Citations de Max Alhau (77)
Ne fais pas d’ombre à ton corps,
tu risquerais de perdre la lumière
qui chavire souvent même aux heures
les plus claires du jour.
Vol d’une alouette
qui efface le ciel,
s’offrant à l’infini
pour mieux se perdre
et inventer sa liberté.
Les routes, les chemins, les sentiers,
nous nous en détournons
pour gagner d'autres espaces
libres de toute attache.
Quand le jour pèse sur les herbes
et que le souffle s'effiloche,
il nous reste à inventer
d'autres issues, d'autres passages,
pour croire encore à l'inespéré.
(" A la nuit montante")
Ce pays de toujours guetté
où perdure l'enfance,
ne l'as-tu pas déserté ?
Tu l'avais approché
à force de parole, de silence,
pays maintenant hors de portée,
entr'ouvert aux marées, aux séismes,
à ce qui résistait toutefois.
Pays à bout de souffle
et qui s'effondre soudain
comme pour justifier
l'empreinte du temps.
extrait du long poème « La neige a tout effacé… »
[in « Autre Sud, Poésie d'aujourd'hui : Roumanie - France : Voix croisées », 2005, p. 91]
Parler au futur,
c'est déjà tapisser la nuit d'étoiles mortes.
Restons muets, afin de préserver l'instant,
d'en mesurer le passage et le retrait:
saisissons les choses
dans leur déploiement sans pareil.
Les routes, les chemins, les sentiers,
nous nous en détournons
pour gagner d’autres espaces
libres de toute attache.
Quand le jour pèse sur les herbes
et que le souffle s’effiloche,
il nous reste à inventer
d’autres issues, d’autres passages
pour croire encore à l’inespéré.
Un écrivain ne se fait pas en un livre.
[D'où vient cet appel ?]
L’étendue de la plaine, l’abrupt des cimes, les pas s’y fondent et la piste autrefois parcourue impose de nouveau sa présence. À la place d’un arbre foudroyé éclate l’incendie, fût-il de courte durée. La forêt livre passage à l’ombre. Le corps, lui, a disparu depuis longtemps. À la force des liens s’oppose le libre accès vers ce qui semble hors d’atteinte.
Le temps secret
TU ES LE VEILLEUR D’UN PAYS ENGLOUTI…
Extrait 2
Là où le temps est superflu, on se perd dans l’infini, dans les recoins de l’univers.
Il faut s’en remettre à quelques traces, remonter des chemins perdus dans leur géographie pour consentir à cette absence, y croire tout simplement.
Une éternité qui commence à la source, avec le vent, avec ton visage, qui se poursuit avec le silence qui te nomme.
Une éternité que tu habites, paraît-il, et qui pourrait s’achever, éclair dispersé dans le ciel.
Amis de toute part
reviendrai-je chez vous
partager vos paroles.
Vous m'êtes une fête
sans cesse commencée.
Avec vous je célèbre
l'été qui se prolonge
la moisson continue
gardée au fond des soirs.
Amis de toute part
je vous offre le feu
ma soif et ce poème.
Celui qui s’invente un pays...
Celui qui s’invente un pays
en oublie les frontières.
Il marche au-devant de lui
sachant qu’il ne s’atteindra pas.
Celui qui s’invente un pays
se souvient d’un nom, d’un visage
abandonné à l’horizon.
C’est vers cela qu’il va,
qu’il épuise ses pas et son souffle :
depuis longtemps il a perdu
ses propres traces.
Il n'aimait pas sortir.
Trop de gens. Trop de bruits. Trop d'yeux posés sur lui !
Le monde extérieur l'angoissait. Il était devenu agoraphobe.
[La cible]
Nous appelons de nos voeux
les arbres qui naviguent dans nos songes
Nous en saurons davantage
quand l'aube aura pris racine.
De ces jours à venir
de ceux rayés de la carte,
qu'avons-nous à dire ?
Les pluies, les crues, la lumière,
et tout ce que l'on tait
sont la seule réponse
que les mots peuvent offrir
à qui interroge les sources.
(D'asile en exil)
Une lumière évadée de la nuit
extrait 4
Dans cette nuit violette
On se maintient d’aplomb,
Balançant entre deux rêves.
L’oubli n’a plus de nom,
pas davantage le temps.
Vers où dirigeons-nous
ce qui subsiste de notre vie,
si ce n’est vers une saison
que l’on ne sait nommer ?
Les galets écoutent la mer
qui leur raconte des légendes.
Le temps passe sur eux
enracinés à même le sable
ils imaginent peut-être
ce qu'ils aperçoivent au loin
et qu'ils ne connaîtront jamais.
Les galets demeurent sans bruit
veillant avec les étoiles
sur le sommeil du monde
qui se ferme dans la nuit.
Tu parles,
mais ce n’est que du silence
aussi clair
qu’un regard qui s’attarde sur l,enfance.
Tu marches,
mais c’est pour donner le change
aux feuilles, aux arbres, aux roseaux.
Et la vie
que tu as prise en charge
t’a concédé le droit
de poursuivre ta route à pas comptés.
De quoi parle-t-on quand on parle ? À qui et pourquoi ? Si ce n'est de soi. Toujours de soi finalement !
[Il y avait une fois...]
Si ton corps s’incline, ce n'est pas le vent qui le ploie, mais les paroles, les silences qui l'habitent.
À quoi auras-tu acquiescé…
À quoi auras-tu acquiescé
si ce n’est à sentir le temps
se fermer sur tes rêves,
à attendre de chaque saison un don furtif et sans espoir
Pourtant dans les lointains
tu auras approuvé les clairières,
les visages passagers,
les jours cléments
et les nuits de grande marée.
Il se sentit sombrer. Quelqu'un le poussait du pied sans ménagement.
Et toujours ce rire immense, démoniaque, meurtrier.
Il s'affala sur le quai sans un cri.
[Le cimetière des locomotives]