La chronique de Gérard Collard - Matt Lennox
[La mutinerie] avait duré quatre jours. A la fin l'armée avait pris position devant la prison et installé ses mitrailleuses. Les soldats n'attendaient plus que l'ordre de tirer. En haut sous la verrière, [il] restait à l'écart. Au début, il s'était bien amusé comme tout le monde, saccageant tout, allumant des feux. La première fois depuis des années qu'il s'amusait autant. Mais ensuite plusieurs mutins avaient revendiqué le droit de ceci, le droit de cela. D'autres voulaient rendre la justice. Ce qui signifiait ligoter tous les violeurs, les pervers et les mouchards, et s'en prendre à eux avec un chalumeau ou à coups de barres de fer. Un type qui avait peloté des écoliers s'était retrouvé avec les yeux énucléés et les oreilles brûlées. (p. 212)
[...] dans la maison où j'ai grandi, on parlait tout le temps de Dieu. Et pas de grand-chose d'autre. A mon avis, tout ce en quoi je peux croire prend le contre-pied de ce dont on parlait chez moi, parce que je me répétais que ça ne tenait pas debout et je cherchais les failles. (p. 403)
- Clifton [puritain] n'aime pas le tabac, reprit-il. Ni l'alcool. Flynn est trop souvent venu travailler avec la gueule de bois et Clifton l'a viré. Si tu veux mon avis, il n'aime pas le sexe non plus.
- Eh bien c'est lui le patron. Tant qu'il a du travail pour moi, il n'est pas obligé d'aimer quoi que ce soit.
(p. 38)
Il était fatigué parce qu’il se sentait infiniment soulagé. Soulagé de renoncer aux efforts qu’ils s’étaient imposés.
[…]– Tu ne crois pas à l’enfer ?
– Bien sûr que si. Je l’ai vu de mes propres yeux. Il est ici, en ce bas monde où les gens eux-mêmes le font vivre aux autres. »
[…] Je me souviens de vous, dit Stan.
– Ah bon ?
– Oui. Vraiment. J’ai été flic pendant des années. » Lee ne répondit pas. Stan lui avait fait un croque-monsieur et il avait réussi à en avaler quelques bouchées.
« J’avais entendu dire que vous étiez revenu, poursuivit Stan. Je ne sais pas si vous l’avez oublié ou non, mais c’est moi qui vous ai conduit à la prison provinciale. Vous n’étiez pas bien vieux…
– J’avais vingt-deux ans.
[…] « Il y a quelque chose que je voudrais savoir, dit-il.
– Quoi donc ?
– Si avec tout ce que j’ai pu faire, voilà où j’en suis, c’est que tout était écrit d’avance, non ?
– Je ne sais pas, répondit Stan. Vous croyez que c’est le cas ?
– Non, je ne crois pas. J’ai beau me creuser la tête, je ne vois pas comment ce serait possible. »
[…] Dans ma famille tout le monde ne parle que de Jésus. Ma grand-mère est mourante, et personne n’en parle. Mon vrai père est parti avant ma naissance, et personne n’en parle. Mon oncle a fait dix-sept ans de prison, et absolument personne n’en parle. […] S’il n’y avait pas Jésus, je vivrais dans une maison totalement silencieuse.
Il y avait aussi le gris, et c’était souvent là que résidait la vérité.
Il était sorti de prison, mais son existence restait sous la coupe de ces hommes avec leurs insignes et leurs armes à feu. Il avait été naïf de croire qu’il pourrait en être autrement.