[SMEP 19] RENCONTRE AVEC MICHEL DRUCKER
Les souvenirs sont des nuages, du moins la plupart d'entre eux. Ils surgissent d'on ne sait où quand on ne s'y attend pas et disparaissent quand on veut en discerner la forme.
Lorsqu’il fut viré en Mai 68, RTL l’engagea immédiatement et Roger continua ses commentaires, transformant le transistor en télévision. Un jour, il eut même ces mots : « Ici Roger Couderc, en direct du stade de Colombes pour le match France-Angleterre comptant pour le Tournoi des Cinq Nations. En première mi-temps, l’équipe de France en bleu. Jouera à droite du transistor. »
- Ici il n'y a pas aucune rivalité entre nous. La rivalité c'est la plaie, dans mon métier comme le vôtre. Si chacun tire la couverture à soi, les conséquences sont pénibles pour le fonctionnement du service, ça pèse sur les résultats, sur les malades, sur nous tous.
Heureusement, nous ne laissons pas prise aux batailles d'égo. Nous travaillons de concert et sans conflits, en passionnés. J'en suis fier parce qu'il n'en est pas ainsi partout........
Je reste profondément attaché au service public parce qu'il est l'unique alternative à cette autre télévision qui ne peut s'adresser aux téléspectateurs qu'en termes de consommateurs. Les patrons des chaînes privées ont un impératif et un seul : faire rentrer la pub, gagner de l'argent. Cette télévision-là n'a aucun état d'âme, chaque soir, il faut faire la caisse.
Sans prétention, des dizaines de téléspectateurs viennent lors de mes dédicaces me parler de ma vie, qu'ils connaissent par cœur, de la leur, que je devine. Comme l'es saltimbanques une fois devenus célèbres, j'aimer être dans le cœur des gens. Recevoir leurs saluts, leur présence chaleureuse. Sans eux, je pourrais avoir l'impression que je suis en bout de course. Biopic, documentaire, senior préféré des seniors, tout cela commence à sentir la fin. Mais j'aime toujours les autres, découvrir leur visage, des fragments de leur existence. Je sens monter en moi cette drogue dure du public, de vouloir retrouver et répondre à leurs attentes. C'est devenu vital pour moi. Je suis content de les voir. (p. 84)
Comment expliquer à quel point quelqu’un peut être à la fois si présent et si absent ?
Franchement, qui peut penser que je me servirais de la maladie de Michel Delpech pour "vendre" mon spectacle ?...Instrumentaliser un ami à l'hôpital, comment peut-on formuler, sans rien savoir, une telle honte ? Même si j'étais cet homme, ce sale type, ai-je besoin de médiatisation ? Certains ne voient même plus, tout à leur désir de mordre et de blesser, qu'ils surenchérissent dans l'abject, pour indigner les braves gens au nom d'une morale, d'une décence dont ils ne font eux-mêmes pas preuve. (pp. 226-227)
À ma surprise, parce qu'on ne s'attend jamais à monter sur un podium, selon le sondage TV Magazine des personnalités les plus emblématiques du petit écran, je suis numéro un devant Léon Zitrone et Jacques Martin. Le premier fut mon maître et j'ai succédé au second dans des conditions périlleuses, le dimanche, voilà dix-sept ans. Guy Lux est quatrième avec "Intervilles", émission mythique où j'accompagnais Léon de temps en temps. Réaction immédiate : des quatre, je suis le seul vivant. (p. 62)
On met des années, des décennies, à se prouver quelque chose, à se sentir à l'abri de l'adversité et, une fois arrivé, on ne pense qu'à sentir battre son cœur (pas trop quand même), avec des crampes d'estomac, comme à vingt-cinq piges. (p. 209)
Les personnes souffrant d'un handicap n'aiment pas se voir. Probablement parce que les miroirs ne leur renvoient plus leur véritable image, de volontaires, de courageux et de grands rêveurs. (p. 53)