Michel Colardelle

Le lin ou le chanvre récoltés dans les champs sont mis dans l'eau sur le rivage pour le rouissage qui permet de dégager les fibres textiles du reste de la tige ainsi ramollie. Ces fibres sont ensuite aplaties.
Puis les femmes cardent, garnissent les quenouilles et filent au fuseau. On a retrouvé tous les instruments utilisés pour ces différentes opérations. Les fils sont ensuite tissés pour la fabrication de vêtements et de tentures.
La laine des moutons est elle aussi cardée sur des peignes de bois à solides dents de fer.

Les membres du groupe (entre l'an 1000 et 1040) exercent à la fois des fonctions agricoles, artisanales et militaires. Cette organisation sociale est intermédiaire entre celle de l'époque carolingienne et celle du Moyen-Age féodal. Elle contraste avec le partage classique des fonctions à partir de 1100, c'est-à-dire trois ordres dont les membres ou font la guerre, ou prient, ou bien travaillent.

Les poissons sont abondants dans le lac en l'an mil : truites, perches, gardons, chevaines, brochets, etc. Ils fournissent un appréciable complément de nourriture à l'automne et au printemps. Ces deux saisons sont importantes car elles correspondent respectivement aux mois où les récoltes nouvellement rentrées doivent être gardées pour l'hiver à venir, et à la période de soudure, toujours difficile, quand il ne reste rien de l'année précédente et qu'il faut attendre les récoltes de l'été.

Que deviennent ces chevaliers-paysans ?

Sont-ils allés loin ? Sans doute pas. En effet le terroir continue à être cultivé. D'autre part, c'est à cette époque que sont construites autour du lac les mottes castrales avec fossé, rempart de terre et maison de bois réservée au seigneur.
On peut donc penser que, vers 1040, la population va se partager en deux groupes. Le premier, composé d'une famille dominante et de son proche entourage, va s'établir sur une motte castrale et être ainsi à l'origine d'une seigneurie châtelaine. Le second groupe, qui comprend les artisans et les agriculteurs, va fonder un village à proximité sous l'autorité du seigneur qui occupait la motte.

En ce début de XIe siècle les colons arrivent dans un paysage largement dominé par la forêt. En bordure des marais et du lac poussent des arbres qui aiment l'eau : des saules, des peupliers, des aulnes. On trouve, sur les pentes des collines, des chênes, des charmes, des châtaigniers, des hêtres, dans de petites clairières des noisetiers, et sur les hauteurs des sapins mêlés aux feuillus.
Dès la première année les hommes coupent, écorcent, taillent des piquets, des poteaux, des planches : il leur faut beaucoup de bois et aussi des champs à cultiver. Ainsi plus de 700 gros chênes sont vraisemblablement abattus ; la forêt disparaît sur 14 ha.

Entre 1035 et 1040 le site est abandonné.
Dès 1020 les habitants ont dû subir plusieurs montées des eaux. Les archéologues ont pu constater que la maison la plus proche du lac avait alors été légèrement déplacée. Peut-être espéraient-ils échapper aux inondations ? Mais il était vain de penser pouvoir rester là longtemps puisque, dans les années 1033-1035 le niveau de l'eau continue à monter. Il faut partir !

Entre 1035 et 1040 le site est abandonné. On démonte certainement la partie supérieure des maisons dont on a retrouvé peu de restes, et on emporte tout ce qui est précieux : les gros instruments aratoires, les coffres, les chariots bien remplis. Des outils plus petits, de la vaisselle, des objets variés sont abandonnés et progressivement recouverts par des sédiments lacustres.

Comme dans toute l'Europe à cette époque, les agriculteurs du lac de Paladru pratiquent une polyculture de céréales : seigle, blé, avoine, orge et millets. Les céréales sont complémentées dans l'alimentation par quelques légumineuses : des fèves, des pois et des lentilles. Des restes de pommes, de prunes, de poires, de cerises et même de pêches ont été retrouvés.

Les dépôts analysés dans toutes les maisons montrent que les habitants, quels qu'ils soient, partagent toutes les activités : agriculture, élevage, pêche, artisanat et aussi maniement des armes et équitation.