Les Mistons (1957) film réalisé par François Truffaut , bande-annonce
Il arriva par le sentier de la cluse, vers le seizième mois de l’automne, qu’on appelait là-bas : la saison pourrie.
C’est Louana qui l’aperçut la première, et plus tard, lorsque le Conseil se réunit pour statuer sur le cas de l’étranger, elle intervint pour revendiquer ce premier regard. Elle avait ce visage d’enfant mongole, hilare, écarlate, qui n’était pas du pays ; elle avait ces intonations étranges qui faisaient qu’on l’écoutait toujours avec stupeur. — C’est moi qui l’ai vu la première ! devait-elle crier ce jour-là au Conseil.
Et elle avait ajouté en éclatant de rire : À travers le cul de ma mère !
(Incipit)
Ecrire, c'est aligner les voyelles et les consonnes pour en faire des corbeilles de beauté
Pourquoi pensez-vous que les gens vont au théâtre ? Pour écouter ce que récitent les acteurs ? Pas du tout. Pas du tout. Les hommes vont au théâtre parce qu'ils y rencontrent des femmes... et les femmes vont au théâtre parce qu'elles y rencontrent des hommes.... Imaginez que, par un décret du tsar ou des circonstances quelconques, les salles de spectacles ne soient plus mixtes : un jour les hommes, un jour les femmes.... Je vous le dis, les théâtres seraient vides - vides. Les églises aussi d'ailleurs.
Dès la première enfance, dans le pays, on suçait des patarots imprégnés d’alcool, et on ne s’en portait pas plus mal. Au contraire, on estimait que pendant les grands froids, la liqueur de lentilles constituait un blindage des organes qui permettait de résister. On ne craignait pas d’en abuser. Et voilà que ce Mathusalem, au premier verre, tombait à genoux comme une communiante ! Ah ! de quel fragile fardeau s’était imprudemment chargée la commune !

Tout autre que lui, poussant la porte vitrée, alourdie par un insolite et arrogant entrelacs de ferronnerie, eût été saisi par l’odeur fétide qui régnait dans la salle : était-elle due aux vomissures qui souillaient le plancher de bois sous les tables ? aux écuelles immondes qui traînaient sur le sol auprès de la cuisinière et au-dessus desquelles bourdonnaient des essaims de grosses mouches ? aux chaussures, aux bandes molletières d’uniforme que les deux douaniers du pays, seuls clients du café à cette heure, avaient retirées pour les faire sécher dans le four de la cuisinière ? Ou bien était-ce l’odeur personnelle et familière de l’énorme paysanne emmitouflée de laine noire qui régnait sur les lieux, visiblement atteinte d’éléphantiasis et que Siméon, en entrant, surprit dans une bien étrange opération : assise à califourchon sur les genoux de l’un des douaniers, – le douanier en second à ce qui devait apparaître bientôt – qui la maintenait contre lui en lui plaquant les deux mains ouvertes sur les fesses, elle lui pressait entre deux doigts les ailes du nez, et la séborrhée sale dont elles étaient gorgées jaillissait des pores en petits vermisseaux à têtes noires. À chaque éclosion ils éclataient de rire entraînant dans leur hilarité le Chef des Douanes qui arbitrait le jeu et comptait les coups avec intérêt.
Chez nous, les grenouilles, elles servent à autre chose. C’est pour les femmes… À cause des enfants, tu comprends. Les maris ne le savent jamais ! Et pourtant, ça les chatouille, là-dedans !
Siméon, sous la pluie, parcourut un village aveugle.
Il marchait à pas très lent, tenant son bâton à main nue, le dos courbé sous le havresac et la tête basse. Il portait un manteau de gabardine noir, dont il avait relevé le col. Mais la forte pluie lui glissait entre le col et la nuque, le faisant par instant frissonner.
Il était jeune encore, mais si laid, et d'une laideur si pathétique, qu'on ne lui donnait plus d'âge. Il avait le teint basané, mais sale sous la barbe vieille. Il avait plus d'une paume de distance entre ses gros yeux et un nez proéminent qui lui donnait l'air triste d'un vieux bélier. Les sourcils lui mangeaient le front et le visage.
Je pense qu'on n'invente rien absolument. L'imagination, l'inspiration, la création, tout cela se fabrique à partir de ce que l'on est, de ce qu'on vit, de ce qu'on connaît, des gens que l'on rencontre, des souvenirs de lectures ou de spectacles... La création littéraire comme on dit consiste à déformer la réalité, à tricher avec le réel et le vécu, à " mentir vrai " comme dit superbement Aragon. Et cela pourquoi ? Je réponds par un conseil de Ingmar Bergman : " Sois toujours intéressant. ". Cela vaut autant pour un livre la moindre nouvelle que pour un film la moindre séquence.
"Le Matricule des Anges"
Avril 2006 N° 072
Philippe Savary
Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change.
Moi, je ne veux pas croupir avec vous dans cette pourriture....
. Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change.
Adieu ! Il me reste une main pour écrire, un pied pour marcher.
J'irai enrichir un autre monde puisque je sais désormais qu'un autre monde existe.
(...) Et je garde, excusez-moi, en dépit de tout, une espérance dont vous n'avez pas idée.