Cléa - Des livres qu'on n'oublie pas
Vous, le fils de pauvres immigrés italiens, n'avez-vous pas été victime, à l'époque, de la malédiction du travail, de l'ivresse de l'écriture et des éloges parisiens ?
J'ai souffert du sentiment d'humiliation. C'est ce qu'il y a de plus insupportable et, en même temps, je ne connais pas meilleur moteur. Je devais m'en sortir. Ma grande question est : quel prix faut-il payer pour s'arracher aux déterminismes sociaux et culturels ?
Votre réponse ?
Le prix est incommensurable. On a beau donner un cadre à un enfant, le protéger de l'humiliation, s'il est issu d'une lignée traumatisée, il restera toujours un dissident et un marginal. Raison pour laquelle je trouve les discours sur l'immigration, bien souvent, hors sujet. On ne peut expliquer ce qu'est un immigré que par l'étude de cas individuelle.
(Propos recueillis par Franz-Olivier Giesbert et Saïd Mahrane
Publié le 04/10/2012 par Le Point)
J'écris pour qu'on ne puisse pas ensevelir les morts sous le silence et les assassiner ainsi une nouvelle fois. J'écris pour qu'ils revivent un jour.
Libre.
Teyssier avait plusieurs fois répété ce mot.
Il avait eu comme un éblouissement.
Et si toute la grandeur et le mystère d'un homme tenaient dans ce petit mot, LIBRE.
Si chacun de ceux qu'il venait de côtoyer, de chasser aussi, les deux femmes — qu'il ose le dire : les deux putains —, le vieux maire, et Victor Rovini, et Jean Carlin, n'avait pas d'abord voulu rester cela, libre, libre de choisir, d'obéir, d’aimer. Et si c’était là, dans ce petit mot, que résidaient la force et la faiblesse de ce peuple, auquel l'étranger pouvait s'associer librement, dès lors qu'il acceptait de rester un homme libre, décidant seul du chemin qu'il voulait suivre ?
« Les hommes naissent libres et égaux en droit. » Libres.
Teyssier avait pensé qu'il avait choisi librement de demeurer à son poste, et d'exécuter un ordre.
« Pour une belle obéissance et tendresse et dévotion d'homme libre », avait encore dit Péguy.
A Chartres, le préfet Jean Moulin refuse de céder aux Allemands qui veulent lui faire signer un rapport accusant des soldats sénégalais d'avoir violé, torturé et assassiné, des femmes et des enfants.
(...)
Moulin refuse. On le torture. On s'obstine. On le jette dans une cave avec un soldat noir puisque, disent les Allemands, Moulin aime les Noirs. On cire " Demain, nous vous ferons signer. " Jean Moulin ramasse un morceau de verre sur le sol de la cave et se tranche la gorge.
Les Allemands le trouveront baignant dans son sang. Ils le conduiront à l'hôpital.
Miroir romain, annonces-tu aujourd'hui
la chute de notre civilisation ?
Nous, les lointains héritiers de Rome,
marchons-nous - comme autrefois-
vers notre mort ?
Roosevelt:
"Winston à 100 idées par jour, dont trois ou quatre sont bonnes, les mauvaises langues ajoutent: le malheur c'est qu'il ne sait pas lesquelles"
Ce n'est pas la chaîne ni l'empreinte au fer rouge qui font l'esclave, mais ce qu'il pense.
Ce qu'on à souhaité n'arrive jamais comme on aurait voulu.
Mais tout cela était dérisoire. Les colonnes de blindés allemandes avaient dû, déjà, par les grandes routes et les larges ponts, enjamber les rivières de France, et peut-être avaient-elles rejoint Bordeaux où le gouvernement, comme en 1870, s'était réfugié.
Alors un pont de plus ou de moins !
Il s'était pourtant redressé. Et il avait commencé à remonter la pente.
Miner et faire sauter ce pont, c'était peut-être le dernier acte qu'il devait accomplir, comme un geste de fidélité aux camarades morts, à ce qu'avaient été les espoirs de sa vie, et tout simplement parce que c’était l’ordre reçu et qu'il devait l’exécuter.
« Puisqu'il faut, ô mon Dieu, qu'on fasse la bataille, nous vous prions pour ceux qui seront morts demain : mon Dieu, sauvez leur âme et donnez-leur à tous, donnez-leur le repos de la paix éternelle », avait dit la Jeanne de Péguy.
L'histoire s'accélérait. Les puissances impérialistes se heurtaient partout. Le parti socialiste (allemand) gagnait des voix (2 107 000 aux élections de juin 1898). Guillaume II se rendait à Jérusalem et à Constantinople en octobre 1898, marquant les ambitions allemandes. On doublait en 1900 les crédits pour la marine de guerre et l'ensemble des Européens, dirigés par le maréchal allemand von Waldersee conduisait une expédition collective en Chine.
Rosa Luxembourg suivait ces évènements avec une lucidité aiguë et, dès janvier 1899, elle prévoyait qu'après le partage de l'Asie et de l'Afrique "la politique européenne n'a[vait] plus de champ pour se développer."
Et, sans doute la première parmi les dirigeants socialistes, elle écrivait : "Un heurt se produira alors... et il ne restera plus aux Etats d'Europe qu'à se jeter les uns sur les autres."
Alors viendrait le temps des révolutionnaires, "la période des crises finales, les merveilleuses perspectives que cela ouvre."