Echange entre le biographe de « Le mystère Mussolini » (éditions Perrin) et Xavier Fos, président de stratégies françaises. Lauteur répond à de nombreuses questions, dans un grand entretien.
Quels sont les liens entre Benito Mussolini et le fascisme dans lEurope des années 20 et 30 ? Quelles sont les étapes de la prise de pouvoir par le « Duce » ? Celui qui vient dêtre élu à lAcadémie française en 2020 réagit à linvasion de lUkraine et donne son avis sur la personnalité de Poutine. Xavier Fos interroge Maurizio Serra. Lacadémicien décrit la manière dont Mussolini a réussi à rester populaire en Italie pendant plus de 16 ans. Xavier Fos, président de stratégies françaises fait linterview du diplomate. Maurizio Serra porte un regard sur les personnages sulfureux de lHistoire et leur part dombre. Lauteur évoque le mariage de Mussolini avec Rachele, et le rôle de sa maîtresse Margherita Sarfatti. Maurizio Serra reçoit le club stratégies françaises. Quelle est la part pathologique du caractère de Mussolini (mensonge, manque de sens de lhumour) ? Quel rôle joue le roi Victor-Emmanuel III ? Pourquoi le livre dOswald Spengler « Le déclin de lOccident » a joué un rôle important dans cette époque ? Maurizio Serra évoque lagression contre lEthiopie en 1935, conquête coloniale avec un temps de retard. Lhistorien explique comment le fascisme devient antisémite en 1938 avec une série de lois excluant les juifs de ladministration, lenseignement, la culture. Le biographe de Malaparte essaie dexpliquer létrange rapport entre Mussolini et Hitler. Quelle est linfluence du gendre Ciano, qui sera son ministre des Affaires étrangères ? Quelle est la nature du régime de la République de Salo ? Quelles premières impressions à lAcadémie française ?
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Toute détente faisait horreur à Mussolini, et s’il y aura un Duce torse nu, il n’y aura jamais de facisme en pantoufles.
Churchill encore, pour terminer.
À un dîner bien arrosé, comme d'habitude, il se tourna vers son gendre, le jeune ministre Duncan Sandys un peu interloqué : « Tu sais ce que j’ai admiré chez that old fellow Musso ? La façon dont il s'est débarrassé de Ciano... »
Le mythe selon lequel la marche sur Rome a sauvé l’Italie du bolchevisme triomphe donc. Mais comment juger l'événement en soi ? S'agit-il d'une subversion révolutionnaire ou d'un expédient pour légaliser une révolution qui n'eut pas lieu ?
Au fond, les deux thèses ne sont pas incompatibles, surtout pour Mussolini. L’ère fasciste commence, même si la dictature ne débutera officiellement que trois ans plus tard.
Cette tragi-comédie aura au moins inspiré un chef-d'œuvre d'humour grinçant : le pamphlet La Marche sur Rome.. . et autres lieux, rédigé au début des années 1930 à Paris par l'exilé Emilio Lussu. Il s'agit, avec Fontamara (1933) d'Ignazio Silone et Le Christ s’est arrêté à. Eboli (1945) de Carlo Levi, d'une des œuvres marquantes de l'antifascisme militant.
La question n'est pas tant de savoir pourquoi il y a des dictatures, mais plutôt pourquoi le peuple y adhère.
L'Histoire.
Ayant détruit tout leur matériel, les quelques centaines de parachutistes survivants de la division, dernier anneau de l'armée italo-allemande d'El-Alamein, cessèrent le combat sans hisser le drapeau blanc, refusant formellement de se rendre.
Ils attendirent immobiles, au garde-à-vous, les Anglais qui leur rendirent les honneurs militaires
. La guerre du désert, nous l'avons dit, était une guerre de seigneurs.
On peut lire sur l’ossuaire d El-Alamein cette phrase de Rommel : « Le soldat allemand a surpris le monde. Le soldat italien a surpris le soldat allemand. »
À Badoglio, qui se montra meilleur diplomate que stratège et passa outre aux dernières revendications de la délégation italienne en abrégeant : « C'est firme [sic, pour signé], donc ça suffit comme ça», le plénipotendaire français, le général Hutzinger, répondit, les larmes aux yeux : « Vous êtes un soldat, Badoglio, et pas seulement un maréchal. »
La France, en revanche, fût le véritable réceptacle de ses amours et de ses rancunes. Malgré son engouement pour le romandsme allemand, la culture française était au cœur de sa formation : Victor Hugo et Napoléon bien sûr, mais aussi Stendhal lui tiendront compagnie jusqu'à ses derniers jours.
Nous verrons plus loin à quel point l’obsession d'avoir été éconduit par les gouvernements successifs de la Troisième République le poussera vers l'alliance avec Hitler.
Si le général Pugliese avait pu tirer un seul obus, les « marcheurs » se seraient vraisemblablement dispersés avec la rapidité des lyncheurs de Lussu.
L’histoire est parfois faite par l'action, plus souvent par l'inaction, c'est-à-dire la lâcheté.

La culture italienne des années 1930, je ne parle pas des intellectuels qui s'étaient exilés, mais bien de ceux qui avaient choisi de rester, fut foisonnante et souvent d'un très haut niveau, malgré la dictature. Dédaignée dans son propre pays après la montée du néoréalisme d'après-guerre - qui n'existerait pas, c'est l'évidence même, s'il n'y avait pas eu auparavant le réalisme ! -, on commence seulement à la redécouvrir, alors qu'elle reste presque ignorée en France, mais non aux Etats-Unis ni en Allemagne. La peinture a donné Sironi, Casorati, Scipione, Balla, de Pisis, Rosai, Campigli, sans oublier la phase classique (et point mineure) des frères ennemis De Chirico et Savinio. Le grand cinéma italien a fait ses débuts avec Blasetti, Camerini, Genina. L'architecture rationaliste, le design industriel, l'ameublement, la mode même, tout ce qu'on appelle un peu abusivement le "style" italien sont nés alors, avec Piacentini, Brasini, Terragni, Nervi, Gio Ponti. En musique Nono, Maderna ou Berio ne seraient pas concevables si Malipiero et Casella, Petrassi et Dallapiccola ne les avaient précédés. En littérature, on admet Ungaretti et Montale, et bien entendu Moravia dont nous reparlerons. Mais que dire de Bontempelli, Bacchelli, Alvaro, Comisso, Cardarelli, Palazzeschi, Papini, Trilussa ? Et où se sont formés, sinon dans ce climat, Buzzati, Vittorini, Brancati, Delfini, Piovene, Guido, Bilenchi, Bassani, Pavese, Tobino ? Lorsque nous sortirons enfin de la damnatio memoriae, propre des idéologies quand elles descendent au plus bas de leur courbe, nous pourrons revenir à une vision plus objective de cette époque. Et la série complète de Prospettive (N.d.Siladola : revue fondée et dirigée par Malaparte) sera un outil précieux pour nous aider à le faire.
le Duce est désormais convaincu que Hitler ne s’arrêtera pas là, malgré ses promesses : un menteur sait reconnaître d’instinct un autre menteur.