May Picqueray (1899-1983) prend la plume à 81 ans pour témoigner d'une vie d'engagement en conformité avec des idées qu'elle n'a jamais reniées et qui n'ont jamais perdu de leur force.
Force est de constater que ça n'est pas fréquent !
La petite Bretonne a eu fort à faire avec une mère qui ne la traitait pas comme ses frères et sœur, ne lui passait rien, la frappait avec ou sans martinet, l'avait retirée de l'école pour la faire travailler à 11 ans, et qui lui avouera au soir de sa vie qu'elle l'avait détestée à peine née.
De quoi pencher du côté des opprimés et nourrir le feu de la révolte.
Après un détour par le Canada où elle peut finir ses études, May, rentrée en France pendant la Première Guerre mondiale, va rapidement s'installer à Paris, où elle rencontre les "anars", compagnons d'infortune venus des quatre coins du globe, chez qui elle trouve l'écho de la révolte qui brûle en elle comme de la nécessité d'une fraternité entre les êtres.
Son engagement politique et syndical, anarchiste, l'amène à assister au congrès de l'Internationale syndicale rouge de 1922 à Moscou où elle peut voir les débuts de la répression par les Bolcheviques sur le courant anarchiste qu'elle représente.
Durant l'entre deux guerres, l'activité politique est rude, dangereuse, mais cela ne peut que renforcer ses convictions.
Celles-ci l'amènent à assister à nombre de conférences de Sébastien Faure, à militer pour la libération de Sacco et Vanzetti, exécutés en 1927, à travailler pour Emma Goldman et Alexander Berkman expulsés des Etats-Unis puis d'Union Soviétique, deux grandes figures du mouvement anarchiste, à accueillir Makhno à son arrivée à Paris.
Pacifiste convaincue, May Picqueray aide, accueille, porte assistance, soutient autant qu'elle le peut, que ce soit durant la Guerre d'Espagne, la Seconde Guerre mondiale, ou ensuite auprès des objecteurs de conscience avec Louis Lecoin, et des réfractaires au service militaire.
Elle soutient les campagnes anti-nucléaires, ne manque rien de la lutte du Larzac.
Ajoutons à cela qu'après nombre de métiers, elle devient correctrice de presse (Ce Soir, Libération, Canard enchaîné) et milite activement au syndicat des correcteurs.
Jusqu'au bout, May Picqueray est portée par ses convictions, jusqu'au bout elle montre la vivacité de la flamme qui brûle en elle.
C'est le message le plus remarquable qui court dans ces pages.
La vielle dame qui relate quelques évènements de sa vie peut regarder tranquillement dans les yeux cette jeune femme qui nous observe de son air sérieux sur cette photo prise à Moscou en 1922, et lui dire : à aucun moment je ne t'ai trahie.
C'est assez rare, et très émouvant.
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