, une intrigue passionnante : les raisons de vous plonger dans ce premier tome ne manquent pas et devraient ravir tout bon amateur de fantasy qui se respecte. Un gros coup de coeur !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
Commenter  J’apprécie          270
Confessions d'un automate mangeur d'opium

Des machines volantes, lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, servent de taxi. Elles fonctionnent à l’éther. Il y a également des automates qui servent de majordome, de vendeurs, ou autres suivant le prix que l’on veut bien mettre.



Vous prenez une artiste de théâtre, son frère, aliéniste, des automates, des machines révolutionnaires, un meurtre peu banal, vous mélangez le tout et vous obtenez ce steampunk* avec qui j’ai passé un bon moment de lecture, agréable et prenant.



Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un peu comme un Jules Verne ou encore, comme « Les mystères de l’Ouest », série américaine avec Robert Conrad et Ross Martin.

Sortir des sentiers battus, ça fait du bien.





*Le steampunk est un mouvement culturel qui mêle l’esthétique et la technologie du XIXème siècle à des éléments de science-fiction. Ses œuvres littéraires et audiovisuelles se déroulent dans une réalité alternative où le progrès technologique est basé non pas sur l’électricité, mais sur la machine à vapeur.



Comme le dit si bien Douglas Fetherling, “le steampunk est un genre qui imagine jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt.”

Commenter  J’apprécie          260
Abyme

Livre audio – Lu par Sébastien Desjours : 8h33



Le thème correspond tout à fait à ce que j’ai envie d’écouter, ayant beaucoup de mal avec toutes les autres sortes de littérature et ce fut une très agréable découverte ! Je n’avais jamais lu Mathieu Gaborit jusqu'à présent et je me demande pourquoi-comment !



Un monde foisonnant de créatures et de magie, tout en conservant des désirs et des pensées très humains. Le seul point négatif c’est le manque de description de la ville mais la narration de Sébastien Desjours a compensé ce manque en donnant beaucoup de vie aux personnages et d’intensité aux événements !



J’ai bien l’intention de continuer l’exploration de cette imagination prolixe !



Challenge Mauvais Genre 2022
Commenter  J’apprécie          253
Les Royaumes crépusculaires : Intégrale

Parmi les auteurs qui participèrent à l’essor et au renouveau de la fantasy française dans les années 1990, impossible de passer à côté de Mathieu Gaborit. Outre plusieurs ouvrages estampillés « steampunk », qui contribuèrent à populariser le genre en France (« Bohême » ; « Confessions d’un automate mangeur d’opium »), on lui doit également plusieurs romans de fantasy situés dans un même univers, celui des Royaumes Crépusculaires. Parus au milieu des années 1990, ces romans ont depuis peu fait l’objet d’une très belle intégrale éditée chez Mnémos et regroupant la trilogie des « Crépusculaires » ainsi que celle d’« Abyme ». L’occasion pour les non-connaisseurs de l’œuvre de l’auteur de se familiariser avec ses deux héros les plus emblématiques : Agone de Rochronde et Maspalio d’Abyme.



La première trilogie intitulée « Les Crépusculaires » regroupe « Souffre-jour », « Les danseurs de Lorgol » et « Agone », et met en scène un jeune noble dont le père vient de décéder mais qui refuse d’assurer la succession à la tête de sa baronnie. En dépit des efforts de sa famille pour le dissuader, Agone de Rochronde est en effet bien décidé à intégrer l’école de Préceptorale, une communauté formant des professeurs itinérants chargés d’instruire les populations des campagnes. N’ayant pas renoncé à le faire changer d’avis, son père a toutefois tenu à ajouter une close à son testament et à lui imposer une dernière épreuve : il sera autorisé à rejoindre Préceptorale uniquement après avoir passé une semaine dans une autre école, celle de Souffre-jour, qui forme pour sa part des « éminences grises », hommes de l’ombre manipulant les puissants du royaume. Convaincu de la fermeté de son engagement, le jeune homme accepte. Mais le test va s’avérer bien plus difficile que prévu… Mathieu Gaborit met en scène un univers qui, en dépit de son cadre « médiéval-fantastique » traditionnel, se révèle follement original. Le récit baigne dans une atmosphère très sombre, et on comprend tout de suite la pertinence du titre choisi pour qualifier ces royaumes qui servent de décor au récit. Car il règne bel et bien dans ces pages une ambiance crépusculaire qui ne peut que fasciner le lecteur. Même chose en ce qui concerne le bestiaire, puisqu’on a, à priori, affaire à des créatures qu’on retrouve fréquemment en fantasy : lutins, farfadets, fées, ogres… Seulement, là encore, l’auteur parvient à leur donner une complexité et une étrangeté envoûtantes qui feront totalement oublier au lecteur tout ce qu’il pensait savoir sur ces créatures.



L’intensité de l’immersion proposée ici par Mathieu Gaborit ne s’explique toutefois pas seulement par la singularité de son univers, mais aussi et surtout par la beauté de sa plume. Il n’est ainsi guère étonnant de voir l’art occuper une place aussi importante dans le récit, qu’il s’agisse de la musique, de la danse ou de la peinture. Accordés, chorégraphes, danseurs… : autant d’inventions qui enflamment l’imagination du lecteur et participent à enrichir encore un peu plus cet univers dont on comprend vite qu’on n’en cernera de toute façon jamais toute la complexité. Le principal reproche que l’on peut faire à cette première trilogie concerne la manière dont l’auteur met en place son intrigue : chaque partie commence de manière assez lente afin de laisser au lecteur le temps de s’imprégner du décor et de comprendre les enjeux, et puis tout s’emballe dans les cinquante dernières pages qui offrent souvent une conclusion bien trop abrupte. Cela n’enlève rien au plaisir que l’on a à suivre les aventures d’Agone, aussi serait-il dommage de bouder son plaisir. Un mot, pour finir, concernant les personnages qui sont à l’image de l’univers dans lequel ils évoluent : ambigus, difficiles à cerner et imprévisibles. Agone est évidemment le plus marquant de tous, moins en raison de sa personnalité que de son évolution spectaculaire entre le premier et le dernier tome. Les autres personnages sont plus en retrait, même si certains parviennent à tirer leur épingle du jeu, à l’image de Pénombre, la rapière douée de conscience qui accompagne notre héros et qui fait naître évidemment quantité de références dans la tête du lecteur. Dommage en revanche que les personnages féminins soient aussi effacés ou cantonnés à des rôles très stéréotypés : la figure maternelle, la séductrice…



La deuxième moitié de l’intégrale se situe dans le même univers mais nous propose de découvrir un nouveau personnage, et surtout un nouveau décor. Cette seconde trilogie regroupe « Aux ombres d’Abyme », « Renaissance » et « La romance du démiurge », trois récits qui mettent en scène le farfadet Maspalio dont l’auteur vient de reprendre les aventures dans une nouvelle série (« Les nouveaux mystères d’Abyme »). Contrairement à la première trilogie qui nous proposait une intrigue de grande ampleur, avec des guerres entre royaume, des batailles ou des intrigues de cours et de mages, l’auteur opte ici pour un récit plus intimiste prenant la forme d’une enquête. Ancien chef de la guilde des voleurs, Maspalio est un farfadet vieillissant qui s’est retiré des affaires et se contente de quelques contrats en tant qu’invocateur. Notre héros va toutefois être contraint de sortir de sa retraite afin de résoudre un mystère qui rend de toute évidence nerveux les Advocatus Diaboli (ceux qui gèrent les contrats passés entre les invocateurs et les créatures qu’ils convoquent) : un démon n’a pas rejoint son invocateur à la fin de sa mission et se terre quelque part dans la cité. L’événement est déjà inquiétant en soi, mais les différents éléments que va soulever Maspalio au cours de son enquête le sont plus encore : le voilà entraîné dans une complexe machination dont il peine à cerner tous les enjeux et les dangers.



Si le rythme de la trilogie précédente pouvait parfois laisser à désirer, on sent ici que l’auteur possède davantage de maîtrise : les temps morts sont rares, les rebondissements bien réglés, et la conclusion amenée de manière moins abrupte. Pour ce qui est du décor, on retrouve toute la noirceur et l’étrangeté qui caractérisaient celui des aventures d’Agone, mais avec une flamboyance supplémentaire qui tient à la personnalité de la ville d’Abyme elle-même. Impossible en effet de ne pas être fasciné par cette cité hors du commun qui condense d’une certaine manière tout ce qui fait l’originalité de l’œuvre de l’auteur. On y rencontre de nouvelles créatures encore plus déconcertantes que les précédentes (sirènes, méduses, salanistes…), tout en arpentant certains de ses endroits les plus emblématiques : la Grande place et ses auberges mobiles, le palais des Gros, le quartier des guildes… La ballade est d’autant plus captivante que la cité nous est dévoilée par le regard presque énamouré de Maspalio qui, bien que conscient de sa dangerosité et de ses excès, voue à Abyme une adoration sans borne. Si le récit présente autant d’attraits, c’est d’ailleurs aussi en grande partie grâce à ce personnage qui ne pourrait pas être plus différent que celui mis en scène dans « Les Crépusculaire ». A l’inverse du rigide et torturé Agone, Maspalio se distingue par son côté « mauvais garçon » que viennent renforcer un bagou et un culot à toute épreuve. En dépit des moments difficiles qu’il traverse ici, notre héros ne se départit jamais d’un certain panache qui le rend immédiatement sympathique aux yeux du lecteur. Cela se ressent notamment au niveau des dialogues, bien plus enlevés et ciselés que dans la première partie. Les personnages secondaires sont pour leur part toujours aussi en retrait, mais l’auteur parvient tout de même à les rendre plus attachants (même si les femmes sont toujours aux abonnées absentes ou presque).



Idéale pour découvrir la partie la plus réputée de l’œuvre de Mathieu Gaborit, cette intégrale nous plonge dans un univers fascinant où se mêlent flamboyance et noirceur, beauté et brutalité. Difficile également de résister au charme des deux héros qui se partagent ici l’affiche, chacun représentant une facette différente de ces territoires crépusculaires qui nous sont dépeints avec une inventivité et une poésie remarquables. Un indispensable de la fantasy !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
Commenter  J’apprécie          250
Confessions d'un automate mangeur d'opium

En 1999 paraissait « Confessions d’un automate mangeur d’opium », un des premiers romans à tenter de populariser le steampunk en France (un courant littéraire qui met généralement en scène un XIXe siècle uchronique dans lequel vapeur et machinerie occupent une place centrale dans le fonctionnement de la société). A cet égard, l’œuvre fait en quelque sorte figure de « classique » du genre, motif suffisant pour titiller ma curiosité. Le nom des auteurs aurait cela dit pu à lui seul constituer un argument suffisant puisque le roman est le fruit d’une collaboration entre Fabrice Colin et surtout Mathieu Gaborit, deux figures incontournables des littératures de l’imaginaire en France. Le roman se déroule à Paris en 1889 où on fait la connaissance des deux protagonistes, un frère et sa sœur : le premier est un aliéniste étudiant depuis des années les effets de l’éther sur le cerveau et directeur d’un établissement psychiatrique unique fonctionnant sous le modèle d’un panoptique (système architecture conçu au XVIIIe et qui permet à un gardien d’observer toutes les cellules d’un bâtiment sans que les prisonniers/patients puissent savoir s’ils sont épiés ou non) ; la seconde est une actrice réputée, actuellement à l’affiche d’une célèbre pièce de Shakespeare où elle tient le premier rôle. C’est par hasard, en lisant le journal, que la jeune femme apprend la mort d’une de ses plus proches amies, Aurélie, décédée dans d’étranges circonstances : elle serait tombée d’un aérocar qui aurait poursuivit son vol avant de disparaître des radars. Si la police ne tarde pas à conclure à un suicide suite à une malheureuse affaire amoureuse, Margo, elle, est persuadée qu’il s’agit bel et bien d’un meurtre. Alertée par plusieurs indices inquiétants laissant supposer une implication de la pègre ainsi que d’un mystérieux automate, notre actrice ne va pas tarder à solliciter l’aide de son frère pour tenter de résoudre ce mystère. Leur enquête va toutefois les mener bien plus loin qu’ils ne l’imaginaient et révéler une vaste machination visant à déstabiliser l’Europe toute entière.



En dépit de sa réputation plutôt flatteuse, le roman souffre d’un certain nombre de maladresses qui m’ont empêchée d’apprécier cette lecture dont je ressors avec un sentiment très mitigé. On y retrouve pourtant tous les éléments caractéristiques du steampunk, que ce soit au niveau de la période traitée, de l’esthétisme, ou encore des ressorts de l’intrigue. L’action se passe pendant l’Exposition universelle et le décor dans lequel évoluent les personnages est peuplé d’automates de plus en plus performants, d’aérocars, de monuments impressionnants, de machines fonctionnant à l’éther… Tout cela contribue à créer une ambiance particulière qui participe énormément à l’immersion du lecteur. Le problème, c’est que si tout cela pouvait paraître novateur dans les années 1990, le steampunk est aujourd’hui beaucoup plus populaire et a donc donné naissance ces dernières années à quantité d’œuvres littéraires ou cinématographiques reprenant les codes du genre. Le roman de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit a ainsi, d’une certaine manière, mal vieilli puisqu’il paraît malheureusement bien moins original aujourd’hui qu’il ne devait l’être à l’époque. Ce n’est cela dit pas le seul reproche qu’on puisse lui faire puisque le texte souffre également d’une intrigue à la construction un peu bancale. Outre un aspect un peu brouillon, on peut surtout lui reprocher d’être trop prévisible à certains moments (surtout à la fin qu’on voit venir de très loin), et trop simpliste à d’autres. Les personnages ne perdent en effet souvent pas de temps à tenter d’échafauder des stratégies et préfèrent à la place sauter directement dans la gueule du loup, sans aucune précaution pour leur propre sécurité. Cela ne serait pas dramatique si le phénomène n’était pas systématique, ce qui ne contribue évidemment pas à donner une bonne image des personnages qui apparaissent comme deux grands inconscients dépourvus de bon sens.



Et c’est là que se situe à mon sens le plus gros point faible de l’ouvrage : la personnalité des deux protagonistes. Théo, d’abord, apparaît comme assez antipathique. Condescendant et arrogant, le jeune homme nous est présenté comme en avance sur son temps dans le domaine de la psychiatrie mais la manière dont il considère ses patients ou ses collaborateurs laissent sérieusement à désirer. Le personnage de Margo est toutefois encore plus gênant dans la mesure où il donne une image désastreuse et surtout désuète de la femme. On passera sur le fait qu’elle est évidemment sublime et suscite le désir de tous les hommes qui croisent son chemin. On a en effet l’habitude que les romans ne mettent en scène que des bombes hyper sensuelles (les moches ne présentant aucun intérêt, c’est bien connu...). Non, ce qui gêne surtout ce sont à la fois la relation qu’elle entretient avec son frère, et surtout la place qu’elle occupe dans l’intrigue. Bien que là encore présentée comme en avance sur son époque (elle est indépendante, ouvertement lesbienne, se moque du regard des autres…), le rôle de notre héroïne se borne en fait tout au long du roman à se jeter bêtement dans le piège qu’on lui a tendu… avant d’être miraculeusement sauvée par son chevalier servant de frère. Qu’on nous fasse le coup une fois, c’est déjà agaçant, mais qu’on répète l’expérience à plusieurs reprises dans un roman qui ne compte que quatre cent pages, c’est un peu fort de café. On pourrait toutefois là encore s’en accommoder si la jeune femme n’était pas, en plus du reste, constamment infantilisée, non seulement par son frère, mais aussi par elle-même. En effet, je ne compte pas le nombre de fois où elle est comparée ou se compare elle-même à une « petite fille », se laissant guider « telle une enfant » et n’adorant rien tant que de grimper sur les genoux de son frère pour un câlin de réconfort (oui les deux entretiennent une relation hyper louche). L’attitude de celui-ci est à l’avenant puisqu’il la traite comme une gentille demeurée du début à la fin, multipliant les « ma chéri » condescendants et la considérant comme une petite créature fragile incapable de gérer ses émotions.



En dépit d’un cadre et d’une ambiance agréables, ces « Confessions d’un automate mangeur d’opium » se seront avérés très décevantes, non seulement au niveau de l’intrigue mais surtout des personnages qui renvoient une image de la femme absurde et surtout complètement dépassée. Si vous tenez vraiment à vous lancer dans du steampunk à la française, je vous conseillerais plutôt de vous reporter aux ouvrages de Johan Héliot ou encore Hervé Jubert qui, à mon sens, sont plus maîtrisés.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
Commenter  J’apprécie          255
Abyme

Première lecture de cet auteur grâce à un Audible gratuit. J’en ai dans ma pal ebook mais je ne m’y suis pas encore lancée. En même temps, j’avais été déçue par un automate mangeur d’opium écrit à 4 mains.



Le début est très immersif et entraînant. On découvre un monde très original où notre personnage principal est un farfadet Prince-Voleur. On est mis dans le bain tout de suite en sa compagnie car un Advocatus Diaboli a racheté toutes ses connivences (contrats avec les démons) pour qu’il enquête à sa place. Il se retrouve bien vite en mauvaise posture car tout Abyme et les Abysses semblent être liguées contre lui. Va-t-il réussir à démêler cet échevin de fils sans perdre des plumes ? L’auteur mélange allègrement différentes mythologies (satyre, méduse, sirènes, farfadet, démons, …) et d’autres de sa propre imagination (connivences, différentes couleurs de démons (Incarnat, Opalin, …), les Gros, …) pour notre plus grand plaisir. En même temps, grâce à Maspalio (le farfadet), nous visitons Abyme dans toutes ses méandres et les différents quartiers aux mœurs bien particulières. L’univers est foisonnant et on n’a pas le temps de s’appesantir sur un sujet que Maspalio est déjà passé à autre chose pour sauver sa peau et celle de ses fidèles amis tout en enquêtant sur deux problèmes à la fois. On n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer et le lecteur a fait un travail formidable, il est dans l’action de ce livre pour nous le faire vivre intensément. Par moment, Maspalio me faisait penser à un certain elfe des rues de Paname, Sylvo Sylvain. Par contre, à partir de la 3ème partie, on change fréquemment de narrateurs et je me suis un peu perdue avec tout ce beau monde. La fin est très étrange, tout se mélange et donne un final qui n’est pas si clair que ça, peut-être aussi à cause de la multiplication du nombre de personnages dans cette dernière partie. J’ai été obligée de réécouter plusieurs fois certains passages pour tout capter. Mais c’est peut-être à dessein que l’auteur a écrit une fin aussi confuse…





Comme vous l’aurez compris, malgré une fin curieuse, ce roman a été un coup de cœur de part l’imagination et le style de cet auteur. En tout cas, ça m’a donné envie d’avoir ce livre dans ma bibliothèque et de fouiller un peu plus la bibliographie de cet auteur, d’autant plus que j’ai Les Chroniques des Crépusculaires dans ma pal ebook… Si vous êtes amateurs d’univers fantastiques bien développés dans un one-shot, je vous conseille très fortement de découvrir celui-ci et son auteur français.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
Commenter  J’apprécie          242
Les Royaumes crépusculaires : Intégrale

LORSQUE DANSE LA MAGIE !



Par ces quelques six cent pages serrées, les éditions Mémos nous livrent l'intégrale absolument captivante, rédigée sur une vingtaine d'années, des Royaumes Crépusculaires de Mathieu Gaborit.



Les amateurs du genre et de cet auteur y retrouveront avec un immense plaisir les aventures ébouriffantes d'Agone de Rochronde, fils répudié par son père parce qu'il refuse de choisir la voie - la voix - du sang et de la guerre. De ce qui aurait pu n'être qu'un roman d'apprentissage comme il en existe tant, Mathieu Gaborit en fait une belle fresque épique, voyageuse, magique et même un rien mystique. S'y entremêlent magiciens - des plus macabres aux plus éthérés -, démons, fées, lutins, guerriers sanguinaires, prêtres fanatiques assoiffés de vengeance et musiciens étranges aux pouvoirs extatiques. Cependant, restreindre cette trilogie à ces deux dimensions épiques et pédagogiques serait injuste autant que réducteur car en toile de fond se profile une étonnante réflexion sur la filiation et l'héritage paternel, sur la succession des générations et les ingratitude des unes envers les autres (pas forcément dans le sens immédiatement attendu), sur l'importance de faire son chemin sans être invariablement tenu de suivre les conventions, etc. Preuve, s'il en est, que la littérature dite "de genre" peut bien souvent se lire à plusieurs niveaux et transcender un récit de pure aventure (ce qui explique par ailleurs qu'il nous semble vain d'en dévoiler beaucoup de la trame, au risque de gâcher tout plaisir au futur lecteur).



C'est ainsi que le lecteur pourra découvrir et retrouver l'intégralité de la saga intitulée Les Crépusculaires constituée de trois volets : Souffre-Jour, Les Danseurs de Lorgol et Agone auxquels une postface inédite de l'auteur vient donner une conclusion originale, spirituelle, quasi écologique, mais qui clôt toute possibilité de retrouver le jeune Agone dans quelque développement futur que ce soit.



Que le lecteur ne se trouble pas : après les rugueuses, parfois sombres - sans être jamais totalement noires : l'heure est crépusculaire, non pas nocturne, n'est-ce pas ? - pages consacrées à Agone, à cette terre remuante, emplie de bruits et de fureur, d'Urguemand, à ses barons belliqueux, à la fascinante ville de Lorgol (qui est, pour ainsi dire, l'un des personnages de cette trilogie) et à ses étonnants petits danseurs, source de toute magie, il est temps d'entrer au cœur des mystères fantasques et purement fantaisistes de l'incroyable cité d'Abyme. Baroque, abracadabrante, excentrique, affolante, décadente, rocambolesque, torpide, lumineuse ou monstrueuse : les qualificatifs manquent pour décrire parfaitement la citadelle aux trois cercles, la ville de toutes les ambassades, surmontée d'un immense palais habité par "les Gros" et leur foisonnante assemblée de courtisans, de parasites en tous genres et de serviteurs. On y découvre, surtout, cet incroyable farfadet - que l'on vient de retrouver pour un nouveau cycle nommé La cité exsangue -, Prince voleur à la retraite (à sa seule et impérieuse demande) mais qui va reprendre du service bien malgré lui : le rusé et intrépide Maspalio.



Là, c'est une véritable enquête qui va servir de fil conducteur à ce nouvel avatar des Cités Crépusculaires, une enquête dans les souvenirs du prince retraité, dans les bas-fonds comme dans les lieux les mieux lotis de la ville, une double recherche de vérités pas forcément bonnes à découvrir, à dire encore moins où s'entremêlent démons des abysses, êtres tout droit sortis de l'imagerie populaire du petit peuple mais aussi de la "grande" mythologie (grecque, scandinave, chrétienne) ou tout simplement issus de l'imagination fertile de l'auteur.



Bien que foisonnant, bien que trépidant, et, admettons-le, passant du farfelu le plus échevelé aux truculences les mieux construites, on ne se perd jamais dans les multiples rebondissements que Mathieu Gaborit impose à ses petits personnages de papier. C'est qu'il sait s'y entendre, cet homme, pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et le comble, c'est qu'on en redemande ! Car le style est enjoué, agréable, vif, sans effet de manche inutile mais jamais plat, direct et joyeusement imagé, ce cycle se lit avec un plaisir presque enfantin et permet de passer outre les quelques facilités narratives croisées ici où là, les solutions à l'emporte-pièce arrachées à l'ultime seconde, lorsqu'il semblait pourtant que l'histoire risquait d'aboutir à une impasse. On regrettera aussi certaines conclusions un peu trop rapidement réalisées et qui auraient largement résisté à des développements plus amples, plus approfondis... Mais baste ces détails sans réelle importance fondamentale ici : voici un bel objet regroupant ce qui se fait de mieux dans notre langue en matière de littérature populaire - avec tout ce que nous pouvons penser de bien de cette littérature-là, qui peut parfaitement vivre et se déployer avec grâce et poésie à côté d'une littérature supposément plus savante, plus intelligente -, et c'était une sacrément bonne idée que de regrouper l'intégralité de cette épopée (toujours vivante, avec ce très récent opus cité plus haut) imaginaire.



Ajoutons que les amateurs de jeux de rôles s'y trouveront certainement au mieux : Mathieu Gaborit en est un fertile créateur et bien des "solutions" empruntées par les différents personnages pour se sortir du pétrin du moment ou dans l'établissement d'une stratégie, ainsi que certaines de leurs "caractéristiques" personnelles pour le moins marquées semblent bien souvent directement issues de ce monde du jeu, transcendé avec passion et ingéniosité par le créateur. Ouvrage pour soirées calmes au coin du feu ou pour vacances au bord de mer, Les Royaumes Crépusculaires sont un excellent viatique pour s'introduire dans ce monde pléthorique et halluciné de la fantasy. On ne lui fera peut-être qu'un seul véritable reproche : que tout ceci a goût de trop peu et que chacun des royaumes évoqués, nombre des personnages ici secondaires auraient fort bien pu être l'occasion d'une autre saga !
Commenter  J’apprécie          240
Confessions d'un automate mangeur d'opium

Pourquoi ai-je relu ce roman de Mathieu Gaborit et Fabrice Colin - deux auteurs que je n'aime pas particulièrement ? Parce que je suis une feignasse qui, par moment, préfère se prélasser à relire de vieux machins plutôt que d'aller chercher plus loin que le bout de son nez. Il faut dire que j'en avais un bon souvenir, de ce livre. Mais flou. Tout est dans le flou, dirait-on.



Si l'introduction, au narrateur inconnu et qui recèle bien des mystères, attrape le lecteur à la gorge, c'est là un effet de courte durée. Sitôt qu'apparaissent les deux protagonistes du roman, c'est la platitude du style et du récit qui l'emporte. Colin et Gaborit n'auront même pas réussi, à travers l'alternance systématique des points de vue de Margo et - mince, ah, j'ai oublié son nom... Ah oui, Théo ! -, ils n'auront même pas réussi, disais-je, à créer un effet de suspens qui, pourtant, marche quasiment à tous les coups avec ce genre se stratagème (même Mary Higgins Clark maîtrise le truc, c'est dire). Or, du suspens, on en aurait bien besoin dans un roman qui se veut avant tout une aventure policière où la levée du mystère central est essentielle. Quoique... on finit bien par se demander ce que cherchent finalement le frère et la soeur. Par exemple, Théo, spécialiste de l'étude des effets de l'éther sur la psyché, part sur telle ou telle piste sans vraiment de raison, sinon qu'il va falloir à un moment ou à un autre que les protagonistes trouvent quelque chose, un indice, une théorie, un truc, quoi, sans quoi ils n'iraient pas bien loin, et nous non plus. de même, on fait intervenir des personnages extérieurs pour "décoincer" la situation, sans quoi... même chose. Il semble que la construction du scénario ait quelque peu manqué de rigueur, donc on remet droit ce qui est bancal à l'aide de ce qu'on a sous la main. le résultat n'est pas toujours, par conséquent, très convaincant.



Mais surtout, c'est lent, c'est lent, c'est leeeeeent... Je suis pourtant ouverte à la littérature contemplative autant qu'à la littérature d'aventure trépidante, mais là... C'est juste ennuyeux. Il ne se passe rien, sinon que Margo passe son temps à se promener nue dans son appartement, voire devant son frère, à jouer les coquettes devant les passants et à dire et redire, jusqu'à épuiser le patient lecteur, que les hommes la trouvent très, mais vraiment très, mais vraiment très très très séduisante et que d'ailleurs, elle se trouve elle-même pas mal du tout. Ajoutons-y une touche de péché : j'ai précisé qu'elle se baladait à poil devant son frère, mais elle passe pas mal de temps aussi à l'aguicher. Je ne sais pas bien pourquoi, mais il est clair que les auteurs ont voulu nous faire comprendre qu'il existait une relation incestuelle entre Margo et Théo . Message reçu (vu le manque de subtilité de la chose, on voit mal comment on aurait pu passer à côté), mais c'est sans aucun intérêt pour l'histoire. Voilà, leur relation ambiguë est (lourdement) suggérée, mais jamais exploitée. En gros c'est du remplissage. San compter que Margo devient carrément lourde et agaçante avec ses minauderies perpétuelles, tandis que Théo reste fade de bout en bout.



Je dois dire que le dernier tiers se lit bien mieux que le reste : plus de rythme, des péripéties, des dangers, un nouveau personnage. Mais tout finit par retomber magistralement - ou devrais-je dire royalement ? - à l'eau avec une scène finale pas très réussie, non plus qu'originale. le thème principal, le mystère de l'éther, tout ça s'évapore pour nous laisser sur les fesses. Tout ça pour ça ?



Pour ne rien oublier, notons le petit côté prétentieux de Mathieu et Fabrice, qui nous assène des scènes entières de Shakespeare dès les premiers chapitres. Alors merci bien les gars, mais on est capables de lire Shakespeare nous-mêmes. Pour ne pas s'arrêter là, les voilà qui essaient de nous épater en évoquant Christopher Marlowe (sous-entendu : le lecteur de steampunk est un inculte qui ne connaît pas Marlowe, faisons-le paon devant lui avec nos connaissances littéraires époustouflantes). Bon, déjà, y 'a pas de mal à pas connaître Marlowe. Mais alors, vouloir faire les intéressants en évoquant Marlowe et tomber dans le grossier piège de "C'est pas Shakespeare qui a écrit ses pièces, c'est Machin" (ici, Machin, c'est donc Marlowe, vous l'aurez compris), c'est complètement con et rasoir. Gaborit et Colin ont sûrement trop regardé "Shakespeare in love"... Comment peut-on tomber aussi bas, juste pour faire les malins ?
Commenter  J’apprécie          240
Confessions d'un automate mangeur d'opium

Paris s’apprête à accueillir l’exposition universelle de 1889, et il y a de quoi faire ! La récente découverte de l’éther, une substance source d’énergie, a permis de faire des bons de géant dans le domaine scientifique : engins volants, automates en tout genre, c’est une véritable révolution industrielle qui se déroule sous les yeux des citoyens ébahis. La plupart voient l’éther comme une substance quasi-miraculeuse. D’autres pointent ses dangers encore mal connus, car elle semble provoquer de curieux troubles psychologiques chez les individus qui y ont été exposés trop longtemps.



Au milieu de cette effervescence, deux personnes ont d’autres chats à fouetter : Margo enquête sur la mort de sa meilleure amie, qui est tombée mystérieusement d’un aérocar alors qu’elle s’y trouvait seule, avec l’aide de son frère, directeur d’un asile d’aliénés victimes de l’éther. Les premiers éléments les mènent sur une piste déconcertante : le coupable serait un des automates de l’appareil, qui aurait agi de son propre chef…



J’ai craqué en partie pour ce livre grâce à la superbe couverture de l’édition Bragelonne, qui représente un Paris parcouru de dirigeables, et baigné dans la lumière verdâtre de l’éther. J’ai adoré l’ambiance, historique (on croise quelques personnages connus au détour d’un chapitre ou l’autre), et résolument steampunk. Tout le monde n’apprécie pas les visions de machines infernales crachant de grands jets de vapeur, d’engrenages géants et de dirigeables comme mode de transport principal, mais moi j’y suis particulièrement sensible. J’ai été agréablement surpris de voir apparaître des théories de l’époque (la panoptique, ….) et des thématiques post-humanistes qui pour le coup sont vraiment à l’ordre du jour.



Derrière ce décor qui m’a enthousiasmé, il faut bien reconnaître que l’intrigue est tout de même assez faible. Le récit est rempli de deus ex-machina, de situations improbables et injustifiées (ex : la fuite du serpent mécanique), et de scènes dont on se demande, au bout du livre, ce qu’elles apportent réellement au récit (les visions de Dix-Neuf, la rencontre avec le voyant).



Mon impression générale reste excellente, tant j’apprécie ce melting-pot de genres et de références, mais je conseillerais ce livre aux amateurs de steampunk, et pas forcément à ceux qui recherchent une intrigue policière en bonne et due forme.
Commenter  J’apprécie          230
D'une rive à l'autre

Si vous n'avez pas encore eu l'occasion de vous pencher sur la bibliographie déjà bien fournie de Mathieu Gaborit, alors « D'une rive à l'autre » est fait pour vous ! Le recueil constitue en effet une porte d'entrée idéale aux différents univers développés tout au long de sa carrière par l'auteur dont ont été réunis ici huit textes. Des textes certes non inédits (tous ont déjà fait l'objet de précédentes parutions dans diverses anthologies ou revues) mais sélectionnés avec soin dans le but de donner un aperçu le plus complet possible des nombreuses facettes de l'auteur. Le recueil s'ouvre avec « Naissances », une nouvelle consacrée au jeu de rôle basé sur la trilogie « Chroniques des Féals ». De quoi donner une petite idée de la noirceur et de la complexité de cet univers dans lequel évolue ici une jeune femme bien décidée à empêcher le Néant de s'infiltrer dans le monde. La narration à la deuxième personne est originale et on est vite saisi par la poésie qui se dégage de la plume de l'auteur. On enchaîne avec « Aux frontières de Sienne », une nouvelle inspirée d'une légende birmane et consacrée à l'histoire d'amour contrariée d'un jeune homme et d'une ondine. Si le texte est un peu trop court pour que l'on puisse éprouver une véritable empathie pour les deux amants, l'idée sur laquelle se base le récit est en tout cas surprenante et la chute plutôt amusante. S'ensuit une nouvelle mettant en scène deux personnages plutôt discrets bien que cheminant depuis toujours dans le sillage des armées : une prostituée et un détrousseur de cadavres (« Étreinte de Babylone »). Cette fois la relation qu'entretiennent les protagonistes ne manque pas de susciter l'émotion du lecteur qui ne pourra qu'être sensible à l'ambiance à la fois inquiétante et envoûtante dans laquelle baigne le récit.



Le texte suivant nous plonge à nouveau dans l'univers des « Chroniques des Féals » mais l'atmosphère et les enjeux sont cette fois tout autre (« Le Vitrail de jouvence »). L'auteur y dévoile notamment une autre partie de son bestiaire ainsi qu'un aspect bien particulier de sa magie, envisagée ici selon une approche artisanale qui ne manque pas d'originalité. Là encore l'aperçu est bref mais les perspectives envisagées enflamment bien vite l'imagination du lecteur qui pourra difficilement rester de marbre face à l'évocation de la mystérieuse guilde des Phéniciers, des griffons gardant le royaume de Grif' ou de la fabuleuse bibliothèque d'Alandra. « Je t'en conjure, égare-toi au moins une fois dans ce labyrinthe. Loue les services des esprits-frappeurs dont on use pour tourner les pages, observe les centaures aux sabots recouverts de velours qui trottent dans les couloirs pour ranger les grimoires, admire les dryades qui utilisent leurs longs cheveux d'or pour relier les parchemins... » Le recueil se poursuit avec l'une des nouvelles les plus longues mais aussi les plus réussies de l'ouvrage (« Songe ophidien ») . Elle est consacrée à l'un des personnages phares des « Crépusculaires » et nous fournit l'occasion de faire plus ample connaissance avec deux autres créatures : un danseur et une méduse. « Depuis toujours, les sifflements des serpents résonnaient avec ses pensées. Depuis peu, elle avait su discerner les modulations, les infimes variations qui différenciaient les reptiles. Comme toutes les petites méduses de son âge, elle avait alors baptisé chaque serpent, elle avait pu les reconnaître dans le miroir et les caresser en murmurant leur nom. » Là encore l'auteur se démarque par son originalité et la perspective de découvrir cette créature mythologique non pas en tant que monstre mais en tant que personnage à part entière m'a énormément plu.



Changement radical d'ambiance avec « Un passé trompeur », une nouvelle s'inscrivant clairement dans la mouvance steampunk qui semble avoir suffisamment intéressée l'auteur pour qu'il y consacre plusieurs romans (« Bohème », que je vous recommande, et « Confession d'un automate mangeur d'opium » écrit en collaboration avec Fabrice Colin). Le récit est encore plus bref que les précédents et met en scène le monument le plus célèbre de notre capitale ici reconstruis des années après sa création et reconverti en vue d'une toute autre utilisation. Un petit texte agréable qui vaut essentiellement pour sa chute. La nouvelle suivante est sans aucune doute ma favorite (« Mime ») : Mathieu Gaborit y imagine une créature invisible des hommes mais capable d'aspirer chez eux toute envie, toute volonté créatrice. Ne reste plus de leur proie que des coquilles vides, des hommes ou des femmes se noyant dans un travail et une routine abrutissante, sans plus chercher à rêver ou à aimer. Un texte bouleversant qui s'interroge sur notre société et encourage le lecteur a prendre un peu de recul. Dernière du recueil, la nouvelle « Involution » relève quand à elle davantage de la science-fiction que de la fantasy et je dois avouer que cette histoire d'enfants ailés tout puissants ne m'a que peu passionnée. L'ouvrage offre en bonus une longue interview réalisée en 2012 par ActuSF dans laquelle l'auteur revient sur l'ensemble de sa carrière et présente chacune des nouvelles du recueil (je vous encourage d'ailleurs à lire cette interview avant votre lecture afin de bien saisir le contexte dans lequel ces différents textes ont été écris).



Avec « D'une rive à l'autre » Mathieu Gaborit signe un recueil épatant dont chaque nouvelle nous permet d'apprécier ce constitue la marque de fabrique et le charme de l'auteur : une ambiance sombre et souvent baroque, un bestiaire et une approche de la magie qui sortent de l'ordinaire, et surtout une plume dont se dégage une infinie poésie. Je ressors de ce recueil avec des envies de lecture plein la tête, aussi si vous avez des suggestions concernant la série par laquelle il vous semble préférable de débuter, je suis preneuse !
Commenter  J’apprécie          232
Reines et Dragons

Après trois éditions des Imaginales d’Épinal où l’anthologie était dirigée par l’organisatrice du festival, Stéphanie Nicot, celle-ci laisse la main à d’autres auteurs et charge, en 2012, le prolifique duo créateur Sylvie Miller – Lionel Davoust (et très bons nouvellistes) de faire perdurer le regroupement thématique de nouvelles qui paraît chaque année en mai. Là où Stéphanie Nicot dirigeait des anthologies titrées par des associations logiques comme « Rois et Capitaines », Sylvie Miller et Lionel Davoust ouvrent un arc d’anthologies qui vont associer une figure forte de la fantasy avec une créature fantastique. Ainsi, Reines et Dragons se place d’emblée dans cette optique très intéressante à lire comme à écrire.



[Davantage de contenus (éléments connexes, images, critique plus longue) sur ]

Comme ces douze nouvelles ont été lues au cours d’un Challenge courant sur une année entière, chacune d’elles a son propre petit paragraphe d’analyse.



Parmi les auteurs conviés à l’anthologie Reines et Dragons, il y en a peu que je ne connaissais pas d’avance ; Chantal Robillard fait partie du lot. Ecrivain, conservateur en bibliothèque et poète, elle semble avoir de multiples facettes qu’il est forcément difficile de cerner en peu de pages. Dans Le Dit du Drégonjon et de son Elfrie, elle livre une très courte nouvelle particulièrement parlée et phrasée. Ce n’est pas pour rien que la préface de Sylvie Miller et Lionel Davoust, les deux anthologistes, on nous conseille de la lire à haute voix. Ils l’ont sûrement choisi comme ouverture de leur ouvrage parce qu’elle est accrocheuse justement par cet aspect-ci et par le fait d’être très court.

Avec l’incessante complainte « Drégonjon, Drégonjon, viens nous secourir ! », Chantal Robillard prend le risque de lasser le lecteur dès le départ en ressassant cette réplique. Cela prend heureusement place dans un contexte simple à saisir : de jeunes elfes invoquent Drégonjon pour qu’elles soient sauvées de leur situation délétère. Je vous laisserai juger de la thématique choisie qui, bien que désormais convenue, a toujours besoin d’être remise en avant au vu d’un certain patriarcat latent et traditionnel. Pour autant, même si l’orientation de l’anthologie est totalement respectée avec le dragon protecteur et la reine qui s’élève, je ne cesse de me questionner sur l’intérêt de quitter un joug pour un autre, de rejeter un enfermement pour une relation peut-être trop peu définie en fin de nouvelle...



Thomas Geha, alias Xavier Dollo, est déjà un auteur que je connais davantage. La saga Alone, le diptyque du Sabre de Sang ou bien American Fays en collaboration avec Anne Fakhouri sont autant d’ouvrages très appréciés à chaque critique, le tout étant parfaitement complété par de nombreuses nouvelles dans tous les genres de l’imaginaire.

Celle qu’il a proposée à Sylvie Miller et Lionel Davoust, « Chuchoteurs du Dragon », se déroule dans un monde médiéval de fantasy, le Royaume de l’Esflamme du Dragon, où les castes sont bien segmentées et les secrets bien gardés. Nous découvrons rapidement Hiodes, reine et héroïne, dans les bras de son amant Malwenn, guerrier d’élite. Leur amour va se retrouver confronté aux rêves par lesquels le fameux Dragon se lie aux monarques qu'il a choisis.

C’est un texte relativement classique que nous livre Thomas Geha, dans le microcosme de la fantasy médiévale sur le thème « Reines et Dragons », mais efficace. Il est toujours compliqué de faire ressentir l’onirisme de certaines situations et la façon dont il le fait rapproche plutôt cette œuvre de l’univers du Sabre de sang, avant tout, avec une magie induite par les forces même qui anime son monde, qu’elles soient encore vivaces ou déliquescentes. C’est donc la trame de fond qui va surtout rester dans l’esprit du lecteur, après avoir terminé « Chuchoteurs du Dragon » : le choix des souverains par une créature fantastique au statut compliqué, le passage du titre de Chuchoteur à celui de Lié, etc.



Au tour d’Adrien Tomas, avec « Ophëa », de nous donner l’envie de découvrir sa vision des Reines et des Dragons. Il y dévoile une vision classique certes, sûrement à l’image de ses premiers romans (La Geste du Sixième Royaume ; La Maison des Mages), mais particulièrement divertissante et qui révèle, à la toute fin, un sel bien placé.

Ophëa est la jeune reine d’un royaume ayant récemment perdu son souverain, le chevaleresque Naïel, mort au combat face à la « Bête » qui terrorise les alentours. Forcée de concéder du pouvoir, Ophëa doit se résoudre, telle Pénélope dans l’Odyssée, à épouser, pour le bien du royaume, celui qui réussira à vaincre le Dragon (car c’en est un, et de belle taille) et à lui rapporter sa tête. Pour venger le souverain précédent, pour acquérir encore plus de pouvoir, pour la gloire, pour l’honneur, pour l’amour même, les seigneurs du plus puissant au plus humble défilent devant la créature pour l’affronter plus ou moins courageusement. Outre un classicisme encouragé par le thème de départ, certains pourraient tiquer sur un léger abus des comparaisons au premier abord, mais finalement le récit prend le pas sur le reste et on chevauche l’intrigue comme ces chevaliers leur monture.

La nouvelle d’Adrien Tomas suit raisonnablement une structure en trois parties cohérentes : l’exposition (une situation mal barrée qui pose un objectif clair, net et précis), le déroulement de l’action (si son état d’esprit était morne, le lecteur reprend du baume au cœur, tandis que si le début avait été déjà très apprécié, ces moments de bravoure ou de lâcheté n’en sont que meilleurs), et enfin le dénouement (que je ne dévoilerais pas ici, évidemment). L’auteur prend totalement au mot le titre de l’anthologie et son intention est tout à fait louable, car elle pourrait servir, en ce début d’anthologie, de maître étalon aux nouvelles qui suivent.



Anne Fakhouri, auteur du Clairvoyage, de Narcogenèse et d’American Fays, a l’habitude du récit initiatique et de la mise en place du sentiment amoureux ; elle utilise cela dans sa nouvelle « Au cœur du dragon ».

Jil et Œuf de Dragon font partie d’un peuple vivant au pied de montagnes habitées par des dragons plus ou moins mystérieux (il en existe plusieurs espèces ce qui complexifie l’affaire). Ceux-ci sont à la fois dangereux et pourvoyeurs de matières premières bien utiles pour le fonctionnement de la société qui les côtoient, c’est pourquoi ils constituent un défi pour les « grimpeurs », caste de casse-cous dont le rite d’initiation, d’entrée, est bien sûr de grimper dans un des repères draconiques pour en ramener un trophée. L’amitié tendancieuse nouée dès le départ entre Jil et Œuf du Dragon sera évidemment l’enjeu de cette quête.

Clairement, c’est davantage la figure du dragon dans toute sa complexité qui est développée que celle de la reine, mais ce n’est pas un constat qui pose franchement problème ici, puisque la nouvelle se fonde davantage sur la compréhension (ou non, pour le coup) de l’essence même des dragons, et de ce qui les relie à ces « grimpeurs ». Dans le style, j’ai été moins convaincu, car de ce que j’ai déjà lu d’elle, Anne Fakhouri m’a habitué à plus de répondant, humoristique par exemple ; bien sûr, il y a quelques lignes de dialogue croustillantes, mais je me demande si c’est une nouvelle à conseiller pour découvrir cette auteur, au moins pour la construction des sentiments entre les personnages, là oui.



Justine Niogret nous offre, elle, une bouffée d’air frais à respirer avec attention. Sa nouvelle « Achab était amoureux » nous étonne dès le départ avec non pas un, mais deux titres mystérieux. En effet, « Achab était amoureux » figure au sommaire, ainsi que dans la mise en page ; toutefois, le titre au début de la nouvelle est en fait « La Grande Déesse de fer de la Miséricorde » ! Apparemment, c’est la seule nouvelle de Justine Niogret à avoir vu son titre accepter par les anthologistes… et puis finalement non, voilà tout ! c’est plutôt « Achab était amoureux » qui fut retenu. Mystère de l’édition d’une anthologie...

L’auteur de Chien du Heaume et de Mordre le Bouclier, comme à son habitude, réussit dès les premières lignes à tourner le thème imposé (des reines et des dragons) dans une direction toute personnelle. Le climat est rude, la vie dure et les rencontres pas toujours heureuses. Justine Niogret cultive là le dilemme entre le confort de la proximité et l’aventure vers l’inconnu, entre l’assurance et la tentation. Le décor mis en scène autour de ce duo improbable (la jeune Reine et le sage dragon retiré du monde) est clairement beau. Et, après lecture, on comprend bien tout l’épais mystère entourant le titre de cette courte nouvelle : « La Grande Déesse de fer de la Miséricorde » expose une justification sous forme de métaphore au fait que, bel et bien, « Achab était amoureux ». Il y aura donc au moins une référence que je cerne pleinement, celle du destin liant un chasseur et sa proie, une personne et son destin, un amour et son objet.



Comme très souvent, Pierre Bordage, qu’on ne présente plus, fait une petite incursion dans la fantasy relativement classique pour offrir sa contribution à l’anthologie officielle des Imaginales. Pour le thème des reines et des dragons, c’est sa nouvelle « Morflam » qui nous narre la rencontre de l’une et de l’autre.

Aux confins du royaume de Mandraor, surgit à nouveau le dragon Morflam ; à Saordor, la capitale, la toute jeune reine Hoguilde, déjà particulièrement catégorique dans ses premiers choix politiques, doit affronter cette nouvelle menace pour son royaume avec fermeté malgré son jeune âge et surtout en s’affirmant en tant que reine. La fine fleur des chevaliers partie au combat, Hoguilde finit par fuir sa capitale et ses rencontres en chemin vont décider de sa destinée royale.

Pierre Bordage nous emmène ainsi dans un monde médiéval-fantastique assez classique avec une héroïne forte mais très peu expérimentée et ses rencontres se révèlent cousues de fil blanc. Malgré tout, il est toujours aussi fluide de lire des écrits de Pierre Bordage ; les personnalités s’installent vite et l’intrigue suit tranquillement son cours. Si tout le monde n’adhérera pas à la réflexion qui sous-tend toute la fin du récit, cette nouvelle se laissera lire sans complexe.



Charlotte Bousquet, auteur notamment de la trilogie de l’Archipel des Numinées, propose pour l’anthologie Reines et Dragons une variation déjà beaucoup moins classique et évidente que certains de ses collègues. Avec « Azr’Khila », nous plongeons dans d’antiques déserts arides et mortels.

Pour la pauvre Yaaza, femme âgée du désert, la vie n’est pas simple, c’est un euphémisme. Suite au massacre de sa tribu lors d’une razzia des cavaliers teshites avec force pillages et viols, elle se retrouve seule avec sa vieille chèvre Buruyi. Divagations et envies de vengeance se mêlent pour nous mener vers une magie vaudou autour de la déesse-reine Maysa Khila et son représentant-vautour. Le mystère emplit bien vite les pages de cette nouvelle, d'autant plus que le lecteur peut légitimement chercher assez loin la relation reine-dragon, mais au moins, grâce à Charlotte Bousquet, nous sortons largement de l'épisode classiquement classique choisi par certains de ses collègues, pour plutôt filer vers une variation atypique.

Le style de Charlotte Bousquet, dans cette nouvelle en tout cas, n’est pas fluide du tout, et ce pour une bonne raison, puisqu’elle est, semble-t-il, dans une recherche constante du mot juste ; et, de fait, l’ensemble apparaît un peu moins évident qu’à l’accoutumée dans une nouvelle normalement rapidement lue. Avec ses non-dits et ses choix scénaristiques, l’auteur donne, au fond, l’impression d’offrir deux histoires en une, avec ce choix final relevant de deux hypothèses possibles. Au lecteur d’opter pour sa préférée...



Vincent Gessler, auteur suisse de Cygnis (Prix Julia-Verlanger et Prix Utopiales européen 2012), est déjà quelqu'un de plus récent, de plus discret aussi que certains de ses camarades de cette anthologie. Plus spécialisé dans la science-fiction au départ, il tente avec « Où vont les reines » une plongée dans la fantasy bien épurée.

Alors donc « Où vont les reines » ? « Dans ton cul », dirait l’autre. Pourtant, ce n’est pas là où va être envoyée Ae par sa mère. Alors qu’elle découvre sa maternité, sa mère, la reine d’Akhit, la dépêche dans l’endroit secret où vont les souveraines chaque année à partir de leur premier enfantement. Car, en fait, les reines d’Akhit sont des tueuses de dragon et le fait de partir en étant enceinte leur accorde le droit d’atteindre un sanctuaire de dragonnes.

Sans dévoiler le dénouement, on peut regretter un petit manque d’évolution et d’enjeux que les mots choisis ne gomment pas vraiment : Ae a le mérite de découvrir de quoi nous tenir en haleine pendant une nouvelle, mais nous n’allons pas non plus énormément loin dans la réflexion autour de la situation. Heureusement, nous sommes totalement dans le thème de l’anthologie : de vraies reines, majestueuses et fortes, face à de vrais dragons, puissants et reptiliens.



Érik Wietzel est un auteur déjà bien rompu à la fantasy pure (La Porte des Limbes, Cycle d’Elamia, Les Dragons de la Cité rouge) et sa nouvelle « Le Monstre de Westerham » ne dépareille pas de ses habitudes d’écriture (en matière de fantasy, car il est aussi largement passé à l’écriture de thriller depuis).

Encore une fois, nous tombons sur une étrangeté dans le titre : « Le Monstre de Westerham » s’affiche en tête de la nouvelle et dans la table des matières, pourtant nous trouvons « Le Prix de la trahison » en haut de la mise en page. Étrange donc, sachant que les deux titres sont suffisamment mystérieux sur le ton de la nouvelle ; peut-être est-ce là un problème semblable à celui rencontré par Justine Niogret pour « Achab était amoureux / « La Grande Déesse de fer de la Miséricorde ».

D’abord, nous suivons le duo Askelle et Klarion : la première, malgré les conseils et envies de son frère, part dans la quête d’un Crâne de Valeur. D’un autre côté, nous rencontrons Ayline, souveraine d’Arnilton mais reine réfugiée à Straton, qui cherche à reconquérir sa capitale. Les deux quêtes vont inévitablement se croiser en un dénouement bien trouvé.

Érik Wietzel a suffisamment bien tourné ses descriptions pour éviter toute conclusion trop rapide et finalement, n’est-ce pas dire qu’une nouvelle est bonne quand on ne peut pas décemment en dévoiler davantage ? Il réussit quand même en quelques pages à mettre dans son récit à la fois une petite mythologie, quelques fausses pistes et une conclusion abrupte.



S'il y a bien un auteur qui sait créer des mondes imaginaires en quelques lignes, c'est bien Mathieu Gaborit. Alors découvrir une de ses nouvelles, ici « Under a Lilac Tree », est toujours intrigant.

Eveilleuse est la reine d’un monde étrange. Elle évolue entre un monde tangible et un monde intangible. Son parcours dans cette nouvelle interroge la place du lecteur et, par un onirisme trouble, fait se briser la réalité mais aussi, parfois, se flouter la compréhension. La mise en abîme de la maladie, du pouvoir des livres et de l’imaginaire rend cette nouvelle encore plus englobante et provoque la nécessité de la relire avec un œil renouvelé.

C'est donc un petit récit finalement assez compliqué dans sa structure et son style que nous livre Mathieu Gaborit (en même temps, nous ne sommes pas là que pour lire du facile et du jetable), mais un récit qui tente de nous parler de l’intérêt d’accepter le statut de Muse au nom des rêves qui en découlent, de la vie que cela promet. Ambitieux.



C’est au tour de Nathalie Dau de nous faire connaître sa vision du lien entre dragon et reine, à l’aide de son écriture d’un fantastique sensible et émouvant.

Dans « Cet œil brillant qui la fixait », c’est un peu « quand Gwendolyn rencontre Tiainrug ». Le souci, dans ce royaume médiéval-fantastique, c’est que l’une fait partie du peuple du lac et que l’autre appartient au peuple de la montagne. Tous deux sont les Créatures représentant et menant leur camp au combat, du moins normalement, car quand les sentiments s’en mêlent, peut-être que l’origine de cette guerre inepte sera enfin dévoilée.

Nathalie Dau met à profit son science du sentiment en fantasy pour distiller une nouvelle où tous les côtés habituellement niais de ce genre de romance sont parfaitement en adéquation avec la situation. Les enjeux sont clairs : que reste-t-il de nous quand les amours et les transformations ont fait leur œuvre ? Ces deux Créatures, aux mutations reptiliennes, déjouent les pronostics lancés par chacun de leurs camps.



L’anthologie met Mélanie Fazi en valeur en lui laissant l’honneur de conclure. Cette auteure aux multiples récompenses pour ses recueils fantastiques nous glisse une nouvelle fraîche et, mine de rien, contemporaine.

Dans « Les Sœurs de la Tarasque », nous suivons l’itinéraire contrarié de Rachel, l’une des sept élèves du pensionnat destiné à désigner la future femme de l’Avatar, représentant du Dragon. Le monde peut bien tourner (la technologie semble bien proche de la nôtre), il n’empêche que l’Avatar a besoin d’une mère pour ses futurs enfants et toutes les familles rêvent de placer leur fille à ses côtés. La société des Sœurs de la Tarasque sont là pour éduquer et préparer ces jeunes filles désignées. Toutefois, Rachel ne semble pas à fond pour suivre ce chemin tout tracé et ne voit pas d’un bon œil sa meilleure amie, Lénaïc, être autant sous le charme du puissant personnage masculin.

Mélanie Fazi nous livre une nouvelle au ton très jeunesse, mais elle fait passer ce ton d’une manière si fraîche qu’il paraît tout naturel. Nous sommes dans un pensionnat pour jeunes filles, alors ces petites remarques, ces petites habitudes pour des demoiselles en pleine puberté sont tout bonnement parfaites. La justesse du ton rencontre également une intrigue parfaitement calibrée pour une nouvelle. Il n’y aura donc bien que la multiplication des prénoms et l’origine du Dragon qui pourraient gêner le lecteur.



Pour reprendre quelques considérations de manière plus générale, l'avantage de ce thème, de cette nouvelle association entre une créature fantastique (Dragons) et un personnage humain (Reines), est de faire proposer, de fait, nombre de femmes fortes, ce qui change en bien de la production littéraire majoritaire, même la tendance s'équilibre. Un certain nombre de nouvelles ont mis en scène beaucoup de mensonges et de faux-semblants, à voir s'il y a derrière ce choix des volontés éditoriales au départ. Enfin, on a vu que l’octroi des titres de nouvelles a pu quelque peu bloquer, mais la construction anthologique réalisée par Sylvie Miller et Lionel Davoust a permis d’attaquer avec un texte très court (pas très immersif pour ma part, mais pas trop bloquant au moins), puis d’enchaîner avec la fantasy la plus classique, pour finir avec, à mon humble avis, les textes les plus ambitieux.

Dans tous les cas, l’ensemble de cette anthologie est plutôt de la solide fantasy, le plus souvent bien pratique pour découvrir tel ou telle auteure...

Commenter  J’apprécie          230




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Mathieu Gaborit (1610)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz Harry Potter (difficile:1-7)

De quoi la famille Dursley a-t'elle le plus peur?

des voisins curieux
des hiboux
de Harry
de tout ce qui peut les faire paraître étranges

20 questions
8132 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}