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Citation de Charybde2


Plus mes os cliquetaient, plus je sentais mon corps autour d’eux accroché, dessiné et bâti, plus je sentais la vie et toute la vanité, insensée, qui m’avait jeté sur les routes d’Allemagne, sur les routes de l’Histoire, pour m’essorer enfin comme on vide une éponge avant de la jeter pour éviter l’odeur d’humidité rance qui colle aux doigts longtemps… Que faire de tous ces os quand ils sont trop nombreux, que la terre en dégorge parce qu’ils nourrissent la honte mais ni fleurs ni moissons ? Les camps de concentration de catégorie III, les plus durs, étaient appelés Knochenmühle, « broyeurs d’os », ce qui dit bien que même les morts n’y trouvaient pas de repos. Au fond de la nuit où je glisse, toute conscience première abolie mais toute conscience seconde dans un état de veille aigu, ceci étant de toute évidence la condition de cela même si ce n’est pas la voie du repos de l’âme, pas la voie de la grâce, pas le chemin de Port-Royal, je comprends enfin ça : que les Allemands nazis ne voulaient surtout pas que leurs victimes aient même un lieu pour le repos, songent même au repos, voulaient que tout finisse, et l’âme et la mémoire, dans une fumée âcre qui ne célèbrerait rien d’autre que le néant. On sait que leur échec est là où Ruth Klüger l’a si précisément situé : « La mémoire est une faculté, non une vertu. »
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