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Citation de enkidu_


On voudrait s’arrêter ; on se dit que personne ne vit d’un mensonge, qu’il y a là sans doute une réalité à demi recouverte, un terrain de tourbe oit jadis un beau lac reflétait le ciel. On s’attarde auprès de cette vase, on rêve de saisir ce qui peut subsister d’un verbe dans les bégaiements de Vintras. Ah ! si nous pouvions pénétrer en lui jusqu’à ces asiles de l’âme que rien ne trouble, où repose sans mélange, encore préservé des contacts de l’air et des compromis du siècle, ce que notre nature produit d’elle-même avec abondance !

Lui, il se tient pour une énergie primitive. À l’en croire, il a retrouvé ce qu’Adam et Ève possédaient avant la chute : l’intelligence de toute la Création, les relations spirituelles avec les Mondes, les communications sensibles avec Dieu. Toute cette insanité ne laisse pas de parler à certaines parties de notre imagination. Mais quelle maladresse d’invoquer ici les figures d’Adam et d’Eve, et de nous rappeler la minute glorieuse où les premiers des hommes s’agenouillèrent devant le jour naissant ! Ce lever du soleil sur la jeunesse du monde, à l’heure où nos premiers parents rendaient grâce au Créateur, c’est le triomphe de la lumière et la fête de l’ordre, au lieu que la tare de Vintras, c’est d’être redescendu au chaos. L’atmosphère qu’il laisse derrière lui à Sion n’est pas saine ni féconde. On y sent le renfermé, la migraine, la prison, le triste cénacle où se pressent des demi-intelligences. Vintras exprime des thèmes qui ont usé leur vie, dépassé la première mort, accompli leur dissolution. Loin d’être une aube, une aurore, c’est le souvenir d’un triste chant de crépuscule.

L’univers est perçu par Vintras d’une manière qu’il n’a pas inventée, et qui jadis était celle du plus grand nombre des hommes. Il appartient à une espèce quasi disparue, dont il reste pourtant quelques survivants. Quelle n’est pas leur ivresse ! Vintras est allé jusqu’à cette mélodie qu’ils soupçonnaient, dont ils avaient besoin. Il l’a reconnue, saisie, délivrée. Elle s’élève dans les airs. Ils palpitent, croient sortir d’un long sommeil, accourent. Vintras exprime l’ineffable. Ses vibrations éveillent chez eux le sens du supranaturel. Il renverse, nie les obstacles élevés contre l’instinct des âmes et le mouvement spontané de l’esprit. Il fournit à ses fidèles le chant libérateur. (pp. 207-209)
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