Mardi 24 novembre 2020
Cher Jacques,
Tu n'es pas mort à cause de la librairie, Jacques, non. (...)
C'est une autre maladie, bien plus insidieuse, qui t'a rongé. Tu es mort ravagé par le chagrin. Dans la solitude de ce premier confinement qui te privait de tes nourritures essentielles. (...)
Non, Tu n'es pas mort à cause de la librairie, Jacques.Au contraire, elle 'a maintenu la tête hors de l'eau pendant quelques mois. Le ventre ou la caverne, comme je la nomme selon les moments. Qui aspire corps et âme. Qui occupe tout. Une obsession. Un beau monstre. Les remparts des livres t'ont protégé de toi-même tout un automne, tout un hiver. (...)
"Non essentiel". Comme nous avons été heurtés, blessés, l'un et l'autre, à l'instar de tous les libraires. La gangrène s'est installée avec cette flèche humiliante. (p. 35-36)