Un beau poème peut offrir aux murs de la réalité le pouvoir
des mots grimpants.
C’est sa façon de les embellir qui aide à les franchir.
Si je pouvais glisser un message dans le poème,
ce serait celui d’un charme secrètement inclus
dans la beauté du geste qu’il ne peut faire,
… mais qu’il suggère.
II
Le vent du monde emporte des planètes
et les enroule autour des flammes.
Fête multicolore des premières bombes
qui construisent un village dans le néant
à grands coups de fusions contagieuses,
de rayonnements furtifs, d’expansions géantes.
Tous les desseins de l’existence
se glissent au fond de la matière
pour la grande parade des conséquences,
l’alignement des faits,
la foire des sous-produits.
Le hasard se ruine en circonstances.
Rupture d’espace. Voltige du temps.
L’avenir se fripe dès qu’il s’assoit
comme l’étoffe dont il s’habille.
III
L’énergie bat le rappel des forces
qui viendront compliquer la substance,
lui offrir les possibilités de l’inutile,
le tumulte des pierres et de l’intelligence.
Mais les astres ne l’ont pas compris encore.
Ils s’écartent sans déchirer la plèvre.
Pour scintiller au large
les galaxies prennent souffle de lumière
dans le magma silencieux des origines.
La molécule se cherche une famille
pour accéder à l’importance du composé.
Convulsions d’invisible ! Chute des corps simples.
Lasses de tournoyer au bon plaisir des gouffres,
les particules montent à l’assaut du geste.
V
Les lointaines échéances du vide
se payent en monnaie d’étoiles.
Le destin ouvre un compte sur la terre.
Mais le brouillard estompe d’infini
la première signature de la plume inconnue
devant les greffiers de l’intemporel,
laisse anonyme le don de toute mouvance
aux héritiers de l’immuable.
L'étonnement ne doit pas être un moyen abusif, un but extérieur pour accaparer l'attention, enjoliver, bâtir une effet. Inutile de chercher à surprendre par des artifices...
L'étonnement du poète devient le burin qui taille l'immédiat pour ne garder que la matière essentielle, transmissible mais impalpable...
Avec humour ou tristesse, le poète déshabille le quotidien pour mettre le siècle à nu. Il surveille sans s'habituer...
Nous devons nous affranchir de certaines tentations solides et durables : une poésie de l'autrefois...
Une poésie de laboratoire préparant des vaccins contre l'imaginaire...
manifeste du poète étonné...p.10