Présenté par Géraldine Muhlmann avec Maxime Rovere, Camille Riquier
Ce qu'il y a de plus difficile, quand on a affaire à des cons ce sont toujours les autres c'est qu'on ne peut rien dire de leur connerie, les arguments n'ayant aucune prise sur eux, ni rien leur objecter sous peine de paraître soi-même assez con.
La connerie engendre la connerie : si vous êtes en colère, vous trouverez d’autres gens en colère.
( Que faire des cons ? )
Exister, c'est précisément s'arranger avec le désordre et les contradictions. Il s'agit là d'un exercice d'équilibriste que nous faisons pour ainsi dire en permanence... Et que nous réussissons tous, avec plus ou moins de succès.
Quiconque a eu la chance d’observer assez longtemps une colonie de phoques au soleil a dû reconnaître : pas plus que l'intelligence, la connerie n'est une spécificité humaine. L'espace ne manque pas sur leurs immenses rochers ; les emmerdeurs non plus. Préférant les endroits occupés aux places disponibles , ils engagent des conflits inutiles, provoquent des cris et des des blessures, empoisonnent la vie des autres par tous les moyens - soit qu'ils plongent en éclaboussant partout, soit qu'ils cherchent à déloger des plus forts qu'eux, et parfois des moins forts. Voilà le drame de toute communauté. Partout où il y a des interactions, il y aussi des cons.
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Dans ce monde-ci, je veux dire sous la lune, aucun conflit ne s'est jamais terminé sans laisser de traces, sans que personne ne se sente vaincu, ou humilié, ou lésé, de sorte que la connerie ne cessera jamais de renaître de ses défaites, tout comme elle rebondit gaillardement sur ses victoires. Ainsi les cons se moqueront toujours de votre soi-disant vertu, et leur souffrance se dressera toujours contre votre soi-disant effort vers la paix. ...La paix n'a d'autre choix que de prendre en charge l'énergie de la guerre, et d'accepter comme un jeu la nécessité des conflits. Oui. tel est l'aspect réel et la morale de notre Histoire -individuelle et collective-.... Lorsque, au lieu de miser sur votre angoisse, vous saurez l'apaiser par le jeu, alors vous pourrez prendre place, quelques instants avant de mourir, à la table où rient et s'insultent les philosophes et les dieux.
Vous n’êtes pas le prof des cons.
Changez les situations pas les personnes.
Là où la connerie advient, votre valeur doit survenir.
Prenez l’initiative de paix.
Ne luttez pas contre l’émotion, épuisez la.
Quittez la posture moralisante. Cessez de juger. Tout de suite.
Renoncez aux jeux de langage. Ils ne veulent pas comprendre.
Partagez vos récits, encouragez leurs narrations.
Valorisez vos adversaires, votre lutte se fera politique.
N’imposez pas vos normes.
Négociez celle des autres.
Faites la paix et laissez les en guerre.
Le grand défi moral ne consiste pas à rendre la connerie plus savante, mais, plus modestement, à empêcher les cons de nuire dans la pratique.
Lorsque vous faites la morale à un con, vous lui parlez dans un dialecte qu’il ne comprend pas.
Le grand défi de nos disputes, l'un des plus grands défis en cette vie, n'est pas d'accepter ou de surmonter les différentes souffrances qui circulent entre nous; il s'agit plutôt de pardonner sans cesse à la souffrance elle-même, ainsi qu'à ses agents en nous et hors de nous, sans recourir aux transferts et aux rejets qui encombrent et entretiennent le tribunal moral. Ainsi dans les situations les plus pénibles, au lieu de nous cabrer et de refuser par tous les moyens les circonstances où l'on se trouve, il convient d'apprendre à défaire avec tact et patience l'entrelacs qui contribue à nous aveugler.
Dire ou ne pas dire… Comment parler, sans se mettre en danger, sans blesser son interlocuteur… ces questions semblent éternelles ; en réalité, elles sont très malléables, et les maladresses de Schuller, bien qu’elle n’appartiennent qu’à lui, témoignent bien l’éveil d’une nouvelle économie des savoirs. En effet, les hommes d’avant Descartes, veillaient toujours à se trouver des références parmi les auteurs canoniques, à montrer qu’ils étaient d’accord avec les Anciens…
Si nous avons un problème avec les cons, c’est donc à l’évidence que nous faisons dans cette rencontre l’expérience de nos propres limites. Ils marquent le point au-delà duquel nous ne savons plus comprendre et où nous ne pouvons plus aimer. Cela ne nous laisse que deux choix. Soit nous nous complaisons dans notre finitude, et nous adoptons l’attitude des nigauds qui préfèrent ricaner, parce qu’ils ont trouvé là le moyen de jouir de ce qu’ils ne comprennent pas. Soit nous reconnaissons la force exacte de leur connerie, à savoir qu'elle se trouve dans l'effet qu'elle nous fait, à nous, et nous recourons à la force des concepts pour marcher enfin sur la tête des cons, c'est-à-dire que pour devenir pas seulement meilleurs qu'eux, mais meilleurs que nous-mêmes. (p19)
Admettez donc qu'au lieu de défendre des valeurs, vous feriez mieux de défendre des rapports, autrement chercher à minimiser les malentendus. Car c'est d'abord par là, souvenez vous, que les cons se multiplient. vous ne pourrez donc endiguer leur multiplication ni par le retour à l'universalisme colonial des Lumières, ni par le relativisme personnalisé de l'ère numérique. vous ne l'éviterez qu'en vous libérant de votre posture défensive, en acceptant de mettre vos valeurs idéales au risque des interactions concrètes, et d'entamer la négociation afin d'améliorer vos rapports tous azimuts, ce qui affaiblira les cons de toutes les communautés. En d'autres termes soyez des bricoleurs plutôt que des juges.
Pour résumer la permanence insurmontable de cette force, on conviendra donc de ceci : les cons s’obstinent. Cette particularité a l’inconvénient de couper court aux solutions les plus simples. Car l’obstination des cons signifie qu’il n’y a aucun sens à plaider la tolérance face à l’intolérance, l’esprit éclairé face à la superstition, l’ouverture d’esprit face aux préjugés, etc. Les grandes déclarations et les bons sentiments ne servent qu’à faire plaisir à celui ou à celle qui parlent, et ce plaisir est encore une manière pour la connerie d’absorber son adversaire, de le reprendre dans ses filets et d’entraver, encore et toujours, son effort pour comprendre.