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Critiques de Michael Farris Smith (350)
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Nulle part sur la terre

Si je vous dis pick up, bière, jean râpé et bottines, cela vous fait penser à ... ?

Si j'ajoute longues routes droites et musique country ou rock sudiste...

Vous y êtes ?



'Mississippi welcomes you' dit la pancarte à l'entrée de cet Etat. C'est là que se situe le roman d'un auteur américain découvert grâce à @LeblogUSAdeDom que je remercie pour cette belle lecture, car je me suis régalée, rien que ça !



L'auteur nous fait sillonner les routes du comté de Pike et toutes celles alentours, très souvent à bord du pick up de Russell qui, tout en conduisant, écluse les bières comme de l'eau à la fontaine, sans doute pour se rafraîchir car c'est la saison chaude mais sûrement parce que cette boisson, additionnée d'un alcool fort, anesthésie son cerveau, jette un voile sur ses souvenirs et l'aide à affronter la vie qui reprend plutôt mal que bien après avoir purgé onze années d'incarcération pour des faits que vous découvrirez dans l'ouvrage.

Ces routes et celles des États voisins, Maben aussi les parcourt, mais à pied et depuis longtemps, sans jamais réussir à se poser, sans domicile ni emploi fixe, sans nulle part où aller... Elle traîne avec elle un sac poubelle réunissant toutes ses affaires et celles de sa fille qui l'accompagne, sous une chaleur écrasante, depuis des kilomètres, des mois, des années, pour aller où ? le sait-elle seulement, mais ses pas la dirigent vers la ville qu'elle a quittée il y a longtemps... Un chemin douloureux, accidenté et dangereux.



L'auteur retrace le parcours de ces deux êtres tourmentés dont le chemin va se croiser, au moyen d'une narration surtout au présent mais aussi au passé qui concourt à cerner les personnages et leur histoire. L'écriture est directe, fluide et agréable à lire en dépit d'une surabondance de la conjonction "et" survenant parfois comme un CD qui déraille sur une route cabossée ! L'auteur parvient autant à rendre les personnages vivants qu'à restituer une ambiance typiquement sud-américaine. Le dépaysement est garanti, d'autant plus que le récit est parfois saupoudré de petits passages nature writing très visuels, ainsi que des références musicales que j'ai adorées après avoir eu la curiosité de les écouter : Lynyrd Skynyrd, Hank junior et Merle Haggard.

Avec ce fond sonore, le voyage aux confins de l'Amérique est d'autant plus saisissant sous la plume talentueuse de Michael Farris Smith qui m'a embarquée sans difficulté, portant une histoire rude mais humaine. J'ai aimé l'histoire, j'ai aimé les personnages, j'ai aimé l'atmosphère.



A présent j'irais bien à McComb débriefer devant une bonne bière bien fraîche, accoudée au bar l'Armadillo, tout en écoutant les musicos lancés dans un récital de Lynyrd Skynyrd. Et vous, cela vous tente ?
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Une pluie sans fin

Une pluie sans fin qui s'abat sur le sud des Etats-Unis ; des nuages noirs, si noirs qu'ils asphyxient le soleil ; ces ouragans à n'en plus finir qui chassent les hommes toujours plus loin vers le nord ; et leur défaite ultime face à la nature déchainée, vengeresse, quand ils décident de fixer une limite territoriale au-dessous de laquelle toute vie humaine devient impossible…

Cohen n'est pas parti avec les fuyards. Il est resté au-dessous de la limite, retenu par ses souvenirs et ses fantômes tant aimés. Pour demeurer coûte que coûte avec eux, il n'hésite pas à affronter ces terribles ouragans capables de le balayer comme fétu de paille, de braver ces yeux brillants et menaçants qui le fixent dans la nuit noire, de vivre tant bien que mal dans ce monde impossible…

Il faudra tout l'amour de Mariposa, l'insouciance pleine de morgue du jeune Evan, les chouineries et les rires du môme Brisco pour le sortir de sa torpeur, le forcer à s'ébrouer afin d'éloigner de lui ses fantômes. Elisa, Océane, les ruelles sombres de Venise, un corps dénudé sur la plage, quelques souvenirs idiots, Cohen les rejoindra très vite, à tout jamais, juste le temps pour lui de sauver Mariposa, Evan et Brisco, de les ramener à bon port dans un monde plus sûr, moins barbare.

On a voulu comparer un peu abusivement ce livre à « La route », mais il est pourtant bien autre chose qu'un énième roman post-apocalyptique. J'ai aimé le personnage de Cohen ; j'ai aimé sa force, ses fragilités, ses incroyables inconséquences, et surtout cette fidélité sans faille, envers et contre tout, pour ses amours à jamais disparus et ses rêves enfuis.

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Nulle part sur la terre

Un grand merci à Babelio et aux éditions Sonatine...



Sous un soleil plombant, Maben, un sac-poubelle jeté sur l'épaule, marche sur la bas-côté d'une route de Louisiane. Derrière elle, sa fille, Annalee, traine des pieds. Des jours qu'elles marchent ainsi vers la ville où la jeune femme a grandi. En chemin, une mauvaise rencontre et sa vie d'errance et de souffrance bascule à nouveau...

Après 11 ans derrière les barreaux, Russel goûte enfin au plaisir de la liberté, rêvant de jours paisibles. Mais son retour à McComb ne semble pas réjouir tout le monde, notamment deux frères, Walt et Larry, qui lui réservent un accueil pour le moins musclé...



Deux âmes écorchées, deux êtres meurtris et ballotés par la vie. Un homme, qui aspire à la tranquillité après un séjour en prison, et une femme, démunie mais combative, dont les chemins vont immanquablement se croiser au détour d'un fait divers sanglant dans ce coin perdu, vers la Nouvelle-Orléans. Un coin paumé où les rancoeurs persistent, où la vengeance n'est jamais loin, où les coups pleuvent et où l'on boit pour oublier un passé tortueux et un présent incertain. Michael Farris Smith nous plonge dans une ambiance poussiéreuse, parfois étouffante ou désolante. Une narration alternée, entre passé et présent et entre les deux protagonistes, et une plume ciselée font de ce Nulle part sur le terre un roman à la fois brutal et tendre, désolant et empli d'espoir, sombre et lumineux.
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Le pays des oubliés

Encore une fois, je suis impressionnée par la prose de Michaël Farris Smith. Sa plume nous dépeint avec lyrisme et beaucoup de poésie l'Amérique des paumés. Sur une terre aride, le Mississipi, il nous fait vivre l'existence sudiste des petites gens, de ceux qui se crèvent à vouloir sortir de leur détresse et qui n'empruntent pas toujours les chemins les plus surs. C'est un désespoir tellement intense que portent les personnages de l'auteur que le lecteur en reste marqué. C'était pareil dans "Nulle part sur la terre" et j'ai encore ici la sensation d'être marquée du sceau indélébile de la misère, de la malchance, des mauvais choix, de l'infortune qui nous suivra de la naissance à la mort. Toutefois, rien du propos n'est méprisant. Au contraire, la plume est pleine d'humanité et d'amour. On sent bien que Michaël Farris Smith aime sa terre et ceux qui l'habitent et que ses récits sont plutôt une ode aux efforts constants de ceux qui doivent composer avec ce pays. Dans "Le pays des oubliés", c'est Jack, orphelin, recueilli par Maryann après maints foyers d'accueil, qui passera sa vie à combattre, qui aura le corps blessé, qui devra vivre avec ses multiples addictions et qui brisé, tentera , face à la mort imminente de la seule personne qui l'aura vraiment aimé, de se racheter pour toutes les déceptions qu'il a pu lui infliger. Et qui tentera aussi de protéger et de garder l'héritage, cette maison qu'elle lui a léguée.

"Le pays des oubliés" est un pays de désillusions, miséreux, mais beau. Une écriture unique, profonde et émouvante.
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Blackwood

Long, très long. Il ne se passe pas grand chose dans ce roman et l'ennui pointe à la lecture de l'errance d'une famille de paumés au fin fond d'un Mississippi envahi par le kudzu (une espèce de plantes particulièrement envahissante, originaire d'Extrême-Orient). Reste une ambiance glauque assez bien rendue et un final plutôt étonnant. Michael Farris Smith a de quoi séduire les amateurs de roman noir au rythme lent et de plongée dans une Amérique de laissés-pour-compte où pauvreté rime avec précarité, mysticisme et violence.
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Le pays des oubliés

Déposé, à l'âge de 2 ans, devant la porte de l'Armée du Salut, à Tunica, Jack connaîtra une adolescence ballottée entre foyers et familles d'accueil. Jusqu'à sa rencontre avec Maryann, alors qu'il avait 12 ans, qui lui offrira un foyer empli d'amour. Des dizaines d'années plus tard, cette dernière, alitée et atteinte de la maladie d'Alzheimer, vit aujourd'hui ses derniers jours dans une maison de retraite. Sa maison a été saisie et il ne reste à Jack que quelques jours avant que celle-ci ne soit vendue aux enchères. Malheureusement, l'homme au corps et à la tête en vrac après ses multiples combats, accro aux cachets qu'il fait passer avec du whisky, doit déjà 12000 dollars à Big Momma Sweet, une maquerelle mafieuse qui règne en maître du vice sur le delta du Mississippi. Il aurait pu s'acquitter d'une partie de cette dette si seulement il ne s'était pas fait voler l'argent gagné au casino. Jack va tout faire pour récupérer la maison de Maryann afin qu'elle y finisse sa vie, selon ses souhaits...



Le corps, la tête et l'âme meurtris, Jack Boucher, la petite quarantaine, aura jusqu'ici donné et reçu pas mal de coups. Même si certains l'auront mis KO, il s'en relèvera toujours. Mais, cette fois-ci, Jack est au bout du rouleau. Aussi bien physiquement que financièrement. Heureusement, il croisera sur sa route, la jeune Annette, artiste performeuse, tatouée sur une grande partie de son corps, travaillant à ce moment-là dans un cirque itinérant. Deux âmes cabossées, meurtries, abandonnées. Michael Farris Smith dépeint, comme dans "Nulle part sur la terre", la rencontre de deux paumés à la dérive qui vont s'entraider. Âpre, étouffant parfois, ce roman profondément noir, à l'écriture dépouillée et pénétrante, nous plonge dans une ambiance miséreuse, poussiéreuse et un brin mélancolique. Un roman noir, baigné de souffrance et de violence d'où s'échappent, dans un ultime souffle, une lueur d'espoir...
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Nulle part sur la terre

Pour la dure ou douce sensibilité de l'auteur et la résilience de ses personnages, là où il n'y en a ni de bons ni de mauvais, je craque !

Nous sommes au Mississipi, Russell sort de prison après 11 ans derrière les barreaux et revient chez lui. Bien sûr, rien n'est évident et un comité d'accueil vengeur, mené par Larry à la mémoire longue, l'attend avec rage, haine et hargne. Rien du retour ne sera facile.

Maben et sa petite fille fuient. Depuis des années. Nulle part où aller. Personne. Seules toutes les deux sur la route.

Puis, le passé qui ne nous quitte jamais tout à fait refait surface, ce passé qui n'est jamais qu'un ancien présent, Russel, Larry, Maben et tous les autres impliqués en vivront encore les conséquences.

Une écriture éclairée sur des sujets sombres. Une maîtrise de la simplicité dans la phrase, mais des mots vifs, vivants , chargés pour présenter la part d'ombre et celle plus innocente de l'âme humaine. C'est un don pour un auteur de pouvoir tout exprimer simplement avec modestie dans le verbe, la réserve dans le choix des mots sans que cela n'enlève rien à la charge émotionnelle, un auteur qui semble amant de son sujet pour le plus grand bonheur du lecteur.

Je viens de découvrir un grand auteur contemporain qui sait nous parler de cette toujours saississante Amérique .
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Blackwood

D’emblée, le décor de ce roman noir crée une ambiance particulière. Ce village américain isolé et décrépi est cerné par une plante monstrueuse : le kudzu envahit tout, recouvre sans état d’âme tout relief en sculptant un paysage d’une monotone verte inquiétante.



Il ne s’y passe rien, et le shérif est bien démuni, peu habitué à gérer d’autres affaires que des bagarres de comptoir, lorsqu’un épave ambulante tombe en panne sur la place du village. Ses occupants sont visiblement des marginaux. Ils s’établiront pourtant dans les environs, vivant de rapines et de mendicité.



Une autre personnage attire l’attention. Colburn, dont l’histoire tragique ouvre le roman, s’est installé vingt ans plus tôt dans un local désaffecté que la commune propose gratuitement à des artistes pour redonner un semblant de vie à l’endroit.



Tout est en place pour que survienne une série de drames.



Les personnages au passé lourd, l’ambiance particulière au sein de cet envahissement végétal, l’isolement : on imagine sans peine un film tiré d’une telle histoire avec pour musique de fond un mix de Bagdad café et Il était une fois dans l’ouest.



Excellent roman, à la fois pour l’ambiance angoissante et les personnages dont la part de mystère se lève peu à peu. Un beau talent de conteur.



Merci à Netgalley et aux éditions Sonatine

#Blackwood #NetGalleyFrance


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Blackwood

Redbluff , Mississipi , se meurt . Le kudzu , une plante grimpante y " prend ses aises " , comme on dit . Le shérif Myer vit en bonne harmonie avec une population de plus en plus parsemée.....C'est alors qu'arrive Colburn dont on sait seulement qu'il y a vécu, vingt ans plus tôt, un terrible drame....Retour sur un passé atroce , retour salvateur ou rédempteur ? Et puis , il y a aussi ce couple et un enfant qui échouent là , faute de pouvoir aller plus loin dans leur vieille Cadillac ...Le décor est planté, le rideau peut s'ouvrir sur la tragédie qui fait de ce roman une longue , lente , désespérante immersion dans les entrailles les plus sinistres d'un monde en voie de disparition. Et comme rien ne doit nous être épargné, la disparition de jumeaux viendra rendre encore plus atroce la recherche d'une vérité pour Colburn ....

L'atmosphère est étouffante, il ne se passe pas grand chose , on avance dans ce récit les jambes comme lestées par des bottes de plomb . C'est du " noir " comme il en existe peu , qui nécessite de prendre son temps , observer , analyser , un livre qui ne vous " emporte pas " mais qui , au contraire ,s'offre vicieusement à votre sagacité.

Le style , que je n'apprécie pas spécialement, ne nous aide en rien dans notre quéte . Un style particulier , parfois déroutant, ajoute aux efforts à fournir par le lecteur .Les dialogues sont assez convaincants, mais les paroles insérées dans le récit peuvent déconcerter , tout comme certaines constructions de phrases . Effet de traduction ?

Un roman un peu obscur pour moi , donc , salué aussi , force est de le reconnaître, par de nombreux amateurs du genre.

Personnellement , je reste un peu mitigé pour les raisons évoquées et je n'ai pas vraiment su m'immerger dans la quête de Colburn et autres . Aucun personnage ne m'a vraiment permis de m'identifier , voire permis de faire preuve de compassion envers les uns ou les autres .Je n'ai pas non plus songé à abandonner l'aventure , non , tout juste à souhaiter voir les pages se tourner un peu plus vite .

S'il m'arrive d'avoir de grandes difficultés à quitter un roman , ce ne sera pas vraiment le cas ici , même si je me dois de reconnaître que je n'ai pas non plus vécu cette lecture comme un pensum . 3 étoiles ? Oui , 3 étoiles, ça me va bien , on y va pour 3 étoiles. Ça vous arrange pas pour vous décider à le lire ou pas ? Ben , il faut lire les autres critiques , il y en a de fort intéressantes et ...différentes et ça, c'est super !
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Le pays des oubliés

Son précédent roman, Nulle part sur la terre, m’avait fortement séduit il y a deux ans. Le Pays des oubliés m’a ramené dans le Mississippi, terre natale de Michael Farris Smith qui lui consacre son œuvre, comme l’avait fait avant lui le grand William Faulkner. Ravagé par le chômage et la misère, le Mississippi est le plus arriéré des États Unis d’Amérique. Dans le delta du grand fleuve, des milliers d’hectares de terres agricoles fertiles s’étendent pourtant à l’infini, dans une horizontalité déprimante pour l’œil. Leurs riches propriétaires n’habitent pas dans l’Etat.



Çà et là dans un paysage écrasé de chaleur, se dressent des stations-service, des cafétérias, des supérettes et des mobile-homes, structures monotones émergeant le long des routes, au milieu de décharges et de terrains vagues. Des hommes qui ont depuis longtemps décroché noient leur solitude, leurs rancœurs et leur absence d’espérance, dans l’alcool et dans la violence. Pour se distraire, ils peuvent jouer leurs maigres revenus en pariant sur des combats de chiens, ou d’hommes.



Depuis toujours, Jack Boucher s’interroge sur lui-même. Abandonné tout petit par ses parents, il est passé de famille d’accueil en famille d’accueil avant de trouver à l’âge de douze ans une vraie mère de substitution en Maryann, une femme qui s’est construite seule, dans une maison ancienne, sur un vaste domaine. Jack lui voue une affection jamais démentie. Trente ans plus tard, Maryann vit ses derniers jours, inconsciente, dans la maison de retraite où son Alzheimer l’a reléguée.



En l’absence de réponse à ses questions existentielles, Jack a depuis longtemps donné un sens à sa vie, du moins le croit-il. Il a gagné sa subsistance en canalisant sa hargne dans des combats singuliers, à poings nus, sur des rings de fortune, devant des foules d’abrutis qui claquent le fric qu’ils ont et celui qu’ils n’ont pas dans des paris stupides, hurlant pour encourager leur favori.



Pendant toutes ces années, Jack a pris tant de coups sur le corps et surtout à la tête – des commotions cérébrales jamais soignées –, que les douleurs, intolérables, ne disparaissent qu’à coup de dope, des pilules qu’il fait passer en ingurgitant des litres de whisky. Pour les organisateurs, il n’est plus aujourd’hui un combattant fiable, même dans les combats truqués, car il suffit d’un mot de trop pour qu’il renonce à se coucher, ainsi qu’il s’y était engagé moyennant rémunération.



Du coup, Jack est aussi au bout du rouleau financièrement. Il doit douze mille euros à Big Mamma Sweet, une puissante et cruelle mère maquerelle mafieuse, qui menace explicitement sa vie. Et les banques sont sur le point de saisir les quatre-vingts hectares de Maryann, qu’il a imprudemment engagés pour une dette de trente mille dollars. Sauver le patrimoine de Maryann pour qu’elle puisse fermer les yeux chez elle : pour Jack, la possibilité d’une rédemption. Il fait ce qu’il peut, mais les embûches ne manquent pas.



Dans ce roman, où les personnages n’hésitent pas à invoquer les forces de l’esprit, une jeune femme nommée Annette, au corps parfait recouvert de tatouages si étonnants qu’ils sont son gagne-pain, jouera le rôle d’ange salvateur, auprès d’un homme qui aurait l’âge d’être son père.



Les pages de description des combats sont très violentes et avivent les pires pulsions du lecteur, comme pour le spectateur d’un combat de boxe. Pour ma part, dès que j’ai choisi mon favori, j’en arrive à partager son agressivité haineuse et à souhaiter mille maux à son adversaire, une attitude dont je ne suis pas fier, mais que je n’ai pu m’empêcher de ressentir lors de l’ultime combat mené par Jack, avec ses rebondissements inattendus.



Au prix d’un scénario un peu tiré par les cheveux et de quelques redites, l’auteur livre un roman très noir, dont les dernières pages sont incontestablement haletantes. La ténébreuse clarté de son écriture, très poétique, illustre aussi bien l’incandescence d’un ciel infernal, que la désespérance hébétée des gens du cru, oubliés dans le fond de leur Sud impitoyable.


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Nulle part sur la terre

Un choc littéraire. Un roman noir, très noir, qui m’a ému et captivé au-delà de ce que j’avais anticipé.



Un bas-côté d’autoroute, dans le sud des États-Unis. Une femme et sa petite fille marchent sous un soleil de plomb. Elles sont à bout de forces. Tout ce qu’elles possèdent tient dans un sac poubelle que la mère traîne avec peine. A trente ans, son visage et son corps sont marqués par « les chiens enragés de la vie ». Il fut un jour, pourtant, où tout aurait dû se passer divinement bien. Tout s’était alors effondré en un instant. Il y a bien longtemps. Un cataclysme qui tourne et retourne dans sa pauvre tête et qui, depuis, l’a conduite de dérive en dérive…



Nulle part où aller sur la terre. Onze ans après, elle revient donc où elle avait vécu, à la recherche de… elle ne sait même pas qui ou quoi !... Une SDF, appelons les choses par leur nom ! Et une fois passés les premiers chapitres et l’entrée en scène d’un flic malsain, on se dit que ce n’est pas prêt de s’arranger, bien au contraire...



Au même moment, non loin de là, un homme sort de prison. Pour lui aussi, tout s’était brisé brutalement, à quelques heures d’un mariage qui devait être heureux. Que peut-il espérer désormais, après toutes ces années. Qui pourrait encore l’attendre ? Et s’il est attendu, est-ce avec bienveillance ?



Maben et Russel ne s’étaient jamais rencontrés, mais peut-être leurs routes s’étaient-elles déjà croisées. Maben n’en est plus à se poser des questions. Juste survivre avec sa petite fille. De son côté, Russel s’interroge, non pas sur sa faute – il suffit de compter les canettes de bière vides à la fin du livre ! – mais sur son châtiment. La justice des hommes et onze années d’emprisonnement ne sauraient suffire à racheter sa faute. La rencontre de Maben et de sa petite fille peut être l’occasion d’une rédemption : tout risquer pour elles sans rien espérer en retour.



Michael Farris Smith. Notez bien ce nom. Quelque chose en lui de William Faulkner. Comme l’immense prix Nobel de littérature, Michael Farris Smith, dont Nulle part sur la terre est le troisième roman, est fasciné par leur terre natale, le Mississippi, un État du sud de l’Amérique où les espaces sont immenses, le climat éprouvant, la nature agressive.



Comme lui, des mots tous simples lui suffisent pour transformer un décor banal de bourgade rurale insignifiante, en atmosphère de tragédie où se mêlent toutes sortes de lumières, d’odeurs et de bruits. Des mots tous simples, aussi, pour faire de femmes et d’hommes du commun, des êtres portant la désespérance ou la haine. Poignant et glaçant.



Il faut dire que là-bas, dans ce coin du sud, on rencontre de drôles de gars. Taiseux, solitaires, contemplatifs, ruminant mille humiliations. A l’instar des anciens sur leurs chevaux, c’est avec leur pick-up qu’ils font corps. Au volant, ils sillonnent les forêts à toute blinde et s’arrêtent au bord de lacs aux eaux noires. Ils s’allongent alors sur le plateau pour faire l’amour ou contempler la nuit profonde bruissante de bestioles. Certains ont la rage en eux et sont violents, méchants. Les autres ne regimbent pas à la castagne. Tous absorbent des décalitres de bière et de whiskey. Et ça fait des dégâts…



Une écriture – superbement traduite – dont le rythme fluctue. Pour accompagner les fulgurances de l’action, des formulations courtes, taillées à la serpe. Dans les moments contemplatifs, les phrases s’étirent en longueur, sans souci de l’orthodoxie grammaticale, fusionnant en une composition unique, sensations et souvenirs et images et mouvements et profondeurs et bruits, comme la mélodie continue d’un opéra dramatique.



Des chapitres très courts, qui facilitent la lecture. Un vocabulaire très simple, sans fard ni artifice. Des dialogues si justes qu’on pourrait les dire de mémoire à haute voix – rien à voir avec le charabia de pseudo cow-boys des traducteurs de Faulkner dans les années trente.



Ce livre, qui s’achève dans une lueur d’espérance mystique, a absorbé une part importante de mon capital d’émotion. En le refermant, je suis resté comme suspendu dans le vide…


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Nulle part sur la terre

Ce que j’ai ressenti:…Cap vers la Route du Désespoir…



« Fais ce que tu as envie de faire et ne regarde pas en arrière, se dit-il. »



Je m’en vais suivre ce conseil pour aller Nulle part sur la terre…Et je n’aurai voulu être nulle part d’autre sur la terre, que dans ma bulle d’air, pour apprécier au mieux cette petite pépite…



« Le soir parfois je m’asseyais sur la véranda et ce que j’entendais c’était comme si la fin du monde avait eu lieu et qu’il y avait plus personne sur terre. »



Le gros point fort de ce roman, c’est son ambiance. Pesante. Poussiéreuse. Couleur d’asphalte…Il règne dans ses pages, un temps presque arrêté, un espace temps suspendu, et il nous faut prendre le temps d’en apprécier toute sa richesse. A l’heure où tourne le monde, avec sa folle frénésie de course contre le temps, cet effet « lenteur » est salvateur: les mots appuyés, le rythme maîtrisé…Juste ce qu’il faut pour en faire un roman noir prenant, nourri de lumière grise…



Mississipi, un lac…Cette étendue d’eau a des effets apaisants incroyables, comme si elle pouvait sonder la profondeur des âmes et peut être enfouir les plus noirs secrets, tout en gardant son hypnotisante beauté. Entre son calme et les bouillonnantes émotions de ce village perdu au milieu de rien, ce lieu devient le rendez vous des désespoirs lumineux, des lumières imperceptibles…Un cadre naturel pour le théâtre vivant des plus destructrices querelles passées et ses répercussions présentes…



Regarder le mal en face, pour rester à l’écart du mal. Autant que possible.



Maben tirant sa fille Annalee, avec l’énergie de la fatalité, luttant contre l’inactivité, pour ne pas que le monde l’avale, pour éviter les mauvaises rencontres du destin. Elle avance envers et contre tout, pour ne pas tomber, en essayant de remplir ses journées d’un amour maternel instinctif, comme on se raccroche à une bouée au milieu du néant…Tandis que Russel voudrait un semblant de calme, qu’il pense ne pas mériter, et se perd dans les routes américaines aux heures les plus sombres, pour essayer de trouver la paix. En vain…Ce trio de personnages, qui nous éclaire de leurs espoirs, nous inonde de leurs sentiments contraires est des plus intéressant à suivre car la route de la rédemption et de la culpabilité dévorante sera semée de plus d’épreuves que prévues, de virages inopinés qui laissera voir un panorama intense de violence et de douceur combinés…



« S’asseoir sur la véranda, regarder le jour décliner et le soir tomber sur la terre comme une couverture descendue la border pour la nuit. »



En ayant choisi des personnages complexes qui touchent le fond mais qui gardent une petite lueur d’espérance, Michael Farris Smith, nous offre un roman magnifique car il explore toutes les lignes floues entre le bien et le mal, tout en laissant son lecteur, maître de ses émotions face à ces contradictions humaines. On est, peut être Nulle part sur la Terre, mais on est très bien accompagné si on tient entre ces mains, cette belle lecture pleine d’humanité…



Ma note Plaisir de Lecture 9/10


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Nulle part sur la terre

La vie ne fait pas de cadeaux

*

Je prends part à une lecture commune sur le #PicaboRiverbookclub pour le mois d'octobre.

Une histoire poignante qui reste ancrée dans ma mémoire une fois le livre refermé.

Je n'ai pas été si emballée que ça au début de ma lecture je l'avoue – l'intrigue manque un peu de punch – mais dès que le chaos s'est installé dans la petite ville du Mississippi, je l'ai lu quasiment d'une traite.

*

Un meurtre réunira deux êtres, deux âmes perdues dans la tourmente.

Maben, jeune maman erre sur une route. Accompagnée de sa fillette, elle revient dans sa ville natale, démunie. Russell, ex-taulard ayant purgé sa peine de 11 ans, retrouve son bercail. C'est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l'attendent.

Alors ce meurtre, cet accident de parcours va être le détonateur de forces qui vont tout balayer sur le passage de ces deux personnes. On peut parler de mauvais timing, ou de malchance. Ils ont tellement appris de leur infortune qu'ils n'ont plus rien à perdre.

*

On entrevoit ici un petit bout de ce Sud rural , cette langueur bien-nommée, dans une Amérique sombre où l'injustice fraie avec des idées de vengeance. Où la notion de bien et de mal est si floue qu'on en oublie nos leçons de catéchisme.

Des personnages si attachants, forts, tout en nuances. Qui croient que « les saloperies, ça arrive même aux gens bien » et qui espèrent au moins un peu de répit quand on se donne du mal.

*

Survie et rédemption.

Une ambiance sombre et lumineuse à la fois.

*

Un récit brutal avec des coups durs qui s'enchaînent tout du long. Des petites victoires aussi ; qui prouvent peut-être que la vie est courte, qu'il faut saisir ce petit moment de bonheur quand il se présente.

Pour moi, un ressenti intense. Des émotions diverses que j'ai envie de vous faire partager.

Ni blanc, ni noir, mais la vie tout simplement....

Un auteur qui a donné la part belle à l'humanité. Bravo !
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Nick

« De temps à autre émerge un auteur amoureux de son art, du langage écrit et des grands mystères qui résident de l’autre côté du monde physique. Il y avait William Faulkner, Cormac Mc Carthy ou Annie Proulx. Vous pouvez maintenant ajouter Michael Farris Smith à la liste. »

James Lee Burke



Cet éloge de l’auteur, mis en exergue sur le verso de la page couverture de « Nick », fait entrer Michael Farris Smith dans le cercle très fermé des grands auteurs américains contemporains, capables de transformer le plomb en or, c’est dire le divertissement littéraire en Littérature, ce pont qui relie notre monde sensible aux mystères des idées platoniciennes.



Avant même d’avoir lu son dernier opus, « Nick », j’avais été ébloui par la virtuosité noire que maniait l’auteur dans « Nulle part sur la terre » et le « Pays des oubliés ». Malgré la légère déception ressentie à la lecture de « Blackwood », qui franchissait, à mon sens, la frontière ténue qui sépare la noirceur d’une forme de complaisance malsaine pour la cruauté, je ne peux que souscrire aux louanges adressées par James Lee Burke, l’un de mes auteurs préférés.



La quatrième de couverture enjôleuse nous présente le dernier roman de Michael Farris Smith comme une sorte de préquelle de « Gatsby le Magnifique », narrant les aventures picaresques de Nick Carraway avant sa rencontre avec l’entourage de Daisy Buchanan et Jay Gatsby. Amoureux de Francis Scott Fitzgerald, passe ton chemin ! L’ouvrage n’a absolument rien à voir avec la munificence décadente de Gatsby et peut tout à fait se lire en dehors de toute référence au chef d’oeuvre fizgeraldien.



« Nick » nous conte l’engagement de Nick Carraway, qui souhaite échapper à la monotonie d’une vie de quincailler du Midwest, dans l’armée américaine prise au piège des tranchées du nord de la France, au cours de la première guerre mondiale. Le début du roman revient sur la férocité inouïe et l’absurdité d’un conflit d’une violence inégalée. Sans en atteindre la noirceur absolue, les descriptions de scènes de combat rappellent « Le chemin des âmes » de Joseph Boyden, ce combat âpre et sans merci pour quelques lopins de terre, dans lequel se sont engagés des soldats venus du nouveau monde.



Au cours d’une permission à Paris, Nick fait la connaissance d’Ella, jeune femme aussi excentrique que séduisante, qui habite au-dessus d’un théâtre et vend des cadres qu’elle a confectionnés. Pendant toute une semaine, les deux amants sont emportés par un tourbillon amoureux, dans un Paris qui scintille de mille feux, de Montmartre aux Tuileries, en passant par le parc Monceau. Las, la permission de Nick s’achève et le soldat doit retourner affronter l’horreur indicible d’un conflit qui semble s’enliser.



Malgré sa témérité au combat, Nick reviendra retrouver Ella à Paris, mais la magie de leur rencontre s’est définitivement envolée et c’est le coeur serré que le soldat américain repart à nouveau au front. Le visage mutin d’Ella ne cessera d’hanter le narrateur tout au long de ce roman empreint de mélancolie.



Dans la seconde partie, notre héros est enfin de retour au pays, et tente de surmonter le traumatisme de sa plongée au coeur des ténèbres. Plutôt que de rentrer dans son Minnesota natal, l’ancien soldat se rend à la Nouvelle Orléans, la ville de tous les vices, où l’alcool coule à flot, et où les filles de petite vertu sont légion. Il va y rencontrer un couple étrange, composé de Judah, un ancien soldat désormais invalide et crachant ses poumons quotidiennement et de Colette, son ex-femme devenue tenancière de bordel. Alors que les plaies de la première guerre ne sont pas encore refermées et que le gouvernement est sur le point de voter la prohibition, Nick va noyer son chagrin dans les dédales interlopes de la nouvelle Babylone, au risque d’y perdre son âme.



Roman ample et parfois touché par la grâce, « Nick » confirme l’entrée parmi les plus grands auteurs américains de Michael Farris Smith. L’âpreté des combats dans les tranchées, la pureté des instants dérobés à la pesanteur vécus avec Ella, la corruption qui gangrène la Nouvelle Orléans, transforment le roman en une fresque ambitieuse, qui nous dépeint le délitement de l’Occident au début du siècle dernier. Et pourtant. Malgré la noirceur d’un conflit monstrueux, et la vénalité infinie de la ville de tous les vices, « Nick » est aussi et surtout une ode à la résilience nous rappelant qu’il est toujours possible de résister à la tentation du désespoir et que, même au cœur des ténèbres, luit la fragile lueur de l’espoir.

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Nulle part sur la terre

Dommage d'avoir "perdu  de vue" cette délicieuse émission éponyme.

Russell et Maben s'y seraient certainement sentis très à l'aise. Non pas qu'ils soient à la recherche d'un lointain amour de jeunesse ni du cousin germain de la crémière du facteur. Que nenni. Leur champ d'investigation aurait été bien plus réduit. Eux-mêmes.



Complétement à la ramasse, Russell revient au pays en ex-taulard, Maben et sa gamine en naufragées solidaires, avec pour ultime aspiration de se reconstruire, enfin, histoire de donner un quelconque sens à leur vie. Welcome home les n'amis ! Vous reprendrez bien une généreuse portion d'emmerdes ?



♪ Y a quelqu'un qui m'a dit♫ en préambule, gaffe, l'auteur multiplie les "et" comme personne. Certes, le procédé aurait pu rapidement lasser si le récit n'avait pas pris le pas sur le style. Un style, à l'image de nos deux anti-héros, qui aurait presque l'air de se chercher et donc parfaitement raccord avec l'ambiance générale.



Nulle Part Sur La Terre, c'est une nuit sans lune, un bon jour d'automne bien maussade au crachin persistant.

L'espoir semble y être persona non grata et pourtant.



Michael Farris Smith fait dans le ramassé, l'épuré, le nerveux.

A force de courts chapitres, il vous intègre, le blues en fonds musical, à son univers apocalyptique.

Un bled paumé du Mississippi dénué de toute espérance où rédemption et pardon ne sont pas de mise.

L'orage gronde, au loin, promesse d'un très sale moment en perspective et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce Nulle Part Sur La Terre l'a très largement tenu, lui, ses promesses en termes de découverte et de plaisir de lecture.



♫C'est quand le bonheur ?♪

Patience, petite, j'ai comme l'impression qu'il a encore loupé son train.

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Le pays des oubliés

"I hurt myself today to see if I still feel". Cette reprise de "Hurt" par Johnny Cash a hanté toute ma lecture de ce roman, où il est notamment question de MMA, et dont je suis sortie sonnée.

On est dans le Sud des Etats-Unis, dans le delta du Mississippi. Jack est un gosse abandonné, finalement adopté à 12 ans par Maryann Boucher (prononcer "Boo-shay" à la française), artiste et propriétaire sans descendance d'un immense domaine en Louisiane. Mais Jack a la rage en lui, un feu violent qui l'embrase et le consume, et dont il se libère en se battant dans une cage grillagée, jusqu'à devenir une légende du MMA. Désormais âgé de 46 ans, brisé et couvert de cicatrices, la tête en vrac, il se retrouve acculé, couvert de dettes et sur le point de perdre le domaine -et pire, Maryann. Débute alors un ultime combat pour régler ses problèmes et sauver son âme.



Oh là là, le beau roman douloureux que voilà ! le titre original, "The fighter", est bien plus adapté à cette histoire, car même s'il est question de l'Amérique des losers, ceux de Michael Farris Smith ne s'oublient pas : Jack Boucher, donc (auquel j'ai prêté les traits du beau Viggo Mortensen), le combattant lettré mais accro aux pilules rouges et bleues, à l'alcool, et toujours prompt à suivre ses pires travers ; Annette, la stripteaseuse tatouée des pieds à la tête, qui se compose sa propre religion ; Baron, l'imposant patron de fêtes foraines non autorisées ; Big Momma Sweet, la terrible organisatrice de combats clandestins très lucratifs... J'ai aimé cette farandole de Freaks qui laissent parfois briller un peu de leur âme les nuits de lune.

Mais quelle violence aussi ! Pas seulement lors des combats, mais tout au long du roman, tout au long de ces vies qui ne font pas de cadeaux. Ce n'est pas une lecture sereine ; l'écriture étouffante prend au corps et la tension est telle que j'avais à la fois envie d'en terminer rapidement, mais pas envie de quitter aussi facilement. Alors, pourquoi un tel masochisme ? Parce que Michael Farris Smith excelle à se faufiler dans les méandres et recoins de l'âme, à infuser l'espoir le plus fou, à faire croire aux miracles, à donner à ceux qui ont touché le fond la force de se relever et de se regarder une dernière fois en face, et à offrir la rédemption à tous les pécheurs. (Rien que ça, oui. Michael Farris Smith est un Dieu)

Et vu qu'on est dans le Sud gothique, l'auteur fait même apparaître des esprits et bruisser les arbres dans le crépuscule finissant : un pur régal irrationnel et sensoriel pour échapper un peu à la dureté de l'histoire et se fondre dans sa poésie onirique.



Bon, je suis fan de Michael Farris Smith, donc il se peut que je manque d'objectivité. Mais je suis sûre de son intense talent, de son immense humanité, et de l'incroyable beauté de ce roman.

Alors, envie d'entrer dans la cage à votre tour ?
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Une pluie sans fin

Ces quelques dernières semaines ont été particulièrement pluvieuses par chez nous, je me suis dit que cette lecture conviendrait bien au climat, pourquoi pas ! Sauf que dans ce roman, au sud des États-Unis, la situation s’envenime à un tout autre niveau ! Bienvenue aux bombes météo !



"Maintenant, il ne faisait plus que pleuvoir. Avant la tempête. Pendant. Après. Impossible de dire quand s'achevait un ouragan ni quand commençait le suivant."



Lorsque le mauvais temps a commencé à s’installer pour de bon, le gouvernement a tracé une sorte de frontière entre les parties les plus touchées du pays, invitant les résidents à s’installer de l’autre côté puisque la zone était continuellement dévastée. Ceux qui décidèrent de ne pas quitter étaient alors laissés à eux-mêmes ; sans aide, sans ressources.



Depuis deux ans, Cohen, un homme discret et taciturne, continue d’habiter seul avec son cheval et son chien dans la « zone inondée », refusant de quitter son toit et surtout, les souvenirs qui s’y rattachent.



"Autour de lui, un monde bleu-gris. Le monde auquel il tentait de se cramponner, qu'il tentait de vivifier grâce aux couleurs d'autrefois. Qui ne pouvait gagner, avec sa grisaille, mais qui gagnait."



Pourtant, il n’aura bientôt d’autre choix que de quitter son ancien havre de paix vers un monde plus sauvage, abandonné à la nature et aux autres survivants, généralement démunis. Sans l’avoir cherché, Cohen fera la rencontre d’un groupe de femmes, d’enfants et d’hommes qui changeront son destin, pour le meilleur et pour le pire. Mariposa, Evan, Brisco et les autres lui donneront un but ; celui d’avancer et de se sortir, tous, de ce trou anéanti par les tempêtes et les ouragans. Rien ne sera facile pour le petit groupe, d’autant plus que la zone est occupée par des pillards un peu partout.



"Il se demandait si tout le monde devenait comme ça, les circonstances aidant. Si ce qu'il avait vu sous la Limite finirait par vaincre, une fois la destruction consommée. Il imaginait un monde où l'instinct et les envies de l'homme constitueraient la seule loi, et il se demandait si l'homme en deviendrait meilleur ou pire. Quant à lui, il avait vu le pire, lequel se tenait manifestement au garde-à-vous, prêt à frapper, (...)."



J’ai trouvé que l’action se déplaçait beaucoup dans ce roman, dans le sens où les personnages bougent, ne sont pas toujours confinés en un seul et même endroit, ce qui a su me captiver. En même temps, on ressent la lourdeur du climat, le danger toujours proche, prêt à bondir comme un diable qui sort de sa boîte à surprise. Les phrases sont courtes, simples. Le rythme est assez lent ; la pluie qui tombe sans discontinuer, le vent qui continue de tout arracher, les dialogues qui sont plus ou moins recherchés. Je pense que cela est naturel dans la situation où les protagonistes évoluent avec difficulté. Normal qu’ils n’aient pas trop le sourire ni le moral, ni envie de faire de l’humour. À mon grand plaisir, il n’y a pas trop de personnages, alors c’est facile de suivre l’histoire. Sans vraiment m’attacher à eux, je les ai tous trouvés authentiques. Plusieurs des situations vécues m’ont semblé plausibles, tandis que d’autres pas du tout. Je dirais néanmoins qu’un des points positifs est qu’on ne voit pas venir les évènements à l’avance, on les vit au fur et à mesure, en même temps que les personnages. Je pense que c’est la manière dont c’est écrit qui donne cette impression.



De façon générale, c’est une lecture correcte, qui a bien retenu mon attention sur le coup mais pas mon préféré dans le genre. Si vous êtes curieux, tentez le coup !
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Sauver cette Terre

Rien ne va plus sur cette foutue terre.

Les saisons n’existent plus. Aux périodes d’extrême sécheresse, suivent des pluies diluviennes qui détrempent les sols et empêchent les récoltes. Les ouvriers agricoles ne trouvent plus d’emploi. Même les plateformes pétrolières n’ont pas survécu. Nous sommes aux confins du Mississipi et de la Louisiane, dans un paysage dévasté, maisons éventrées recouvertes de bâches pour suppléer les toitures envolées, champs de maïs inondés et couchés, rien ne résiste aux passages répétitifs d’ouragans. La population reflue vers des territoires plus cléments, seuls quelques irréductibles s’accrochent à leur bicoque bricolée et à leur lopin de terre infertile. L’économie s’écroule, les investisseurs qui pourraient injecter un peu d’argent pour relancer la vie ont déguerpi depuis longtemps, plus personne pour nier le dérèglement climatique, n’est ce pas M. Trump ?

Quand les êtres désemparés sont gagnés par la désolation, la religion s’épanouit : une voie vers la lumière. Un espoir de retour vers le passé, comme un paradis promis. Malheureusement, le malheur fait naître dans des têtes détraquées des cultes tordus comme cette congrégation du Temple de la gloire et de la douleur qui recrute des fidèles dans la région, une menace supplémentaire !

Holt sort d’une soirée de beuverie, dans le champ pelé qui jouxte le parking où il s’éveille il remarque un grand chapiteau blanc en train d’être monté. Est-ce une issue possible, rejoindre cette collectivité ? L’aura de cette femme, Elser, qui semble le gourou magnétise la foule des fidèles. Elle prône « une théologie faite d’avarice, d’angoisse et de désir où damnation et flammes de l’enfer » ont la part belle. « Elle promet aux âmes perdues que leurs corps et leurs esprits sont au bon endroit. Aucun bulletin météo ne pourra les déloger de ce territoire dévasté ». Mais les doutes de sincérité effleurent l’esprit d’Holt quand elle entame la partie du sermon où elle affirme avoir eue une vision d’une jeune fille envoyée par le créateur pour faire cesser les intempéries, le racket de la quête confirme ses inquiétudes. Profitant d’une de ces messes, Holt s’introduit dans le camping-car de la prêtresse et dérobe argent et un gros trousseau de clés.

De son côté Wade vit seule dans sa petite maison, tourmenté par les remords depuis que sa fille Jessie est partie il y a quelques années. Il faut dire que les rapports avec la jeune femme ont toujours été tendus. Son épouse est morte lors de l’accouchement et il n’a jamais sut faire face seul, hésitant entre éducation stricte et permissivité. Et lorsqu’elle a atteint la majorité, elle est partie avec ce maudit Holt à qui Wade voue une haine farouche.

Jessie et son petit garçon Jace sont seuls, Holt n’est pas rentré à leur domicile. Il faut prendre la fuite, car depuis qu’ils détiennent ce fameux trousseau de clés les membres de la secte sont à leur poursuite. Elle pense, tout de suite, à rejoindre son père Wade pour trouver asile, lui qui pourtant ne sait même pas l’existence de son petit-fils.

Lorsque Holt réapparait, évadé après avoir été prisonnier des illuminés geôliers de la secte. Il a surpris une conversation, comme quoi le trousseau ouvre les portes d’un mystérieux lieu dénommé « l’Abîme », qui n’est pas sans rappeler des souvenirs vieux de dix-huit-ans à Wade.

J’ai été bavard, mais ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler l’épilogue, ni le sort de nos héros, se sortiront-ils des griffes de leurs tordus poursuivants ?

Michael Farris Smith nous livre un roman noir, très noir aux couleurs des ciels tourmentés précurseurs d’ouragans. Des chapitres courts, des dialogues épurés, la menace continuelle d’un cataclysme et de ces fanatiques fous furieux conférent à ce roman une atmosphère angoissante qui va crescendo jusqu’à un final palpitant. L’auteur sait jouer sur nos peurs actuelles du dérèglement climatique et dépeint des personnages attachants, cabossés, aux vies rudes et tortueuses dans cette zone géographique qui lui est chère.

Merci aux Editions Gallmeister pour cette belle lecture.

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Nick

C’est au cours d’une permission entre deux offensives cauchemardesques de la grande guerre que Nick croise le chemin d’Ella, une jeune femme dont le caractère fantasque et les revendications de liberté le séduisent. De retour au front, l’américain peuplera ses nuits d’horreur avec les souvenirs de cette belle rencontre qu’il lui tardera de retrouver. En vain.



C’est avec une grande amertume et un traumatisme que rien n’effacera, que l’Américain retournera au pays, sans pour autant se sentir capable de reprendre l’affaire de quincaillerie familiale que son père veut absolument lui céder. L’étape qu’il effectue à Memphis lui apprendra beaucoup sur lui-même, confronté au calvaire d’un de ses alter ego, victime lui aussi, dans son corps et dans son âme des blessures de la guerre. C’’est aussi là qu’il tentera de comprendre ce qui s’est passé le soir où le bordel de Colette a brûlé.



Sur le thème de ce que la guerre fait aux hommes, ce roman voir met en scène un homme venu combattre pour une cause qui ne le concerne que de loin, pour garder à jamais les stigmates de ce qu’il a vécu. Tel un héros romantique, il tient le coup rien qu’avec l’espoir d’un amour évanescent.



Mais ce héros-là n’est pas n’importe qui : c’est le Nick Carraway, personnage de de Gatsby le Magnifique qui nous invite à la dernière page à redécouvrir ce roman culte de la littérature américaine …



Merci à Netgalley et aux Éditions Sonatine



368 pages Sonatine 17 novembre 2022

Traduction (anglais) : Pierre Szczeciner

#Nick #NetGalleyFrance


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le pays des oubliés

Avec Nulle part sur la terre Michel FARRIS SMITH signait un roman noir, avec Le pays des oubliés il récidive mais il s’enfonce encore plus profondément dans les ténèbres. L’enfer n’est plus très loin.



Dès les premiers mots le ton est donné, le lecteur est dans l’ambiance, plongé dans la vie de Jack qui dès le départ est loin d’avoir touché le gros lot et ce n’est qu’un début. Qu’à cela ne tienne il apprendra à faire avec et il fera la seule chose pour laquelle il est doué : se battre, au sens propre comme au figuré. Les combats clandestins, la drogue, le jeu, ce sera sa vie. Mais une telle vie a un prix et Jack est fatigué, son corps l’abandonne et son esprit le trahit, surtout sa mémoire. Mais il y a quelque chose qu’il ne peut pas oublier : la seule personne qui ait jamais pris soin de lui envers et contre tout : Maryann. Alors il ne peut pas cesser le combat, pas encore, il a un dernier round qui l’attend et pas des moindres. Maryann a été son seul rayon de soleil dans cette vie de galère et il ne laissera personne lui prendre la seule chose qu’elle ait : sa maison. Sauver cette maison de la saisie c’est son baroud d’honneur, c’est sauver son âme. Alors Jack est prêt à tout, mais dans ce monde féroce il n’est pas le seul. Les paumés sans scrupules et les petites frappes sont légion et il semblerait que tous veulent se mettre en travers de son chemin. Dans cette toile d’araignée géante où ils sont tous englués c’est chacun pour soit, et tout le monde tente de se faire la malle avant que la tarentule se ramène ou à défaut de pousser quelqu’un d’autre dans ses mandibules. Un repos de courte durée, car il semble que tous doivent y passer et Jack plus vite que les autres car il joue de malchance. Mais tout le monde à un ange gardien, même Jack sauf que le sien arrive peut être un peu tard.



Et puis il y a le pauvre lecteur qui serre les dents et encaisse les coups avec Jack. Impuissant il assiste à cette descente aux enfers et pourtant il voudrait le sauver. Parce que c’est foutrement injuste, parce que Jack vous prend aux tripes à se débattre seul, terriblement seul, sans jamais renoncer alors qu’à l’horizon on a beau chercher il n’y a aucun espoir.



Ce livre est un magnifique crève cœur.
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