Mélanie Desforges

Depuis le début de sa carrière, il en a côtoyé des tarés, des psychopathes, mais aucun de cet acabit. Cette femme, c'est madame Tout-le-Monde, un peu comme beaucoup d'entre eux. Là où elle diffère, c'est dans son style, dans sa façon de réfléchir et de se voir. Elle ne semble pas consciente de l'atrocité de ses actes, et pourtant, ce n'est pas non plus une tueuse au sang-froid comme on pourrait l'imaginer. Elle est à la fois si humaine et si démoniaque. Elle peut se montrer attachante et drôle malgré elle. On a envie de la prendre sous son aile, et puis soudain elle parle de sa soif de sang et là, le charme éclate telle une bulle de savon. Dans son regard, on retrouve beaucoup de colère, on sent qu'il suffit de peu pour mettre le feu aux poudres.
Depuis son arrivée, elle a toujours réussi à justifier chacun de ses actes. Même les plus barbares et les plus atroces trouvent une logique dans les méandres de son cerveau. Une logique parfaitement illogique, certes, mais une logique tout de même. Plus il en découvre sur elle et plus elle lui échappe. elle reste un mystère à ses yeux. Et pour la première fois de son existence, il craint d'échouer.

 Écrire est égal à fric, fric est égal à nana et donc par extension à baise et alcool. Vous n'écrivez plus pour le plaisir mais parce que c'est devenu indispensable pour votre libido et votre portefeuille. En fait, vous n'écrivez plus du tout par plaisir, vous en êtes même carrément dégoûté. Vous repensez à ce petit con que vous étiez et qui hurlait à tous ceux qui voulaient bien l'écouter "Ouais, moi, je sus écrivain. Je vis de ma passion, très peu pour moi la vie d'esclave, enchaîné à mon patron. Je veux vivre, je veux garder ma liberté" (à lire avec une voix de bobo parisien). Ah,bah, il doit bien se marrer ce petit con maintenant.

Qui aurait pu croire qu'après une vie passée à répandre la mort pour des raisons plus ou moins égoïstes, j'allais contribuer au bien commun. Il ne faisait aucun doute qu'après tout cela, les choses allaient changer. Je n'allais peut-être (enfin, sûrement) jamais en profiter personnellement mais j'aurais la satisfaction de savoir que les générations futures vivraient dans un monde meilleur. Un monde où le réseau postal serait exemplaire et réglo. Un monde où les colis perdus seraient retracés et retrouveraient systématiquement le chemin de leur destinataire. Un monde où les employés seraient animés par la passion de leur travail et ne vivraient que pour voir les yeux emplis de reconnaissance de leurs usagers. Un monde où recevoir un colis d'une ville voisine mettrait moins de temps qu'un colis international. Un monde idéal.

Tout à coup, comme par magie, une idée me vient. Et si, l'humanité perdait le contrôle et qu'on faisait tout ce qui nous passait par la tête sans jamais pouvoir se retenir ? Je crois que je tiens un truc là ! Je gribouille mes pensées sur un carnet, rapidement comme si j'avais peur qu'elles s'échappent de mon cerveau d'un moment à l'autre. [...]
En fait, je décide que je n'écrirai pas pour le public et l'argent, mais pou l'ivresse. Quitte à publier un dernier roman, autant le bâtir à travers ce livre. À la place de mon sempiternel roman policier, je vais enfin pondre un recueil de nouvelles d'horreur.

Elle n'en pouvait plus de rester assise à cette table, à écouter des militaires spéculer sur l'avancée des troupes ennemies. [...]
Voilà plusieurs mois que Chris vivait au sein de la Cité et sa loyauté était encore remise en question après tout ce qu'elle avait pu lui apporter. [...]
- Christiane, ici présente, arrive à capter les pensées des cadavres et à en tirer certaines informations. Nous ne savons pas encore expliquer ce phénomène ni le contrôler, mais il nous est d'une aide précieuse.
Un murmure se diffusa dans la pièce. Tous savaient depuis longtemps, la rumeur ayant eu le temps de se propager. Pourtant, comme bon nombre de mythes, personne ne voulait réellement y croire, c'était bien trop loufoque pour être réel. S'entendre confirmer cette information, qui jusque là était restée au rang de complotiste, semblait profondément les choquer.

C'est arrivé une fois au chalet
"Marie était assise sur cette balustrade depuis si longtemps déjà. Elle ne sentait plus ses doigts glacés par le froid. Son visage la picotait et son nez commençait à couler. Pourtant, elle restait là à regarder le paysage. Cette forêt de pins qui s'étendait sur des kilomètres, cette neige qui recouvrait absolument tout autour d'elle, et puis, il y avait également ce soleil, si brillant qui réchauffait sa peau.
Le froid et la chaleur en même temps, c'était vraiment une étrange sensation qu'elle découvrait pour la première fois de sa vie. [...]
Si seulement il était possible d'appuyer sur un bouton « pause », là maintenant, tout de suite. Pouvoir arrêter le temps et rester figée comme cela à tout jamais. Marie le sentait bien : elle était à bout."

Ils eurent tout juste le temps de se retourner vers leurs enfants désormais éveillés, avant qu'un tremblement ne se fasse sentir. La voiture tremblait et le paysage alentour leur indiqua que toute la ville ressentait la même chose qu'eux. Un bourdonnement sourd accompagnait l'alarme et couvrait les cris. Tout vibrait dans la rue, des tables se renversèrent, des pots de fleurs chutèrent de leur balcon. La route se fissura légèrement par endroit. Les bâtiments tenaient bon, mais tout ce qui n'était pas fait de dur souffrait des secousses.
Un poteau électrique s'effondra sous la presse et chuta à quelques centimètres du capot de leur voiture. [...]
Le tremblement de terre ne dura pas plus de quelques secondes et pourtant cela lui paraissait interminable.

Bah, finalement, je n'aurais pas été heureux si longtemps. Parce que même l'écriture a fini par ne plus faire effet. Je suis toujours aussi investi, mais ça a changé. Je ne ressens plus la liberté lorsque je clôture une séance d'écriture, je ne me sens pas plus léger. Par contre, je fais des crises d'angoisse quand je ne suis pas devant mon ordinateur.
C'est devenu une vraie drogue. Ça ne me procure plus aucun plaisir, mais si j'essaie de m'en passer, je vis une vraie crise de manque. Cœur qui s'emballe, tremblement, énervement, colère, panique, souffle qui déraille.
Une crise, quoi.
Putain, je suis un junkie. Un junkie littéraire.
[Franck]

Il me semble bien que je plante un arbuste pour chacun des corps que j'enterre dans un jardin. Ça doit être mon côté écolo, ça. Il faut dire que je prends le problème de la déforestation très au sérieux.