Citations de Michael Roch (154)
Ce sont les livres, je pense, qui se marquent le plus facilement – l’empreinte du temps, l’empreinte des autres, l’empreinte de soi-même. Elle est là, l’essence même de l’âme d’un objet.
Quand on regarde au-delà de la masse compacte qui becte et qui jacte, au-delà des murs et des tôles qui masquent à peine l'intérieur des bâtisses, on découvre la névrose et la folie de ce peuple.
Le passé n’existe pas pour être récité, ni pour être ressassé, ni même pour être commémoré. Tirer leçon, c’est faire corps.
— Qu’est-ce qui permettrait d’achever la décolonisation de notre nation ? L’ayi réfléchit, mais répond très vite, en regard de nos échanges.
— L’instruction, la réflexion et l’intelligence d’un peuple capable de se regarder en face plutôt que de regarder les écrans.
— La colonisation a changé de visage. Aujourd’hui, elle est un aveuglement constant et mondial : celui de l’écran
- Vous les filles, vous êtes comme les étoiles. ça ne vous sert à rien de savoir laquelle brille plus que l'autre. Vue d'ici, qu'on soit pirate, indien ou enfant perdu, chaque étoile a le pouvoir d'illuminer à elle seule un bout de notre territoire. Vous êtes toutes uniques.
- Mais nous sommes si nombreuses. Quelle différence y a-t-il à ça ?
- La différence, c'est la bonne étoile : il n'y en a qu'une par personne.
— Ce monde oublie tout. Bien trop peu de choses ont été sauvegardées, d’autres ont été altérées, sinon gommées.
De manière abstraite, l’écran se sert de notre blessure narcissique pour nous fasciner, nous séduire, nous éblouir. Nous projetons sur lui nos propres désirs. Nous participons activement à notre propre colonisation. Nous ne voyons plus rien, pas même ce que nous devenons…
Chacun était aveuglé par sa propre culture et, derrière son propre écran, par ce qu’il percevait de l’autre. Cela a causé leur perte.
– On m’appelle Crochet, et mon nom est maudit par les hommes et les femmes qui le prononcent. Je suis un pirate et l’amour est le seul trésor que je ne pourrai jamais souter. Je vis avec cette hantise qui m’obsède comme un tic-tac continuel, un aller-retour incessant entre la peine, le manque, la tristesse, la mélancolie, la peur, l’étouffement, le dégoût, la rage et la joie. Je ne possède rien, rien ne m’appartient. Tout ce que je traîne dans mon sillage, ce sont d’infâmes victoires auréolées de douleurs et de souffrances, de lutte, de mort et de dédain. J’ai aimé le monde entier, tout comme toi. J’ai aimé tant d’êtres et le monde entier m’a un jour aimé, ne serait-ce qu’une seconde. Et voilà que toi aussi, à ton tour, tu souhaites disparaître de mon horizon…
- Moi, tu vois, c'est Pan. Avant, c'était Peter. Et parfois, je me dis que je n'ai pas d'autres moyens de franchir la vie qu'en la traversant en m'élançant comme au départ d'un cent mètres. Tu as un problème, dépasse le. Si tu n'as pas de nom, trouves-en un. Fais le briller comme si l'Univers entier était en toi. Cajole-le jusqu'à ce qu'il te représente, toi, et qu'il soit celui que tu veux devenir, celui que tu veux être au jour le jour.
Tes cheveux, non, ton crâne, non la racine de tes cheveux, te gratte chaque nuit Chaque nuit, la torture reprend et tu arraches bout à bout des pièces de ton cerveau. Tu grattes, c'est quoi, tu pourris, tes pensées qui pourrissent chaque nuit, que tu arraches une à une, mais qui reviennent chaque nuit, pire que du sel asséché du bain de mer, pire que la marque grasse des pellicules, c est une mycose qui s'étend sur ta tête, et en travers de ton esprit. Tu balaies, tu grattes. Parfois tu te laves la tête à la faveur du filet d'eau, dans la salle de bains. Et puis tu oublies tout quand tu te rendors.
Tu oublies Ies mensonges que tu arraches de ta tête, que tu laisses couler dans la bonde de la douche.
Laissons la vie nous porter là où notre cœur nous le dicte. Se toucher. Se prendre la main. Ou simplement rester côte à côte.
La parole et le chant ont ceci de réparateur qu’ils connectent l’âme à la matière et comblent ses failles. La parole et le chant ont ceci de réparateur qu’ils déclenchent les catastrophes, les déchirures, et, dans un surgissement imprévisible, comblent le vide de poésie.
Retrouver la terre des ancêtres et puis après ? Que cessent les discriminations, les oppressions ? C’était le combat de nos aïeux, ce n’est plus le nôtre. La grève contre les classes sociales d’en-haut et les corpolitiques est éternelle. Elle n’a même plus de revendications claires. C’est un fourre-tout émotif, de rage et de colère qui n’appartiennent qu’à ceux qui se battaient vraiment pour leur émancipation. C’est bon, c’est fini ! Le Tout-monde n’existe pas. La terre de nos ancêtres n’a jamais existé. La vraie terre, nous l’avons détruite, nous l’avons rasée.
Je pense en kréyol, car c'est le seul morceau de moi qu'il me reste des ancêtres.
Le vrai combat n'est plus dans la rue. Les grèves sont éternelles depuis près d'un siècle. Elles n'ont jamais rien changé à notre démocratie. La lutte de nos pères s'est endormie dans le confort urbain, les extrémismes sont éphémères et maitrisés, les corpolitiques s'enlisent dans l'incarnation d'un nouveau centre du monde. J'en demeure persuadée, tous se trompent encore. Lanvil et sa diversalité se trompent.
La culture caribéenne est un agglomérat dont l’identité s’est forgée de manière imprévisible par la rencontre de toutes ces cultures, et l’afrofuturisme caribéen, pour moi, ne peut s’asseoir que sur cet héritage là de transculturalité
Chaque langue est un véhicule. Il est impossible de nous comprendre sans nous parler, sans nous traduire et sans laisser à l'autre l'espace qui lui est nécessaire pour exister. Ce qui nous aliène, c'est la dépossession d'une langue au profit d'une autre. Car elle déforme le corps, elle le contraint dans un système qui ne correspond pas à sa pensée. C'est ce qui rend la traduction importante: nous équilibrons les langues, nous équilibrons les points de vue sur l'Histoire et ses évènements, nous accédons aux pensées des uns et des autres, nous nouons les empathies, nous archivons les relations.
Elle ajouta que sur cette terre, beaucoup confondent l’amour avec ce qu’ils s’attendent à recevoir.