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Critiques de Michaël Foessel (49)
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Récidive 1938

Historien de formation, j’ai peu l’habitude (voire jamais, en fait) de lire des ouvrages écrits par des philosophes. Exceptionnellement, j’ai été très fortement attiré par la récente sortie de Récidive 1938, où le philosophe Michaël Foessel plonge dans la presse de 1938 et s’interroge, en philosophe et citoyen, sur le degré de démocratie que proposait la fin de la IIIe République en France.



Plongée dans la sphère médiatique de 1938

Michaël Foessel attaque sa « petite » enquête presque en naïf. On sent bien qu’il écrit en philosophe, mais il aborde cette période sans a priori particulier, n’étant pas un historien, encore moins spécialiste des années 1930. Tout simplement, il se met à lire un par un des journaux emblématiques de cette époque : Paris-Soir qui n’est pas le plus reluisant, Le Figaro soutien de la droite, L’Action Française soutien des royalistes et des antisémites, L’Humanité soutien des socialistes, etc. Il compare, il liste les expressions-clés qui reviennent le plus souvent, il juxtapose les différentes versions d’un même événement ; l’auteur se mue donc en chercheur en histoire des médias afin de comprendre qu’elle pouvait bien être l’ambiance de l’année 1938. Or, il s’en passe des choses d’importance cette année-là dans et hors de France : outre les conséquences durables du krach boursier de 1929 avec la dette, le déficit et le chômage chroniques, le Front Populaire est cassé par la défection d’Édouard Daladier en faveur d’une politique bien plus à droite ; les terribles accords de Munich sont ratifiés en fin d’année alors que l’Allemagne a proclamé l’annexion de l’Autriche en mars (Anschluss) ; la guerre d’Espagne se poursuit, toujours aussi violente ; les Nouvelles Galeries à Marseille subissent un violent incendie. Ces quatre événements qui peuvent sembler sans lien direct prennent tout leur sens quand on décortique la presse française, car ils renforcent la volonté des dirigeants français de basculer toujours un peu plus dans le capitalisme forcené, ce dernier s’accommodant toujours très bien d’États autoritaires.



La longue montée du fascisme français

En effet, il ne faut pas voir la fin de la IIIe République comme un simple basculement entre un avant et un après Philippe Pétain, ce serait dédouaner tous ceux qui ont alimenté et renforcé les aspirations xénophobes de la France ; or, Michaël Foessel montre parfaitement que les idées xénophobes, voire antisémites, sont plus que jamais prépondérantes dans les médias dominants dans les années 1930. Certes, l’image du Front Populaire adoucit notre vision de cette période, car on pense de suite aux congés payés et à quelques moments de répit accordés aux classes populaires face au patronat, mais cela s’est conquis de haute lutte ; il ne faut donc pas négliger tous les contrefeux allumés pour détourner les masses de ces revendications qui auraient pu aller bien plus loin. La presse la plus lue en 1938 se fait largement le porte-voix des mouvements politiques au pouvoir, partisans d’un État plus autoritaire, qui contrôlerait davantage les allées et venues, en prenant le prétexte des migrants venus d’Espagne pour lancer un tour de vis sécuritaire, ainsi qu’en prenant appui sur le chômage de masse non pas pour accabler le patronat qui organise cette armée de réserve du capital, mais plutôt pour accabler le prolétariat de ne pas être assez volontaire et les migrants de vouloir venir voler le travail des prolétaires. Les ressorts sont connus et pourtant ils sont tellement huilés que la dynamique ne se grippe toujours qu’au prix d’intenses sacrifices de la part des partisans de politiques plus humanistes, plus internationalistes et moins inégalitaires. L’auteur conduit une réflexion efficace et termine son propos en soulignant bien les différences fondamentales de contexte qui existent entre 1938 et 2018, mais insiste sur le fait que c’est le même capitalisme débridé qui est à la manœuvre.



Récidive 1938 est donc clairement à lire, c’est court et intense et cela éclaire de façon bienvenue une situation politique bien tendue actuellement, où quantité de thèmes se percutent, sans logique apparente mais pourtant symptomatiques d’un système capitaliste à bout de souffle.



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Récidive 1938

Ce livre vaut vraiment la peine d'être lu pour qui aime l'histoire, la politique et plus généralement est intéressé par la vie politique française et européenne. En 2018, l'auteur s'interroge sur l'année 1938 ; grâce à des sites (Retronews et Gallica) il lit la presse de cette année-là, s'imprègne totalement de cette époque et, tout au long de son enquête, il y voit des analogies avec la période actuelle. Il ne cherche pas absolument à faire un parallèle entre les deux périodes, mais à établir des liens entre une langue identique, des comportements identiques, des inquiétudes, des renoncements et des trahisons de la classe politique etc ... Mon édition était complétée par une postface de 2020.

Très éclairant pour notre monde actuel !

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La nuit

Les dormeurs sont ici renvoyés à leurs songes. On devrait prendre au sérieux une lecture qui incite à entrer dans la nuit en devenant hibou pour faire “l'apprentissage de la vision en conditions précaires”. Métamorphose en animal nocturne, amoindrissement des perceptions visuelles et modifications des conduites ouvrent les portes à l'expérience nocturne moderne explorée dans ces pages. Réunissant noctambules et insomniaques, fêtards et prolétaires, écrivains et personnages de la littérature, philosophes, policiers et hommes infâmes, la nuit version Foessel interroge jusque dans ses artifices les plus ambivalents ou paradoxaux, éclaire autant qu'elle efface, et transporte, depuis les débuts de l'éclairage public, du Paris de Restif de la Bretonne à Las Vegas en faisant d'une apothéose électrique berlinoise une métaphore de la nuit contemporaine. Par-delà l'ancienne opposition métaphysique Ténèbres/Lumières ou jour/nuit retenue par le langage commun, et à côté de Descartes, Kant ou Nietzsche, Michaël Foessel s'attarde plus loin avec bonheur sur de très humaines expériences entre le coucher du soleil et le chant du coq parmi lesquelles on se réjouit de son interprétation de la trahison de l'apôtre Pierre ou de son commentaire sur le combat nocturne de Fitzgerald avec un moustique. Moins voir mais pour être moins vu c'est aussi le programme des noctambules. Leurs nuits rendues plus égalitaires par la pénombre gommant les différences et les distinctions sociales. Nuits de rencontres entre êtres dissemblables et parenthèses de répit en contrepoint de la logique diurne sous contrainte d'un capitalisme sans pause... Sensorielle et perceptive par l'approche, la nuit de Foessel est particulièrement polyphonique par la variété des sources et références empruntées au cinéma (J. Eustache, Hitchcock, F. Fellini), à la peinture (Michaux), à l'esthétique, à la littérature ou la poésie (Rilke, Novalis) etc. Elle est aussi vaste à parcourir philosophiquement que l'immensité étoilée à regarder (Foessel préface d'ailleurs plus récemment un très beau catalogue d'une exposition à Pompidou-Metz : « Peindre la nuit »), et aussi profonde à élucider que la pensée des origines et du noir avec lesquels elle ne se confond pas. La dimension politique de la nuit au coeur de ce petit essai stimulant est moins attendue et ajoute à son attrait. La nuit de Michaël Foessel, propice à un anonymat recherché et qui offre à l'expérience un temps alternatif “sans calcul ni comparaison”, est porteuse d'une promesse de réinvention du lendemain.
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L'avenir de la liberté de Rousseau à Hegel





J’ai connu cette collection (Une histoire personnelle de la philosophie) avec l’excellente contribution de Pierre Guenancia (La voie des idées, de Descartes à Hume) qui combinait l’élégance du style à la clarté de l’exposé. Si L’avenir de la liberté, de Rousseau à Hegel, m’a paru pour commencer un peu plus ardu, ou plus laborieux dans son expression, j’ai également été conquis par l’ouvrage de Michaël Foessel, lequel dirige aussi cette collection qui, suivant le point de vue d’un auteur, permet de découvrir la pensée d’une époque et de paradigmes philosophiques.



Au lieu de sauter des Lumières à l’idéalisme allemand, Foessel piste « l’idée qui commence à poindre que la philosophie peut s’incarner dans le temps. » Jusqu’à Hegel, passant par Kant et à commencer par Rousseau, à partir duquel « s’impose une nouvelle prémisse anthropologique : la liberté n’est plus un attribut humain parmi d’autres (comme la raison, l’entendement ou la sensibilité), mais bien ce qui définit l’humanité comme telle. » Selon Kant : « La clé de voûte du système. »



La liberté, non pas comme libre arbitre, mais comme un motif qui confère sens et rationalité à l’action : concept politique chez Rousseau (la souveraineté du peuple), concept moral chez Kant, permettant de répondre à la question « que dois-je faire ? », ou fondement d’une nouvelle métaphysique et d’une philosophie de l’histoire pour Hegel.



Michaël Foessel donne à comprendre la pensée de chacun des trois (escortés accessoirement de quelques autres) ainsi que leurs relations voire leur enchaînement. « Pour Rousseau, et plus encore pour Kant et Hegel, la liberté désigne davantage que le propre de l’homme, elle est le socle sans lequel il n’y aurait pas de monde humain. Non seulement l’action réclame d’être libre pour être responsable, mais le savoir lui-même trouve sa source dans une raison qui n’admet pas d’autre loi que celle qu’elle se fixe à elle-même. »



Ce n’est pas la bibliothèque verte, mais c’est accessible au profane qui s’intéresse à la philosophie et l’histoire des idées.

Au demeurant, l’intérêt de l’ouvrage n’est pas uniquement historique ou théorique. Si l’auteur ne néglige pas que « l’alliance entre la liberté et la raison a perdu l’évidence que semblaient lui conférer la dynamique de la la modernité et la Révolution française », il souligne que « le projet de penser ensemble raison et liberté demeure pertinent à une époque où la tentation de substituer des automatismes techniques à l’initiative humaine est partout à l’œuvre. »
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L'avenir de la liberté de Rousseau à Hegel

En 1789, La Révolution française met la liberté à l'ordre du jour.



La philosophie au siècle des Lumières a activement participé à la critique du despotisme, et a délivre à la pensée de nouveaux horizons où les maîtres-mots sont souveraineté politique du peuple et autonomie morale du sujet.



Michaël Foessel passe en revue et analyse les idées de Rousseau (qui fait de la liberté le fondement de toute légitimité) à Hegel (pour qui "l'esprit est liberté" en passant par Kant qui consacre le droit inaliénable des peuples à disposer d'eux-mêmes.



Un livre très intéressant même si il est assez ardu.
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Peindre la nuit

L'art et la nuit seraient-ils faits l'un pour l'autre ? Ils multiplient en tout cas les rendez-vous heureux dans ce catalogue d'une expo récente à Pompidou-Metz. le premier d'entre eux a lieu en couverture dans la Voie lactée. La très grande huile sur toile de Peter Doig (Milky Way,1990) donne partiellement l'illusion d'une nuit où ciel et terre seraient une même substance bleue (l'oeuvre est reproduite sur double page, en totalité, dans la troisième partie du catalogue). Un autre rendez-vous a lieu un peu plus loin et toujours avec la Galaxie : un tout petit collage de Joseph Cornell montre une ballerine qui emprunte la longue traîne cosmique pour s'en faire un tutu étoilé (Tamara Toumanova dansant, p. 179). Mais l'un des rendez-vous les plus emblématique entre la peinture européenne et l'astronomie a sans doute lieu dans une scène religieuse nocturne où apparaît distinctement la première fois la Voie lactée, il s'agit d'une scène peinte par Adam Elsheimer, rappelle discrètement J. M. Gallais, l'année où Galilée mettait au point son télescope et faisait de l'héliocentrisme une hypothèse (La Fuite en Egypte, 1609)...



Moins célestes, mais tout aussi énigmatiques ou étonnantes sont les représentations ou créations qu'on aime découvrir dans ces pages quand on a un tant soit peu l'âme nocturne. le thème de la nuit s'y décline du début du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui dans toute l'épaisseur de son enveloppante beauté et dans une très grande diversité d'approches et d'expressions artistiques. Arts graphiques et arts visuels, peinture, cinéma, sculpture, estampe ou dessin, photographie, installations, etc. sollicitent un moment créateur d'exception, un espace privilégié d'interrogation, une source d'inspiration sans cesse renouvelée pour l'art et la pensée : une nuit en version moderne et profane valorisant l'expérience nocturne comme fait artistique au tournant du XIXe et du XXe siècle, illustrée par de très beaux moments visuels comme ces scènes de rues des « Nuits parisiennes », peu connues, d'Auguste Chabaud ou ces visions très crues révélant la dimension sociale de la nuit, choquantes en leur temps, de George Grosz. Cette nuit moderne qui naît avec les paysages crépusculaires de C. D. Friedrich, brouillant déjà l'horizon, s'invente dans un genre à part entière, “Le Nocturne”, mis au point par Whistler dans ses somptueuses compositions frôlant l'abstraction, elle défie la révolution électrique et tire profit de la photographie, elle revitalise tous ses mystères dans le foisonnement avant-gardiste, réhabilitant la lune au passage des surréalistes précédant les cosmonautes, avant d'ouvrir enfin à nos yeux contemporains ébahis l'espace infini de visions cosmiques telle que « Nocturne en quatre parties » de Darren Almond.



Le texte d'entrée en matière – de Michaël Foessel, auteur d'un essai sur la nuit en 2018 – laisse deviner un parcours ouvert et prometteur. Les deux promeneurs de dos contemplant le spectacle grandiose d'un soleil couchant (Friedrich) en ouverture, ou le spectateur allongé à la belle étoile de Kiefer, à la fin du parcours, émeuvent pareillement dans leur invitation méditative. Van-Gogh annonce ensuite sans surprise les vertiges d'une progression en trois étapes encadrées chacune par les beaux textes de J. M. Gallais (commissaire de l'exposition) à la suite de celui de Foessel : sensorielle (I - Se perdre dans la nuit), intérieure (II - Les yeux infinis) cosmique (III - de l'intime au cosmos). La mise en page très réussie offre un vrai dialogue entre les oeuvres. Les commentaires jamais ennuyeux, je dirais sobrement inspirés, et leurs fondamentaux instructifs font s'attarder sur des contrastes superbes (Jan Sluijters/Piet Mondrian) ou des mises en regard éloquentes (E. Ruscha/G. Asse), des harmonies lunaires (L. Spiellaert) et des univers d'ombres inoubliables (Steichen, Brassaï), des visions urbaines époustouflantes (Amédée Ozenfant).



Passionnants sont aussi les artistes tous genres confondus face à la nuit. C'est Munch qui anticipe la rencontre surprenante d'un couple en apesanteur ou André Masson qui veut piéger le Soleil ; un Nu étoilé de Picasso ou un musicien qui se fait peintre (Arnold Schönberg). Voyageurs et voyeurs de la nuit scrutant des fenêtres éclairées (E. Hopper ; A. Neel ; J. Stella), noctambules, insomniaques (L. Bourgeois), allumeurs de réverbères (Magritte), interrogent la nuit entre mémoire du jour, silence des ombres et métamorphose des formes. La nuit les capture, les obsède (A. Messager) et les surprend. En grand ou en petit, en ouvrant ou en fermant les yeux, ils la mettent en boîtes et sur toile ; matière, la nuit devient céramique (Bol de nuit, David Nuur, 2018). La nuit se goûte encore à l'unité avec un biscuit en étoile ramené par Raymond Roussel d'un repas chez Camille Flammarion, cadenassé par lui dans une boîte de même taille et même forme, puis retrouvé aux Puces par Georges Bataille pour devenir un fétiche surréaliste ! La nuit capture et se capture.





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Quartier rouge

Une réflexion originale et intéressante sur le plaisir comme élément constituant à part entière de la sphère du politique. Je ne suis pas particulièrement familière des ouvrages de philosophie mais cette plongée dans les idées m’a séduite, parce qu’elle est étroitement liée à nos sociétés contemporaines. Elle a pu ainsi me donner des pistes nouvelles d’interrogation, autant d’occasions de mesurer mes engagements aux nombreux impératifs de changement du monde. L’avant-propos fait entrer de plein pied dans la dimension politique du plaisir à travers ses réalités contrastées dans le contexte des classes sociales ; l’auteur puise ses exemples dans l’histoire et la littérature : la joie affirmée fièrement dans les occupations d’usine et les grèves du front populaire et, sous la plume se Zola, le regard envieux du bourgeois Hennebeau qui surprend dans les fourrés les étreintes à peine cachées des ouvriers. Oui, le plaisir immédiat des corps renvoie à la question de ce qu’il représente dans l’ordre social, à la fois dans le concret du réel et dans l’imaginaire rêvé d’une autre société à construire. L’auteur développe cette idée et recherche leur écho dans les écrits philosophiques qui ont marqué la deuxième moitié du vingtième siècle en France. Il nous propose ainsi d’explorer les écrits de Gilles Deleuze et Michel Foucault mais aussi ceux de Georges Friedmann. Il brosse par souci d’une démonstration par l’absurde, le portrait du « réactionnaire bon vivant » dans son rapport au plaisir et démontre ainsi que la gauche en est fort éloignée, les renoncements de la social-démocratie mis à part. On retiendra l’évocation heureuse de la Commune de Paris et le Manifeste de la Fédération des artistes rédigé par Eugène Pottier, qui évoque le « luxe communal » appliqué loin de toute utopie, à l’éducation gratuite et laïque (bien avant les lois de 1981 et 1905) une éducation « polytechnique » qui abolit l’opposition entre travail manuel, intellectuel et artistique. L’épilogue du livre nous confronte aux défis du temps présent, le plaisir est affirmé comme une donnée incontournable de toute réalité sociale autant que de sa transformation, mai 68 bien sûr est évoqué mais au-delà, les enjeux des révolutions à venir sont cités : renverser la destruction programmée de la planète par la logique du capitalisme, rétablit à gauche la dimension désirable des projets politiques.

Une lecture stimulante.

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Récidive 1938

Je ne sais plus dans quelle émission j’ai découvert il y a quelques semaines le philosophe Michaël Foessel, mais j’ai tout de suite été attiré par le projet sur lequel il s’était appuyé pour écrire son dernier livre : Récidive. 1938.



Cette démarche peut se résumer en quelques mots : relire, en 2018, la presse française de 1938 : la dernière année avant la guerre, l’année des accords de Munich, peut-être l’année de la dernière chance des démocraties face aux régimes fascistes.



" « Populisme », « néolibéralisme », « nationalisme » : les mots se bousculent et pourtant l’insatisfaction demeure. Pour décrire ce qui nous arrive, nous ne manquons pas de savoirs. La crise de la démocratie fait l’objet de diagnostics récurrents. Mais c’est la stupeur qui domine, comme si la nouveauté du présent contribuait encore à accroître l’inquiétude. Et si cette nouveauté tant de fois mise en avant était un obstacle à la compréhension ?



Ce livre décrit la rencontre entre un philosophe inquiet du présent politique et l’année 1938. Tombé presque par hasard sur la presse française de 1938, l’auteur est allé de surprise en surprise. Au-delà de ce qui est bien connu (les accords de Munich et la supposée « faiblesse des démocraties »), il a découvert des faits, mais aussi une langue, une logique et des obsessions étrangement parallèles à ce que nous vivons. L’abandon de la politique de Front populaire, une demande insatiable d’autorité, les appels de plus en plus incantatoires à la démocratie contre la montée des nationalismes, une immense fatigue à l’égard du droit et de la justice : l’auteur a vu dans ce passé une image de notre présent.



Ce livre ne raconte pas l’histoire de l’avant-guerre, il n’entonne pas non plus le couplet attendu du « retour des années 30 ». Il fait le récit d’un trouble : pourquoi 1938 nous éclaire-t-il tant sur 2018 ? Non sur les événements, bien sûr, mais sur une manière de les interpréter systématiquement dans le sens du pire. « Récidive », c’est le nom d’une errance dans un passé que l’auteur croyait clôt. C’est aussi le risque d’une nouvelle défaite. "



Dans son introduction, Michaël Foessel explique tout d’abord sa “rencontre” avec l’année 1938, ce qui l’a motivé ensuite à éplucher la presse française de 1938, sur tout le spectre de l’échiquier politique, de L’Humanité à Je suis partout, sans oublier la presse dite populaire et locale. Il y a notamment ce passage qui explique très bien, me semble-t-il, pourquoi l’auteur a estimé utile l’écriture de ce livre :



" J’ai rencontré 1938, je n’en ai pas fait l’étude. La rencontre suppose une surprise, elle est tout le contraire d’une confirmation. En l’occurrence, la confirmation de mon savoir scolaire sur la période aurait consisté dans la découverte d’un pays amoindri par des querelles intérieures, idéaliste sur les chances du maintien de la paix européenne et soucieux de préserver des règles démocratiques dans un environnement continental de plus en plus hostile. La surprise est venue de ce que je n’ai rien découvert de tout cela. En 1938, j’ai rencontré des logiques, des discours, des urgences économiques ou des pratiques institutionnelles qui m’ont d’abord instruit sur ce que nous vivons aujourd’hui. […]





On devrait donc s’attendre à voir la France passer sans transition de la lumière à l’ombre : d’un régime parlementaire, peut-être faible, mais attaché à ses principes, à un système autoritaire imposé par l’occupant. Or, je n’ai pas vu dans la France de 1938 un pays que son respect des règles parlementaires rendait vulnérable à l’ennemi fasciste. Justement parce que j’étais animé par des inquiétudes sur la démocratie en 2018, j’ai décelé dans la France de 1938 une société qui, sans rien savoir de ce qui l’attendait, avait déjà abdiqué sur l’essentiel. "



Plutôt qu’un récit chronologique, l’auteur s’attache à suivre un plan thématique, il nous parle ainsi tour à tour de questions économiques, sociales, institutionnelles, morales, etc. La lecture et l’analyse de la presse de 1938 par Michaël Foessel montre la nature des débats qui agitaient alors le pays : la politique étrange de la France (apaisement ou confrontation avec l’Allemagne), les relations avec l’URSS, les alliances politiques entre radicaux et les socialistes et communistes ou au contraire avec la droite, la mise en place sans cesse différée d’une retraite pour les “vieux”, la remise en cause des acquis du Front Populaire, et le procès médiatique fait à cette période de progrès social. 1936 est dénoncée en 1938 comme la cause de tous les maux, oubliant au passage les effets de la crise économique de 1929, comme Mai 68 ou les 35 heures sont encore régulièrement posés en bouc-émissaire dans nos débats contemporains, oubliant les crises économiques et financières successives depuis la fin des Trente Glorieuses.



Pourtant, l’auteur ne veut pas se contenter de l’équation 1938 = 2018, attendue et trop simpliste. Ainsi, il ne parle jamais directement, ouvertement, des événements et des personnalités de 2018, laissant le lecteur face à sa propre réflexion à travers des citations de discours et d’articles de 1938. Il est souvent troublant de retrouver dans ces textes de 1938 des préoccupations omniprésentes dans le discours public actuel, ainsi qu’un vocabulaire dont l’usage nous semble pourtant récent. Là où j’ai été plus gêné, c’est quand l’auteur, heureusement en de très rares occasions, paraphrase les écrits et les déclarations de 1938 avec des mots d’aujourd’hui, pour renforcer artificiellement la similitude entre les deux époques.



La thèse proposée par Michaël Foessel et que le lecteur pourra ou non s’approprier, est que la France de 1938 n’était pas la démocratie faible et impuissante face à des régimes autoritaires, telle qu’on l’a longtemps décrite dans nos manuels d’Histoire. Pour l’auteur, cette vision est même trompeuse : serait-ce la démocratie, soupçonnée d’être par nature lente et inefficace, qui serait la cause de la défaite de 1940 ? Au contraire, l’auteur tend à montrer qu’en 1938, la République Française avait déjà commencé le tragique chemin qui l’amenait à n’avoir plus de République que le nom. Selon lui, la dérive autoritaire était déjà en route, et c’est en reniant ses valeurs, en acceptant les termes du débat portés par ses ennemis, que la Troisième République agonisante préparait le terrain du régime de Vichy. Michael Foessel reprend ainsi le terme de « pré-fascisme » employé dans la revue Esprit en 1938, pour qualifier le régime et l’atmosphère politiques de la France de la fin des années 30.



Dans sa conclusion, l’auteur Michaël Foessel prend garde à ne pas tomber dans la facilité : il réfute l’idée que l’histoire se répète, que les années qui ont suivi 1938 préfigurent les années à venir pour nous. Il reconnait toutefois des similitudes entre 1938 et notre époque. Il parle d’analogie, sans laquelle ce livre serait finalement sans objet.



" Une analogie n’est pas une simple ressemblance, mais une égalité des proportions. Elle n’affirme pas que A = B (1938 = 2018), mais que A/B = C/D : il s’agit d’une identité de rapports entre des réalités hétérogènes.



En l’occurrence, l’hypothèse finale de ce livre est que la politique Daladier, faite d’assouplissement économique et de reprise en main autoritaire, est aux régimes totalitaires qu’elle combat ce que les politiques néolibérales menées depuis plus d’une décennie sont au nationalisme autoritaire qui menace de venir dans nombre de pays européens.



A et C sont adoptées comme des politiques alternatives à ce dont elles risquent en réalité de faciliter l’advenue par toute une série de mesures et d’associations d’idées.



Le fait, par exemple, d’avoir introduit dans le « grand débat » la question de l’immigration absente des revendications initiales des « Gilets jaunes » est hautement symbolique. En 1938, déjà, les décrets-lois sur la police des étrangers apparaissaient au milieu d’une avalanche de mesures économiques. Cela crée artificiellement un lien entre les problèmes sociaux et les angoisses identitaires dans le but de flatter une opinion publique supposée intrinsèquement xénophobe. […]



Ce qui ne diffère pas, en revanche, c’est la tentation de déplacer le centre de gravité du conflit : de social et démocratique, il devient identitaire et culturel. Comme le débat sur la politique économique est borné par des a priori gestionnaires, on engage la discussion sur l’insécurité culturelle et l’identité nationale. Des sujets qui présentent l’avantage de n’impliquer aucune ligne budgétaire, mais qui donnent par avance raison aux adversaires de la démocratie que l’on entend combattre. "



Michaël Foessel évoque notamment l’idée dangereuse de combattre les adversaires de la démocratie avec des armes qui, d’abord, ne font que les renforcer, et ensuite, pourront leur servir s’ils parviennent au pouvoir :



" L’analogie entre 1938 et 2018 présente aussi l’intérêt de mettre en garde contre des mesures prises pour défendre la démocratie et qui, dans les faits, risquent de la mettre à terre. […]



Quelles que soient les précautions que l’on peut avoir à l’égard des leçons de l’Histoire, il est utile de se souvenir que, parvenus au pouvoir, les adversaires acharnés de la République se sont appuyés sur l’héritage d’une République délestée de ses défenses démocratiques. "



Je pourrai disserter encore des heures, ou des pages, sur ce livre passionnant et vous livrer les nombreux passages que j’y ai surinés pendant ma lecture. Je vais me contenter de citer la conclusion, parfaite à mes yeux :



" En 1938, rien n’était inéluctable. La lassitude à l’égard de la démocratie s’est transformée en ressentiment seulement lorsque l’on s’est convaincu que cette forme de société était à l’origine du malheur français.



Aujourd’hui, tout est à reprendre. Conquis de haute lutte après la Seconde Guerre mondiale, le consensus européen autour de la démocratie est largement effrité. Certains présentent comme une fête au coût exorbitant un amour pour la liberté et une passion égalitaire qui, en réalité, ont triomphé au cours d’un combat sans merci.



Rien n’oblige, pour autant, à emprunter une nouvelle fois le chemin d’une longue et vaine pénitence pour redonner vie à ces sentiments. "
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Les penseurs de l'intime

Recueil d'entretiens, de débats philosophiques autour du coronavirus mené par Nicolas Truong, journaliste "Le Monde" auprès de moraliste, écrivain, moraliste et philosophe.



Ouvrage qui s'intéresse aussi bien aux affects qu'aux concepts. L'épidémie du covid a entrainé beaucoup de contraintes, d'incertitudes et de bouleversements dans nos vies. Notre santé mentale va mal.

Infectée ou non, des troubles psychologiques sont apparus, une nouvelle inquiétude contemporaine.

La maladie s'est immiscée dans nos vies, dans nos gestes, dans nos habitudes et notre imaginaire.



Permet de mettre des mots sur les maux...

se lit très rapidement, d autant plus qu il y a beaucoup de références philosophiques, qui m ont peu interpellées.

Après chaque entretien, une biographie précise de la personne est donnée, que j'ai trouvé intéressante mais peut être un peu superflue.



Pour finir, je tiens à remercier Babelio et les éditions de l'Aube pour la découverte de ce précieux recueil de cette pandémie.



Et gardons en tête :

"Il n y a rien de plus fatigant qu'une angoisse et rien de plus défatigant qu'une joie"



Faites en sorte, de garder votre joie de vivre, dans ces temps difficiles qui malheureusement est loin d être révolu....

A vos masques!!!! 😷
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Les penseurs de l'intime

"Un concept qui ne s'articule pas à une vérité affective ne vaut rien", disait Spinoza. La dizaine de penseurs de l'intime privilégient les sensibilités comme marqueurs de la pandémie. Celle-ci redécoupe l'univers des affects. Les auteurs tracent la nouvelle géographie de notre for intérieur au départ de ce qu'ils ont vécu en ces temps confus ; ils tirent également les premiers enseignements d'un phénomène inusité.

Le cheminement touche des domaines aussi variés que le couple, l'éthique du soin, la nostalgie, les relations. Le livre est décliné sous la forme de questions et réponses. Une notice détaillée après chaque entretien renseigne sur le parcours et l'orientation de l'interlocuteur sollicité.

C'est un ouvrage précieux qui, sorti à chaud, réussit néanmoins à cerner avec recul les modifications significatives de notre façon d'être, de gouverner et de se projeter dans un avenir incertain.

Précieux !
Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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Récidive 1938

C’est à un petit voyage dans la France de 1938 que nous invite Michaël Foessel avec ce livre paru aux Presses universitaires de France en mars dernier. Philosophe de formation, l’auteur ne prétend aucunement proposer une analyse historique de cette époque. Il s’agit plutôt de nous raconter sa propre découverte de l’année 1938, dont il a été frappé par le grand nombre de similitudes qu’elle partage avec ce que nous vivons actuellement en France. L’auteur met les choses au clair dès le début : il ne s’agit pas d’affirmer ou de démontrer que nous sommes actuellement en train de revivre les années 1930, ni que ce qui s’est passé à l’époque nous pend au nez. Le but est plutôt de tenter de comprendre les phénomènes qui rendent possible que, à quatre-vingt ans d’intervalle, ces deux situations aient autant en commun. Bref, si pour l’auteur 1938 n’équivaut pas à 2018, l’analogie entre les deux époques est frappante (« L’analogie est une manière de mettre en garde contre la récidive, tout en gardant raison. »).



Difficile effectivement, en se penchant d’un peu plus près sur cette époque, de ne pas être frappé par les similitudes entre 1938 et 2018, que ce soit dans le domaine de la politique, de l’économie ou du social. L’auteur résume cela parfaitement dans sa conclusion : c’est un peu comme si l’année 1938 condensait en quelques mois seulement les évolutions que nous voyons actuellement à l’œuvre depuis plus d’une décennie : « radicalisation conservatrice camouflée par une idéologie post partisane ; triomphe des solutions libérales en pleine crise du libéralisme ; perception des procédures démocratiques comme un obstacle à la mise en œuvre d’une politique efficace ; renforcement du pouvoir exécutif ; multiplications des lois sécuritaires ; restrictions dans la politique d’accueil des réfugiés ; stigmatisation d’une minorité religieuse à la faveur d’une « guerre » officiellement déclarée contre ses membres les plus fanatiques. » L’état de la IIIe République des années 30 semble être approximativement le même que celui de notre Ve République, toutes deux prétendant défendre la démocratie contre ses ennemis en empruntant justement leurs armes… et en se montrant du coup de moins en moins démocratiques.



Si l’ouvrage n’est pas historique, il s’attache néanmoins à nous dépeindre les principaux événements de l’époque, certains plus célèbres que d’autres : l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne (mars), le remplacement de Léon Blum par Daladier (avril), la conférence d’Evian (juillet), les accords de Munich (septembre), le vote des pleins pouvoirs à Daladier (octobre)… Tous ces événements, c’est par le biais de la presse de l’époque et de l’analyse qu’elle en propose que l’auteur les découvre et nous les fait découvrir. Grâce aux archives en ligne, Michaël Foessel épluche aussi bien les journaux d’extrême-droite que ceux des modérés (la droite de l’époque), des radicaux (centre gauche ou droite en fonction des périodes) ou des communistes (une partie de la gauche). Certains sont aujourd’hui encore très connus (Marianne, Le Figaro, L’Humanité), tandis que d’autres ont disparu ou ont été oubliés, parfois pour le meilleur (Le Temps, Le Petit Parisien, et bien sûr le nauséabond Je suis partout). Là encore, il est frappant de constater à quel point 1938 fait échos à ce que nous vivons aujourd’hui, notamment dans le domaine du langage et des thèmes traités par la presse et les politiques : il est question de « remettre la France au travail », de lutter contre les « fausses informations » qu’on attribue à des puissances étrangères, ou encore de la nécessité de « flexibiliser » le monde du travail.



L’auteur opte pour une construction thématique plutôt que chronologique, ce qui lui permet de mettre clairement en lumière la succession de renoncements qui se sont opérés au cours de cette année 1938. La défaite de Blum, d’abord, qui se voit refuser par le sénat les moyens pour mettre en place sa politique de sortie du libéralisme. La défaite des partis, ensuite, avec l’effondrement du Front populaire et la radicalisation des autres mouvements (à commencer par les radicaux qui se rapprochent définitivement de la droite). La défaite sociale, aussi, avec la liquidation des acquis de 1936 et la mise en place d’une politique encore plus libérale (alors que le libéralisme est justement en pleine crise). La défaite de la République, encore, avec la montée de l’autoritarisme, le renforcement du pouvoir exécutif (Daladier ne gouverne presque plus que par décret-loi, l’équivalent des ordonnances d’aujourd’hui : l’assemblée n’a plus aucun pouvoir), et surtout la diffusion d’une vision de la démocratie parlementaire comme d’un obstacle à la mise en place d’une politique efficace (trop de lenteur, trop de débats…). Une défaite morale, enfin, avec un durcissement de la politique d’accueil des réfugiés et la promulgation de toute une série de lois sécuritaires qui participent à instaurer un climat hostile et à inciter l’opinion publique à rapprocher problèmes sociaux et angoisses identitaires.



Mis à part dans son avant-propos et sa conclusion, l’auteur s’en tient aux années 1930 et ne parle jamais de la situation politique et économique actuelle : il n’en a pas besoin. Les similitudes entre les deux époques sont tellement criantes qu’évoquer les événements de 1938 suffit à ce que le lecteur fasse immédiatement le lien avec aujourd’hui. Encore une fois, le but n’est pas de dire que l’histoire est amenée à se répéter et que les choses vont se passer de la même manière : ce n’est pas du tout le message de l’auteur. Le propos de l’ouvrage consiste simplement à nous faire remarquer que les deux situations présentent une analogie troublante et qu’il serait intéressant de se pencher sur les phénomènes qui ont rendu ce rapprochement possible à quatre-vingt ans d’écart.
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Les penseurs de l'intime

Un ouvrage reçu dans le cadre de la Masse Critique non-fiction grâce à Babelio et les Éditions de l'Aube que je remercie.

Il s'agit d'entretiens de Nicolas Truong avec dix intellectuels en sciences humaines paru en août 2021, après les confinements, tandis que la pandémie est toujours en cours. L'introduction par Nicolas Truong part du constat que cette crise est révélatrice des forces et des faiblesses des individus aussi bien que des sociétés. Elle a aussi "perturbé le délicat équilibre entre le contact et la distance. " (p. 7)

S'interroger sur le thème de l'intimité est donc judicieux à ce moment de bouleversement.

La forme de l'entretien permet de découvrir ces intellectuels et leurs travaux sous une forme plus légère qu'un essai. En contrepartie, les sujets sont parfois effleurés. Mais cela peut donner envie d'aller lire de plus près ceux de notre choix et d'avoir une idée des thèses de ceux dont on ne lira pas les sommes. Ce sont des historiens, sociologues, philosophes et écrivains dont beaucoup sont contributeurs de la revue "Sensibilités."

Hervé Mazurel, historien des sensations, héritier d'Alain Corbin, défend l'idée, tout comme Thomas Dodman, que les émotions et les sensations ne sont pas seulement des réactions neurologiques mais qu'elles s'inscrivent dans L Histoire et évoluent au cours du temps.

Belinda Cannone, avec une sensibilité d'écrivain, insiste sur le fait que "nous sommes des êtres en relation."

Clémentine Vidal-Naquet le confirme en rappelant que les intimités deviennent soudain visibles en temps de guerre.

Pierre Zaoui, philosophe, évoque le couple dont la pandémie a révélé aussi les failles. Chacun ayant sa théorie et/ou sa pratique du couple, je n'ai pas été d'accord avec toutes ses affirmations, mais chacun s'accordera sur le fait qu'il est impératif de "laisser l'autre respirer"...

Eric Fiat parle de l'angoisse, de la joie et de l'importance du sentiment du "travail bien fait", en particulier dans les métiers du soin. L'expérience contraire est une source de fatigue qui conduit à l'épuisement et au burn-out alors que le travail bien fait est source de fierté et entraîne une "bonne fatigue" qui n'a pas ces effets-là.

Mickaël Foessel traite de l'intime dans sa relation avec la liberté, l'un et l'autre bouleversés par les diverses mesures gouvernementales.

Eva Illouz s'intéresse plus particulièrement aux femmes et à la dimension politique de ce que l'on appelle amour.

Claire Marin, avec nuance, précision et clarté, analyse les changements subis dans nos interactions quotidiennes se faisant de plus en plus "à distance" (enseignement, travail, etc.) et la nécessité que nous avons d'apprendre à "vivre autrement."

Ilaria Gaspari, enfin, qui a tenté de vivre concrètement et tour à tour comme le préconisent les philosophes antiques (épicuriens, stoïciens, cyniques, etc.) évoque le bonheur, à réinventer, encore une fois.

Les biographies de chacun en fin de chapitre sont très intéressantes et donnent des repères et des pistes de lectures. C'est donc un ouvrage qui met des mots et des pensées sur des bouleversements qui feront date dans l Histoire comme dans nos vies, bouleversements que avons tous vécus, sinon subis, sans avoir la possibilité de les analyser avec cette finesse et ces connaissances. Il peut donc nous aider à prendre du recul tout en nous instruisant et devenir plus tard un témoin de ce moment de changements.
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Récidive 1938

Une plongée dans cette année 1938 durant laquelle la France a peu à peu cédé face à la montée des régimes autoritaires fondés sur la haine de l autre et de l étranger. Les mesures économiques et sociales plus axées sur le travail et son exploitation que sur la redistribution des richesses et l intervention de l Etat, la représsion des mouvements contestataires ou encore la stigmatisation de l étranger ont peu à peu flatté cet ennemi intérieur prompt a réapparaître lors de chaque crise économique et sociale majeure et qui en se soumettant au pire, ajoutera la honte à l humiliation de la défaite. Toute ressemblance avec une autre époque plus récente serait fortuite et surtout à proscrire afin d infirmer la formule voulant que l histoire est un éternel recommencement
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Récidive 1938

Je ne sais plus à quelle occasion j'ai découvert cette lecture. Tout ce que je peux dire c'est qu'elle m'a vraiment captivité de bout en bout.

Ça m'a permis de mieux comprendre cette période d'avant guerre que fut l'année 1938.

J'avais peur que la comparaison avec 2018 ne soit trop mise en avant, mais Michael Fœssel est plus subtil que ça.

Il utilise la presse écrite de l'époque, glanée sur Gallica ou Retronews, pour témoigner des divers courants de pensée qui animaient la scène politique d'alors. Il est toujours assez troublant de constater que les thématiques qui opposent les diverses aspirations politiques en 1938

nous parlent encore aujourd'hui.

Le contexte a évidemment changé, Michael Fœssel s'emploie à rappeler que l'histoire ne se répète pas, pourtant les solutions des libéraux face à une crise économique, les thèses nationalistes devant les migrants, les luttes des défenseurs de la démocratie face à l'autoritarisme, les soulèvements populaires et leurs violentes répressions, nous semblent familiers.

Cependant Michael Foessel nous invite davantage à nous interroger sur la récurrence de la rhétorique politicienne .

S'il peut y avoir une analogie à faire entre les deux périodes elle se tient essentiellement dans les discours tenus.

C'est en effet dans la "langue des évènements" , plus que dans les évènements eux mêmes, que les correspondances peuvent s'établir.

Très intéressante immersion dans le langage politique d'hier pour peut-être mieux déchiffrer celui d'aujourd'hui.



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Récidive 1938

L'auteur nous emmène avec lui, un peu de manière naïve, regarder ce que la presse de 1938 disait, comment les gens qui la lisaient pensaient le monde. Il nous guide à travers ces abandons de la démocratie, ces abandons des quelques acquis sociaux que le Front Populaire venait de conclure grâce aux milliers de gens qui étaient entrés en lutte.

Il souligne avec raison les parallèles et les différences qui nous séparent de ces années-là. Nous pouvons être inquiets, mais nous savons aussi ce qu'il faut défendre: les droits et les conditions de vie des populations (émigrés, travailleurs précaires ou pas, retraités...) et contre qui (dogmes financiers, gestions déshumanisées, autoritarisme, racistes, antisémites...). Ce n'est pas en ménageant les opinions "molles" qui tendent toujours vers l'exclusion des plus pauvres et des plus fragiles que l'on évitera le renforcement des inégalités, la précarité, l'exclusion, l'autoritarisme.
Lien : https://www.franceculture.fr..
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Récidive 1938

Ce livre part d'une idée assez originale et intéressante. Revisiter 1938, deux ans avant l'invasion de la France par l'Allemagne. Il essaye de ne pas tenir compte ni qu'il se trouve dans l'année 2018, dans la vraie vie, ni qu'il connaît la suite des événements. Pour cela, il lit la presse de l'époque, dans l'ordre chronologique.



L'année commence en en avril 1938 avec la défaite de Léon Blum et l'ascension de Daladier. Un basculement de la gauche vers la droite qui remet en cause les acquis sociaux et remet dans le devant de la scène. Il faut les considérer juste comme un portrait à un moment donné : l'antisémitisme, le rejet de l'étranger (immigration), la réduction du nombre de fonctionnaires, la France au travail (travailler plus...), la menace au niveau international (à l'époque c'était Hitler), ...



En même temps, on apprends beaucoup sur la presse de l'époque, leurs tendances et surtout la probable domination des titres de droite voir extrême-droite. Fait intéressante est la diffusion de l'hebdomadaire antisémite le plus radical et le plus important de l'époque, le "Je suis partout" où Robert Brasillach déversait sa haine des Juifs - passée de 40.000 en 1939 à 250.000 en 1942 (information trouvé dans Wikipédia).



Dans le postface l'auteur commente un article d'un grand hebdomadaire consacré aux "Nouveaux fanatiques" - "indigénistes", "gauche racialiste", "déboulonneurs de statues", "écriture inclusive" : Cette liste n'évoque, pour l'auteur, aucun des adversaires de la démocratie qu'il a croisé en 1938. Par contre, l'auteur s'intéresse au profil des insurgés du Capitole (janvier 2021). A mon avis personnel, tous ces fanatiques, par leur radicalisation derrière un meneur ou une idéologie, certains dangereux et d'autres moins ou pas, constituent toujours une source d'instabilité et de conflit dans la société.



L'inspiration que j'ai de ce retour en arrière est, en plus du récit de ce livre, est l'actualité brûlante du moment (février/mars 2022). En 1938 l'Allemagne d'Hitler a annexé partie de la Tchécoslovaquie (les Sudètes), sous l'argument des Allemands que la y vivaient. Avec la participation de la France, ces territoires ont été consentis aux Allemands par les Accords de Munich, le 30 septembre 1938. En ce moment, Putin a envahi l'Ukraine pour, soit disant, la protection des pro Russes vivant dans le Donbass.



C'est la première fois que je lis un livre de cet auteur. Et ça me fait plaisir puisqu'il écrit dans un style agréable et accessible aux non-philosophes comme moi. Son idée de revenir dans le temps de façon très méthodique m'a semblé originale. La narration faite dans la première personne (je) m'a semblé très approprié, c'est un conte, et pas égocentrique comme j'ai vu dans d'autres textes.




Lien : http://lecture.jose-marcio.o..
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La nuit

Un essai philosophique sur la nuit et les plaisirs paradoxaux qu’elle fait naître. M. Fœssel parvient à dépeindre les errances nocturnes et l’imprévisibilité des ténèbres avec énormément de génie. Les thèmes abordés sont étudiés minutieusement et les réflexions qui en découlent sont passionnantes.

Grandiose.
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Récidive 1938

1938-2018, même combat ? La comparaison, en histoire, est toujours tentante et toujours dangereuse. Michaël Foessel, qui n’est pas historien, s’y jette, mais avec précaution : il ne s’agit pas de proposer un parallélisme grossier entre deux années dont il est facile de voir qu’elles différent beaucoup. De quoi s’agit-il alors ? De lire les journaux de 1938, activité devenue facile en 2018, pour se plonger dans l’actualité de cette année sans être trop perturbé par ce qui la suit, parce que le piège, bien sûr, ce n’est pas 1938, c’est 1939. 1939-2019, même combat ? Aucune réponse ici. Michaël Foessel se contente, durant la plus grande partie du livre, de décrire cette année 1938, où il voit, en France, s’accumuler les défaites et s’affirmer le retour à l’ordre après la parenthèse du front populaire, accusée de tous les maux. 1938, ce sont les élites qui prennent peur et qui resserrent la vis. 2018, même combat ? Michaël Foessel semble penser un peu qu’en effet… La fête est finie, affirmait-on en 1938. La défête est-elle encore aujourd’hui une fatalité ? Peut-être faut-il empêcher que ce soit aux élites de répondre.
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Récidive 1938

Curieuse idée de comparer 1938 à aujourd'hui.En 1938, il n' y avait pas d' islamistes en France et même très peu de musulmans dans la métropole.Les Juifs étaient encore un peuple sans Etat et la 2de guerre mondiale approchait à grands pas.Donc pasgrand chose à rapporter à notre époque à part la crise de la démocratie à laquelle la France a été confrontée à différentes époques.Le régime de Victor Orban ne peut pas être comparé à une dictature fasciste.Les Français sont plus métissés et mons racistes quedans les années 1930.Comparaison n' est pas raison
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La nuit

Passée au crible de l'analyse de Michael Foessel, la nuit révèle ses enjeux corporels, mais aussi juridiques et phénoménologiques.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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