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Citation de enkidu_


On tente encore de faire de l’Algérie une ancienne colonie turque. Mais le doulatli et l’odjak algériens, depuis le début du XVIIIe siècle, ne dépendaient pas plus de la Porte que l’empereur germanique ne dépendait du pape. Le doulatli était partout reconnu comme souverain. En réalité, les Turcs étaient les « portiers » de l’Algérie – et les moins coûteux qu’il se pût trouver. On oublie trop que les Algériens, voisins des Espagnols, furent pendant des siècles obsédés par l’angoisse de subir le sort des Guanches et des Caraïbes. Ximenes, le cardinal d’Espagne, leur en avait donné un avant-goût en 1509, lors de la prise d’Oran : il y fit brûler et égorger les Maures par milliers, pendant qu’il se recueillait en son oratoire, remerciant le Seigneur des Armées de ce triomphe de la Croix sur le Croissant. Le célèbre Cortez, l’ange exterminateur des Indiens d’Amérique, était un des chefs de l’armée d’invasion que Charles Quint lança contre Alger trente ans plus tard. C’est pour ce se protéger contre cette effroyable menace que les Maures, qui n’avaient pas oublié les horreurs de la Reconquista, firent appel à la marine turque. Ils n’étaient pas marins et l’étendue de leurs côtes les ouvrait sans défense aux incursions maritimes.

En 1572, devant une nouvelle menace, ils demandèrent au roi de France Charles IX de les « recevoir en sa protection ». Charles IX décida de leur renvoyer son frère, le duc d’Anjou, et lui manda des instructions tout à fait pertinentes : « … qu’il ne leur soit fait aucun déplaisir en leurs mosquées et religieuses, ni en leurs personnes et biens. » Parlant du doulatli de l’époque, « il faut, ajoute-t-il, une fois la menace espagnole écartée, protester de lui rendre son pays » – et « le gracieusement traiter » pour pouvoir se retirer sans dommage, « dextrement »… « comme il est bien mal aisé qu’autrement il se puisse faire, vu l’insolence de l’homme de guerre français, lequel se rend insupportable en pays de conquête. » Finalement, les Algériens hésitèrent, les Turcs aussi. Le projet n’alla guère plus loin. Quelques mois plus tard, le duc d’Anjou poussait le roi au massacre de la Saint-Barthélémy, montrant que sa foi était tout aussi « ardente » que celle du cardinal d’Espagne. « Cette calamité du XVIe siècle », que les Algériens redoutaient tant de l’Espagne, devait, deux siècles et demi plus tard, leur venir de ceux que, jusque-là, ils tenaient pour leurs meilleurs amis parmi les Chrétiens, et qu’ils avaient sauvés de la famine aux temps de la République. (pp. 141-143)
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