Son regard croisa le mien et le rouge me monta aux joues. Nous étions à quelques centimètres à peine l'un de l'autre et je pouvais sentir la chaleur qui émanait de lui. La lueur qui brillait dans ses yeux n'avait rien à voir avec la bête. C'était l'homme, et son désir était tangible. Je lui indiquai où se trouvaient les serviettes et je me sauvai. Un rire amusé me suivit dans le couloir.
Une lueur amusée fit briller son regard et il se pencha vers moi.
- Des semaines ? Je suis sûr qu'on peut trouver à s'occuper, toi et moi, confinés.
Des papillons prirent leur envol dans mon ventre. J'avais une petite idée du genre d'activités auxquelles il pensait. J'agitais une main désinvolte et fis semblant d'avoir mal compris.
- Je ne suis pas fan des jeux de société.
Son sourire s'étira. Le chasseur n'était pas dupe.
– TIMOTEO!
Mon navigateur arriva dans le poste de pilotage.
– C’est bon, c’est bon, on se calme. J’arrive. Oh merde.
Il se pencha au-dessus de mon épaule.
– Oh merde.
– Tu n’as rien de mieux à m’offrir? demandai-je.
Il prit place dans le siège du copilote et se mit à taper des séquences frénétiquement. Chaque tentative finissait avec un message d’avertissement supplémentaire. J’essuyai mes mains sur mes pantalons. J’avais vu un scénario semblable une fois à l’école de pilotage. Ça ne s’était pas bien terminé pour personne. J’affichai notre trajectoire actuelle. Je serrai les poings et jurai.
– Nova? Si Ket est encore inconsciente, tu vas devoir la sécuriser.
– Je suis réveillée, me parvint la voix enrouée de Ket.
Je tentai de reprendre les commandes manuelles du vaisseau. Toujours rien.
– Tous les membres de l’équipage sont priés de regagner leur siège et de se préparer à un écrasement imminent.
Zacharie sortit du chalet, pieds nus, et sauta en bas du perron. Un nuage de volutes grisâtres l'entoura et le contour de sa silhouette se métamorphosa en celle d'un puissant cheval. Sa robe noire luisait sous le soleil du matin, un contraste saisissant avec toute la blancheur environnante.
En tant qu'océanide, j'étais appelée à protéger les rivages, et par extension sa faune et sa flore. Malheureusement, tous les surnaturels ne partageaient pas cette disposition à protéger leur habitat naturel ou à faire une saine gestion de leurs ressources. Surtout les grands prédateurs. Ces derniers agissaient en toute impunité, soit en raison des mailles du système, soit parce qu'ils représentaient le système. Les plus vulnérables subissaient les conséquences de leurs caprices, sans que quoi que ce soit change. Personne n'était à l'abri de la tyrannie endémique présente dans la communauté surnaturelle. Et c'était ce cercle vicieux que les refuges comme le manoir Cormoran visaient à briser.
Au contraire des Faoladhs dont les pouvoirs de métamorphose étaient d'origine héréditaire, j'étais devenu un loup-garou à la suite d'une malédiction lancée par une sorcière. Les loups-garous maudits avaient un taux très élevé de bestialité. Les dernières années de mon service obligatoire avaient été particulièrement éprouvantes et j'avais failli céder à la bête plus d'une fois. Mes supérieurs avaient balayé mes inquiétudes, se réjouissant plutôt de mon ardeur au combat. Le retour à la normale me faisait le même effet qu'un train qui entre en gare, avec le couinement assourdissant des freins et l'impression que ça ne suffirait pas pour arrêter toute cette masse.
Le Protecteur de la Meute
J'écartai les bras et appelai l'eau environnante à moi. Les gouttelettes se soulevèrent de toute part et s'agglutinèrent pour former un lent tourbillon. Eau source de vie, ta musique apaise les psychés. Eau source de mort, ta puissance écrase les cités.
Je ne suis pas un sauveur. Encore moins un héros. Le gars assis devant moi avait l’air de penser le contraire. Je repoussai mon assiette. Il restait encore au moins la moitié du steak. Je n’avais plus faim. Pourquoi est-ce qu’on me proposait toujours des plans foireux? Ça devrait pourtant être simple. On me désigne quelqu’un et je le tue. Ces temps-ci, il y avait une épidémie d’altruisme. Il fallait récupérer des informations sans aucune perte, ou encore mon préféré : « extraire sans endommager ». Ceux qui demandent ça n’ont probablement jamais infiltré une base militaire pour récupérer l’inventaire des armes. Moi, je l’ai fait et le résultat n’était pas joli.
– Je crois que tu as un problème de gestion de la colère, petit frère.
Loïc me regarda, une veine palpitant à sa tempe. Sian s’étouffa à mes côtés. J’aurais peut-être dû me taire.
– Je te promets de ne plus emprunter tes jouets sans te demander ta permission, ajoutai-je.
Loïc ferma les yeux et toute la tension sembla le quitter. Sian soupira. Elle murmura assez bas pour que je sois le seul à l’attendre.
– Tu es une tête brûlée, Dominix Kemp. Je ne sais pas comment vous avez pu survivre jusqu’à l’âge adulte, tous les deux.
Je lui souris de toutes mes dents tandis que Loïc enjambait les corps pour nous rejoindre.
Il tendit sa main, mais je ne m'approchai pas. Le pouvoir obscur s'étira autour de moi, semblable à une flaque d'huile. Si le démon avançait encore, il s'enliserait avant de réussir à nous faire du mal. Sa volonté s'effriterait sous le poids de notre puissance. Nous lui ferions regretter sa témérité. Je secouai la tête pour chasser ces étranges pensées. Le pouvoir obscur vibra et je goûtai sa frustration. Léo me jeta un regard méprisant et laissa retomber sa main. Il ignorait qu'il venait de passer à un cheveu d'une fin précoce. Si le pouvoir obscur prenait le dessus, je ne donnais pas cher de sa peau.