"[
] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux.
[
] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. [
] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes.
[
] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. [
]
On peut toutefois se demander [
] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions.
[
]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw
0:28 - Julien Green
0:45 - Heinrich von Kleist
1:04 - Georges Henein
1:13 - Ladislav Klima
1:31 - Michel Schneider
1:44 - Hector Berlioz
1:55 - Henry de Montherlant
2:12 - Friedrich Nietzsche
2:23 - Roland Jaccard
2:37 - Alphonse Allais
2:48 - Samuel Johnson
3:02 - Henrik Ibsen
3:17 - Gilbert Keith Chesterton
3:35 - Gustave Flaubert
3:45 - Maurice Maeterlinck
3:57 - Fiodor Dostoïevski
4:08 - Aristippe de Cyrène
4:21 - Générique
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Référence bibliographique :
Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration :
Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg
George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg
Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982
Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg
Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective
Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios
Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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“il faut que l’homme trouve pour lui-même une possibilité particulière de vie supérieure dans l’humble et inévitable réalité quotidienne.”
Notre sagesse, nos vertus, notre politique, âpres fruits de la nécessité que notre imagination a dorés, n'ont d'autre but que d'utiliser notre égoïsme et de tourner au bien commun l'activité naturellement nuisible de chaque individu.
Livre II -L'Essaim- chap XXII- p.69-
La plupart des êtres ont le sentiment confus qu'un hasard très précaire, une sorte de membrane transparente, sépare la mort de l'amour, et que l'idée profonde de la nature veut que l'on meure dans le moment où l'on transmet la vie.[...]
Aussitôt l'union accomplie, le ventre du mâle s'entrouvre, l'organe se détache, entraînant la masse des entrailles, les ailes se détendent et, foudroyé par l'éclair nuptial, le corps vidé tournoie et tombe dans l'abîme.
-Livre V- Le vol nuptial - Chap IV - p. 181 -
Qui aura lu ce livre ne sera pas en état de conduire une ruche, mais connaîtra à peu près tout ce qu'on sait de certain, de curieux, de profond et d'intime sur ses habitants. Ce n'est guère, au prix de ce qui reste à apprendre. Je passerai sous silence toutes les traditions erronées qui forment encore, à la campagne et dans beaucoup d'ouvrages, la fable de l'apier.
-Livre premier- Au seuil de la ruche-
-Chap. 1- p.22 -
Je sais tout ce que l'on peut dire contre la théorie du transformisme. Elle a des preuves nombreuses et des arguments très puissants, mais qui, à la rigueur, ne portent pas conviction. Il ne faut jamais se livrer sans arrière-pensée aux vérités de l'époque où l'on vit. Peut-être que dans cent ans bien des chapitres de nos livres qui sont imprégnés de celle-ci, en paraîtront vieillis comme le sont aujourd'hui les œuvres des philosophes du siècle passé, pleines d'un homme trop parfait et qui n'existe pas, et tant de pages du XVIIe siècle qu'amoindrit la pensée du dieu âpre et mesquin de la tradition catholique, déformée par tant de vanités et de mensonges.
Néanmoins, lorsqu'on ne peut savoir la vérité d'une chose, il est bon qu'on accepte l'hypothèse qui, dans le moment où le hasard nous fait naître, s'impose le plus impérieusement à la raison. Il y a à parier qu'elle est fausse, mais tant qu'on la croit vraie elle est utile, elle ranime les courages, et pousse les recherches dans une direction nouvelle. A première vue, pour remplacer ces suppositions ingénieuses, il semblerait plus sage de dire simplement la vérité profonde, qui est qu'on ne sait pas. Mais cette vérité ne serait salutaire que s'il était prouvé qu'on ne saura jamais. En attendant, elle nous maintiendrait dans une immobilité plus funeste que les plus fâcheuses illusions. Nous sommes ainsi faits que rien ne nous entraîne plus loin ni plus haut que les bonds de nos erreurs. Au fond, le peu que nous avons appris, nous le devons à des hypothèses toujours hasardeuses, souvent absurdes, et pour la plupart moins circonspectes que celle d'aujourd'hui. Elles étaient peut-être insensées, mais elles ont entretenu l'ardeur de la recherche. Que celui qui veille au foyer de l'hôtellerie humaine soit aveugle ou très vieux, qu'importe au voyageur qui a froid et vient s'asseoir à ses côtés ? Si le feu ne s'est pas éteint sous sa garde, il a fait ce qu'aurait pu faire le meilleur.
Transmettons cette ardeur, non pas intacte, mais accrue, et rien ne peut l'accroitre davantage que cette hypothèse du transformisme qui nous force à interroger avec une méthode plus sévère et une passion plus constante tout ce qui existe sur la terre, dans ses entrailles, dans les profondeurs de la mer et l'étendue des cieux.
-Livre VII- Le progrès de l'espèce -
-Chap VII- p.224, 225
"Les abeilles ne travaillent que dans l’obscurité, la pensée ne travaille que dans le silence, et la vertu dans le secret… "
[...] l'abeille ne connaît pas la crainte, et rien au monde ne l'épouvante, excepté la fumée. Au sortir de la ruche elle aspire, en même temps que l'azur, la longanimité et la condescendance. Elle s'écarte devant qui la dérange, elle affecte d'ignorer l'existence de qui ne la serre pas de trop près. On dirait qu'elle se sait dans un univers qui appartient à tous, où chacun a droit à sa place, où il convient d'être discret et pacifique.
-Livre III- La fondation de la cité -
- Chap VI - P.101 -
[...] quoique vierge, elle n'est pas stérile. Nous rencontrons ici cette grande anomalie, cette précaution ou ce caprice étonnant de la nature qu'on nomme la parthénogenèse, et qui est commun à un certain nombre d'insectes, les Pucerons, les Lépidoptères du genre Psyché, les Hyménoptères de la tribu des Cynipides, etc. La reine-vierge est donc capable de pondre comme si elle avait été fécondée, mais de tous les œufs qu'elle pondra, dans les cellules grandes ou petites, ne naîtront que des mâles, et comme les mâles ne travaillent jamais, qu'ils vivent aux dépens des femelles, qu'ils ne vont même pas butiner pour leur propre compte et ne peuvent pourvoir à leur subsistance, c'est au bout de quelques semaines, après la mort des dernières ouvrières exténuées, la ruine et l'anéantissement de la colonie.
Livre IV -Les Jeunes Reines- Chap XII - P. 159 -
[...] au contraire de ce que l'on croit généralement, la vie hiémale des abeilles est alentie mais non pas arrêtée ¹.
1. Une forte ruchée, pendant l'hivernage, qui dans nos contrées dure environ six mois, c'est-à-dire d'octobre au commencement d'avril, consomme pour l'ordinaire vingt à trente livres de miel.
-LivreVI- Le massacre des mâles -
-Chap III- p.208 -
Hélas ! Mes vœux n'amènent plus
Mon âme aux rives des paupières,
Elle est descendue au reflux
De ses prières.
Elle est au fond de mes yeux clos,
Et seule son haleine lasse
Élève encore à fleur des eaux
Ses lys de glace.