Et dire à qui les soirs bestiaux, les lendemains
Où triant la monnaie et du dos de la main
Défroissant les billets trouvés au fond des poches,
Sa mère calculait comment tenir le mois
Et soudain se laissait tomber sur une chaise,
Les poignets morts et le chignon en désarroi,
Une âcre odeur montait du ciment plein de taches
Et des torchons restés sous l'évier, le jour gris
Eclairait sur la pierre un amas de débris,
Il se précipitait, il dévalait la rue,
Il sortait du village et là, sous le vieux saule
Et face aux champs lointains où dormaient des charrues,
Il renversait la tête et fermait les paupières
Et d'abord en lui-même et peu à peu tout haut
Il répétait, joignant les poings dans sa prière :
Quand j'ouvrirai les yeux, le monde sera beau, le monde sera beau, le monde sera beau, le monde sera beau, le monde sera beau, le monde....
Hurle toujours, les yeux ouverts, toujours hurle, hurle !

[...]
et libre alors, ce soir, viens, dévêts-toi aussi et viens, sur le
tapis, viens t'étendre et laisse-moi
ouvrir tes cheveux, placer sous ta nuque une colline avec un
chemin blanc, sous ton épaule gauche
un cimetière au-dessus des vergers, le château des bois sous ton
épaule droite et les tours plus loin qui surveillent,
et la grande rue au long du ruisseau et la place avec son
tournant sur ta poitrine, et la ruelle,
sur ta hanche la route et ses énormes marronniers pleins de
hannetons et de petites clochettes roses,
l'heure du matin qui sonne toujours dans le plus jeune de tes
genoux, dans l'autre l'heure du soir,
l'odeur des foins et la barrière, l'éponge furieuse des trains, la
rivière autour de tes jambes,
et tout en haut, avant qu'il ne s'abatte, au milieu des prés
laisse-moi, laisse-moi dans cet arbre
être l'enfant, l'enfant de rien, l'enfant de haine et de douleur,
l'enfant seul parmi les corbeaux,
implorant l'horizon de lui redire en toute vérité quelle vie il
aurait, plus tard, homme en quel monde.
parole
sable
aiguille sèche
qui coule
mensonge
et rien d'autre partout
mensonge
mais de quelle vérité
toi
soudain
qui me parles
ne cherche pas : celui qui parle, ici, c’est toi, oui, toi qui viens
d’ouvrir le livre, et cette parole, elle est la tienne.
Comment ça ? Cette parole, elle n’est que la mienne, et tu
n’as fait, toi, que la parler, n’est-ce pas, rien d’autre ?
Elle est la mienne, et pour autant, vois-tu, elle est aussi la
tienne, elle est la nôtre, cette parole, elle est à toi et moi.
Quelqu’un parle ? Il y a l’un qui dit et l’autre qui écoute et
pour l’un et pour l’autre il n’y a qu’une parole et qu’une même.
Une même parole et pourtant tu es toi, et pourtant je suis
moi, une même parole et nous voici, moi et toi, ici, toi et moi.
Ici, c’est vrai, ici non pas pour un dialogue, ici pour être toi
et moi ensemble, ici pour être nous.
Être parlant, c’est être nous. La parole ? NOUS est son
poème.
RECUIAM NEGATUR
Cosmos
jamais jamais par l'infini sans
route hublot pour rien ne leur arrivera-t-il
jamais que de mourir
il atteint la porte l'entrouvre elle
est là les yeux clos la poitrine à chaque
souffle elle dort
et lui seul pour elle à veiller seul
au milieu du vide était-il plus perdu que sur
la Terre