Mon cœur bat fort, comme si des pierres se cognaient entre elles dans ma poitrine. Mon sang afflue et j’entends mes cellules entrer en collision dans mes veines.
Je tressaille. Ma Déviance a aiguisé mes sens. Ma conscience de tout ce qui se passe en moi. Je n’arrive même pas à cligner des paupières. J’ai beau essayer, je ne peux pas bouger.
À force de me regarder dans les yeux, je me suis laissé prendre au piège par mon propre pouvoir.
L’adrénaline me chauffe le sang, et les battements de mon cœur m’assourdissent. J’inspire. Le son et la force du geste me semblent mille fois plus retentissants que les assauts du vent à l’extérieur du dôme.
Maintenant que je suis libérée de mes vieux secrets, plus rien ne s’oppose à ce que je sois avec Cal. Rien ne m’empêche de redevenir sa petite amie. Et maintenant que nous sommes dispensés de faire sanctionner nos fréquentations par les Ressources humaines, l’idée de m’engager envers Cal semble plus réelle, plus concrète.
Je me sens bien auprès de lui. Mais je ne dois pas sortir avec lui simplement parce que c’est facile. Ou, pire, parce que Burn ne veut pas de moi.
J’aurais besoin d’un signe.
Je ne peux pas ramener ma mère à la vie. Je suis même incapable de tenir la promesse que j’ai faite à sa mémoire de ne plus jamais utiliser mon pouvoir.
La culpabilité enserre mon corps, se glisse sous ma peau, sape mon énergie, anéantit mon espoir.
Pourtant, je refuse de céder. Je ne peux pas me complaire dans mon malheur. Sauver des vies est le seul moyen dont je dispose pour racheter une fraction du mal que j’ai fait.
Mes muscles sont si fatigués que j’ai l’impression que c’est moi qu’on a liquidée, cet après-midi, et non ce pauvre garçon. Mon cerveau, lui, fonctionne à la vitesse grand V. Je sais que j’ai besoin de dormir ; pourtant, je ne crois pas que je réussirais à fermer l’œil, même si je trouvais le temps de m’allonger.
Or, le temps me manque.
J’ai la nostalgie de la frange blonde qui, autrefois, tombait sur son front et s’arrêtait juste au-dessus de ses yeux. Malgré ses cheveux courts, Cal est indéniablement séduisant. Il se tourne, et la lumière qui filtre par la fenêtre se reflète sur son visage. J’ai très envie de toucher les poils sur sa mâchoire anguleuse.
Nous survivons en nous montrant très prudents, mais, pour les Normaux, la poussière peut être mortelle. J’ai entendu dire que, pendant une tempête de poussière, quelques semaines avant notre arrivée à Concorde, une femme était morte parce qu’elle n’avait pas réussi à enfiler son masque à temps.
Cette nuit, j’ai accompli une bonne action. J’ai sauvé une jeune fille et je lui ai donné une chance de vivre en sécurité à l’Extérieur. Combien faudra-t-il que j’en sauve encore pour racheter mon passé ?
Je n’aurai pas assez de toute une vie pour réparer le mal que j’ai fait.
Il veut que je les infiltre et que je les trahisse. Je ne prête aucune foi aux raisons que M. Belando a invoquées pour me choisir comme espionne, et jamais je ne ferai ce qu’il attend de moi, mais ce n’est pas comme s’il m’avait donné le choix.
La liberté donne l’illusion de la sécurité, et mon désir le plus cher est de m’abandonner à ce fantasme. Entourée d’amis, au milieu d’une forêt baignée par l’air pur, je me sens à l’abri. Je ne porte même pas mon masque contre la poussière.
N’oubliez jamais, que les Déviants ne sont pas toujours faciles à identifier. Certains ne révèlent leur Déviance que s’ils se sentent menacés ou sous pression. Si ces deux-là étaient Déviants, ils se seraient montrés sous leur vrai jour.