(***irrésistibles premières lignes d'un texte que je viens de recevoir d'un éditeur bruxellois/ en partenariat avec Babelio)
J'aurai soixante- soixante-quinze ans dans six mois et vingt- huit nuits.Il me reste à peu près la moitié de mes dents.De quoi mordre encore dans la chair des jours.
Elle
Il m'attend, ce soir, devant le Phenix.On y joue un film avec un acteur qui lui ressemble assez bien, Patrick Chesnais, le même air perdu, paumé, gauche, mais qui a du charme, un certain attrait même et qui donne l'envie de l'aider, de le remettre gentiment sur les rails.Il a déjà progressé depuis la première fois.La tâche n'a pas été facile.Il n'avait envie de rien, de me voir sans plus, de me regarder avec une certaine insistance, de m'écouter plus souvent que de me parler. En réalité, il crevait d'envie qu'il se passe quelque chose, mais sans se mouiller. Il vivotait à sec.
( p.31)
Je veux savoir, je veux vérifier cette theorie qu'un de mes profs m'a apprise: il y a sur terre au moins une personne qui vous ressemble, cherchez- la !
Tout doit être fait, de l'insignifiant au suprême. Du rassurant au sacrifice.Il serait si simple d'ajouter à la liste une petite tâche administrative, une brocante de quartier à fréquenter, un pot de couleur jaune pour rafraichir le hall d'entrée, une chose à faire (...)
En additionnant le tout, on parvient à s'en sortir ou à rentrer dans le rang.
( p.68)
Il fait brillant juillet ce matin- là, dans le ciel et ils ont décidé de sortir plus longtemps qu'à l'ordinaire. C'est lui qui a choisi l'itinéraire.Elle le laisse souvent faire, car elle a constaté qu'il a mis le nez un peu partout et qu'il est instruit jusqu'à la corde.Comment pouvait l'être jadis un promeneur solitaire à la manière du Rousseau errant.
( p.115)
- Tu as dû sentir, Frédéric, que je n'étais pas là pour refaire ma vie.M' en débarrasser n'était pas la meilleure solution non plus.
Il fallait trouver quelque chose comme une pause, un entracte, plus consistant toutefois que la pièce elle-même. Rencontrer quelqu'un, un peu troué comme moi, vidé de tout sauf de l'arrière- goût de la vie.(...)
Qui n'a pas , cachés dans un herbier, des pétales de tendresse cueillis dans son jardin ? Sans quoi, tu crèves plus tard comme une pomme véreuse. Tu es tout noir à l'intérieur, vidé de ton jus.Pour tenir, il faut que tu aies gardé le goût, la trace, même minuscule, d'un atome de temps plein.
-Au fond, tu es un misanthrope fréquentable, mais très peu fréquenté, une espèce d'ursidé bien léché.
( p.121)
Libre, je le serai toujours, mais en me séparant de mes liens.Est-ce cela la véritable délivrance ? Je devrais essayer la liberté comme on cherche à comprendre la mer, éternellement vivante et toujours revenue.
( p.51)
- Si je me mets à écrire, c'est que je m'arrêterai de bouger, de faire quelque chose, d'important ou pas.C'est peut-être le seul moyen d'être vraiment au courant de ce que l'on a dans la tête, s'asseoir, penser aux mots qu'on va mettre sur soi ou sur n'importe quoi, un peu comme si je devais régler un objectif.
La recette est bonne, ils sont contents d'être là, ensemble, sous le regard nourricier de l'hôte. Les autres clients sont gais et discrets, l'église sonne l'heure d'être bien, quelque part, dans un coin de l'univers.
( p.106)
Un homme qui ment est encore plus transparent, tu ne crois pas ?