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Critiques de Michel Houellebecq (2562)
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Sérotonine

Bienvenue en Houellebecquie !

Dès les premières pages, tu y es, retrouvant comme un vieil ami un nouvel avatar du héros houellebecquien, un mâle blanc fatigué, dépressif, le phallus en berne. Sans surprise. Juste que cette fois, le narrateur a un prénom absurde ( Florent-Claude ), qu'il est ingénieur agronome ( comme Houellebecq ) et que dès les premières pages, tu ne pressens pas, tu sais que c'est un homme en plein délitement, un homme en chute dont la fin est imminente, ce qui donne tout son sel à la causticité du titre : la sérotonine cette « hormone du bonheur », délivrée par le Captorix, l'antidépresseur dont ne peut se passer le Florent-Claude mais dont les effets sur la libido sont dévastateurs.



On n'a jamais assez dit à quel point la prose de Houellebecq est drôle, et là, c'est clairement son roman le plus drôle. Le livre est parsemé de saillies drolatiques, violentes, provocatrices ( on connait le goût de Houellebecq pour le politiquement incorrect et même si parfois c'est gratuit, cette mauvaise foi hérissante fait du bien même si on n'en partage point les vues ), emplies d'ironie noire, qui font presque systématiquement mouche grâce un style d'une maitrise très efficace : beaucoup de phrases ou de paragraphes changent de registre de langue ou d'échelle en cours de lecture, commençant par exemple dans un lyrisme très travaillé pour s'achever dans du trivial, du grossier, du très humain terre-à-terre.



Tu avances donc comme dans un thriller très addictif ( tu veux savoir comment Florent-Claude ne s'en sort pas ) , brillant de drôlerie mais Houellebecq ne fait pas que dans la radiographie cynique d'un homme qui chute en mode « moi, ma bite, ma dépression, mon Captorix ».



Sans parler d'oracle ou de prophétie comme on l'entend souvent à propos de Houellebecq, la saisie du contemporain est d'une rare acuité. Incroyables cinquante dernières pages qui mettent en scène la révolte des abandonnés, non pas les gilets jaunes, mais leurs frères jumeaux, les agriculteurs, qui affrontent violemment les CRS. Le livre est complètement au diapason du malaise qui saisit la France ( mais écrit bien avant l'explosion Gilets jaunes ), de la désespérance paysanne, un livre politique donc qui tire à boulets rouges sur l'ultra-libéralisme et la complicité de l'Union européenne qui l'accompagne, avec une empathie totale à l'égard des agriculteurs ( magnifique personnage du meilleur ami du narrateur, Aymeric ).



Mais ce qui est le plus nouveau, c'est le romantisme désespéré qui court durant tout le roman. Vrai que le premier personnage féminin évoqué ( Yuzu la dernière compagne japonaise ) est gratiné, grotesque ( très drôle, forcément très drôle ), que le deuxième ( Claire, l'intermittente du spectacle ) est triste à pleurer, mais celui de Camille, le grand amour perdu, est d'une épure superbe, loin de la misogynie souvent affichée par l'auteur. Camille revient dans le récit comme une obsession à laquelle se raccrocher pour peut-être pouvoir vivre ; elle traverse les chapitres comme le souvenir du paradis perdu, un souvenir qui fait du bien mais qui fait tout aussi mal lorsqu'on ne peut le vivre à nouveau.



" J'ai connu le bonheur, je sais ce que c'est, je peux en parler avec compétence, et je connais aussi sa fin, ce qui s'ensuit habituellement. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé comme disait l'autre, ( ... ) la vérité est qu'un seul être vous manque et tout est mort, le monde est mort et l'on est soi-même mort, ou bien transformé en figurine de céramique, et les autres aussi sont des figurines de céramique, isolant parfait des points de vue thermique et électrique, alors plus rien absolument ne peut vous atteindre hormis les souffrances internes, issues du délitement de votre corps indépendant."



J'ai refermé ce livre bouleversée par ce romantisme noir que je n'avais jamais rencontré dans les romans de Michel Houellebecq, uniquement dans ses sublimes poésies. Un grand roman sombre et poignant.



« Lorsqu'il faudra quitter ce monde

Fais que ce soit en ta présence

Fais qu'en mes ultimes secondes

Je te regarde avec confiance

Tendre animal aux seins troublants

Que je tiens au creux de mes paumes ;

Je ferme les yeux : ton corps blanc

Est la limite du royaume. »

Michel Houellebecq, Configuration du dernier rivage, « HMT III ».
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Soumission

Il est de bon ton de critiquer le dernier Houellebecq.

Les fans des Particules élémentaires y voient une œuvre mineure, annonciatrice de l'inéluctable déclin du grand homme ; les contempteurs du prix Goncourt, un énième ressassement de sa veulerie beauf.



Je ne crierai pas avec les loups. Pour trois raisons.



1. Le style. Houellebecq écrit bien. Fichtrement bien. Avec l'air de ne pas y toucher. Et pourtant avec un perfectionnisme qui force d'autant plus l'admiration qu'il a l'humilité de ne pas se laisser voir. Loin de la prose prétentieuse d'Ono-dit-Biot ou de la simplicité rêche de Toussaint, Houellebecq nous offre un vrai plaisir de lecture. Son cynisme lui évite la morgue ou le didactisme. La profondeur de ses références - et je me fiche qu'elles aient été pompées sur Wikipédia dès lors qu'elles sont articulées avec intelligence - lui fait échapper à la superficialité.



2. Le sujet. Houellebecq a le don de disséquer notre société. D'appuyer là où ça fait mal. Il raconte comment la victoire au second tour de l'élection présidentielle d'un Musulman modéré face à Marine Le Pen entraîne l'islamisation bon enfant de la France. Pour autant, Houellebecq n'est ni Nostradamus ni Éric Zemmour. Son roman est une fiction et peu importe qu'elle se réalise ou pas (reproche-t-on à Orwell que 1984 ne ressemble pas à son "1984" ?)



3. Le titre. Comme on le sait déjà, le héros du roman est un Sorbonnard dépressif, spécialiste de J.-K. Huysmans, qui se convertit lentement aux valeurs du nouveau régime. Pourtant, quand on referme le livre, on est pris d'un doute : s'agit-il d'une prophétie amère et pessimiste ? ou au contraire d'un appel à l'insoumission comme le titre du livre, qu'il faudrait lire en creux, nous y exhorte ?
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Soumission

Commençons 2015 en beauté, par ce qui s’annonce déjà comme son roman le plus controversé. Plein d’énergie en ce début d’année, je m’étais fixé une contrainte supplémentaire, un peu audacieuse, à savoir me forger un avis sur ce livre uniquement APRES l’avoir lu. Et au vu des chefs d’accusation qui m’attendaient quelle que soit ma position, ce n’était pas forcément chose facile.



Le récit s’articule autour d’un professeur d’université, spécialisé dans l’œuvre d’Huysmans, qui nous raconte sa vision des bouleversements politiques en France. Après le deuxième mandat de François Hollande, les partis traditionnels ont définitivement perdus la confiance des électeurs. Le second tour met en scène le Front National de Marine Le Pen et la Fraternité Musulmane de Mohammed Ben Abbes. Après une campagne acharnée, c’est ce dernier qui l’emporte grâce au soutien du « front républicain ». Les premiers changements se mettent en place : islamisation de l’éducation, légalisation de la polygamie, etc.



Ce roman est, à bien y réfléchir, la suite logique de La carte et le territoire. Dans ce dernier livre, la France avait renoncé à toute ambition sur la scène internationale et se contentait de vendre son patrimoine culturel aux riches touristes étrangers. Dans Soumission, elle a pleinement assimilé le fait qu’elle n’a plus rien à offrir à personne et que ses idéaux ne sont plus que des coquilles vides. N’importe quel système de valeur un peu sûr de soi peut les pousser du pied pour prendre leur place. Ben Abbes est d’ailleurs décrit comme le seul homme politique français à avoir une vision claire, et ambitieuse, de l’avenir qu’il souhaite pour son pays. Les valeurs fortes, qui rassemblent, viennent de l’extérieur ; la France n’a plus les moyens d’en produire.



Si la campagne électorale a mené le pays au bord de la guerre civile, une fois le dénouement connu, c’est plutôt le calme qui règne. Les changements culturels s’effectuent dans l’apathie la plus totale. Comme si, finalement, on était bien content que la farce s’arrête enfin, et soulagé de pouvoir s’installer douillettement dans un système qui a au moins le mérite de savoir où il veut aller. L’élite intellectuelle du pays abandonne toute velléité de critique, et se contente de profiter des avantages que lui offre le nouveau régime. La polygamie, notamment, permet de régler le problème de la misère sexuelle de l’homme moderne, autre thème cher à Houellebecq.



Le narrateur tentera bien un retour aux sources, tout comme son compagnon de route Huysmans, qui s’était (re)converti au catholicisme à la fin de sa vie : visite du petit village historique de Martel, séjour dans le monastère qui a accueilli Huysmans, pèlerinage à Rocamadour, mais la machine semble définitivement grippée.



Houellebecq nous livre comme à son habitude un nouveau roman terriblement pessimiste. Sa description d’une société en pleine décadence se retrouve renforcée par les références à Huysmans. L’ensemble est teinté d’un humour parfois assez grinçant, mais terriblement jouissif.



J’ai un peu de mal à comprendre les polémiques autour de ce livre, qui me semblent à côté de la plaque. Mettons ça sur le compte des fêtes de fin d’années qui ont poussé des rédactions en sous-effectif à recycler quelques articles écrits auparavant. L’islam politique n’est pas présenté comme une invasion sournoise et cachée ; c’est simplement la seule force vivante du pays qui subsiste après l’effondrement de toutes les autres.



Si vous appréciez Houellebecq, laissez-vous tenter par ce livre, qui me semble être une bonne cuvée. Dans le cas contraire, il ne vous réconciliera pas avec l’auteur qui développe à nouveau ses thématiques habituelles.
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Anéantir

Toujours cynique, souvent caustique, Paul Raison promène sa dépression dans les longs couloirs déshumanisés du Ministère des Finances français.

Son mariage est au point mort, et seule sa relation de confiance avec le ministre semble le raccrocher encore à un semblant d'humanité.

Alors que des attentats numériques d'une portée internationale menace l'équilibre du monde, le président réélu en 2022 ne peut se représenter après un deuxième mandat. Bruno Juge, le ministre des Finances, semble être le mieux placé pour lui succéder.

Nous sommes en 2027. Bienvenue dans le nouveau roman de Michel Houellebecq.



Peut-être son livre le plus accessible, avec un personnage plus humain que jamais. Car derrière la mise en scène du bourgeois occidental désabusé - mais lucide - se cache une profonde réflexion sur la condition humaine.

Comment vieillir, mourir et éviter de s'anéantir ?



Le monde est au bord du gouffre, mais face au vide civilisationnel se reflète aussi un néant existentiel.

Le vide fascine. Sur quelle île de compassion se réfugier pour éviter de tomber dedans ?

La famille, la foi, l'engagement, la spiritualité, et l'amour toujours. L'amour et la passion. Comment résister à l'anéantissement définitif ?



Cela aurait pu s'appeler "Affronter", ça s'appelle "Anéantir" et c'est un livre plus positif qu'il n'y paraît.

À lire pour découvrir cet auteur controversé. À lire aussi en se moquant du nom sur la couverture, car c'est sans conteste un grand roman de cette rentrée.
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La carte et le territoire

Salut Michel ,



J'espère que tu ne m'en voudras pas d'écrire une "bafouille" plus perso qu'une critique , mais avec 205 avis sur babélio + une carrière internationale , je pense que tu n'es plus à ça près...



D'autant que j'ai un truc à te demander...Euh, comment dire, c'est pour mon fils ...

Vu que cette année , "il/Nous" passons le bac de français .

[Je dis : "il/ nous" parce que vois-tu ,psychologiquement je le passe aussi , même que c'est pas la première fois ... Tous les parents me comprendront...Tu as des enfants Michel ?]



Et "mon fils/ Ma bataille ", a 4 textes signés par ton auguste personne , au programme de son oral . Avec comme thèmes: La création, les relations père/fils, les putes thaïlandaise etc...

[Euh, ... Et c'est là , que je m'interroge sur la pertinence des programmes de l'éducation nationale... ]

Mais, bon, je ne t'en veux pas Michel, parce que tu as réussi à faire lire mon fils ; lui qui a un mur entier de mangas dans sa chambre , lui qui ne connait que HP, "Le Seigneur des anneaux" et "Game of thrones".

Et bien ,non seulement il a lu "La Carte..." ,mais il le relit . Et sur sa table de nuit "dorment" , "La possibilité d'une île "et "Les particules élémentaires" .

[ Moi, je dis que tu es en train de devenir une idole des jeunes ", Michel...]

Mais bon , te réjouis pas trop vite... , c'est pas gagné pour son oral...



Extrait d'un dialogue entre "mon-fils/qu'il-est-beau" et moi:

MOi : Ah , tu lis Houellebecq ?

LUI : C'est pour le bac [ sous-entendu: hey, ça va , t'enflammes pas , j'vais pas faire l'ENS !]

MOI: Et t'en penses quoi?

LUI: En vrai, c'est pas mal , c'est marrant .

MOI: (!!!) Tu peux développer?

LUI: Je pense que j'aimerai mieux quand j'aurai trente ans , là y'a pleins de trucs qui m'passent à coté et puis il est trop pessimiste, en vrai .



Voilà.Tu comprends pourquoi je m'inquiète , (en vrai! LOL)... .

Alors si tu te demandes pourquoi, je t'écris à toi et pas aux 15 autres auteurs qui font partie de sa liste au programme , et bien c'est parce qu'ils sont tous morts !!!

Alors voilà , si tu pouvais faire quelque chose pour mon fils, genre une photo dédicacée qu'il pourrait donner à l'examinateur (!!) , ou faire une apparition divine dans la salle n°xxx du Bât xxx, dés fois que tu sois l'idole de l'agrégé(e) qui "auditionnera" mon fils dans quelques jours...

Je sais pas moi, c'est toi qui a de l'imagination...

Dans quelques jours , "demain à l'heure où blanchit la campagne , il partira , vois-tu "il sait ce qui l'attend... Il s'en ira seul ," les poings dans ses poches crevées" , il tombera sur toi ...ou pas !

Mais en attendant je te remercie du fond du coeur , parce que faire lire un ado par les temps qui courent , c'est pas facile... Tu peux demander aux autres parents .



PS: Spéciale dédicace à tous ceux dont les gamins passent le bac ( et autres examens ou concours) .

[Ça passe vite, hein?..]



RE -PS: Au cas Michel , où tu aurais l'idée d'écrire un roman sur une lectrice un peu barge , comme Delphine de Vigan , moi c'est C et pas L .

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Sérotonine

Les effets secondaires du bonheur



Dans une France qui détruit ses campagnes et délaisse ses classes moyennes, le portrait sans concession d'un homme au bord de l'explosion sentimentale et sociale



Florent-Claude Labrouste est « une inconsistante lopette de 46 ans ». C'est ainsi que le héros du nouveau roman de Michel Houellebecq se considère. Un « quadragénaire fourbu », un « loser », un « raté » : les qualificatifs ne manquent pas pour désigner ce cadre moyen déprimé, figure tutélaire des romans de l'auteur.



Repoussant tout acte ou décision conflictuel, incapable de prendre sa vie en main, Florent, comme certains l'appellent, ne trouve refuge que dans l'ingestion d'houmous, et la prise d'un médicament : le Captorix.



« C'est un comprimé blanc, ovale, sécable ». Antidépresseur fictif, ce remède a pour effet de la libérer de la sérotonine – l'hormone du bonheur – dans le corps, plus rapidement et plus efficacement que n'importe quel autre traitement équivalent. Mais celui-ci comporte des effets secondaires dont le principal est d'entraîner la perte de la libido et l'impuissance sexuelle. Seule solution pour lui d'arriver à « maintenir le désespoir à un niveau acceptable » et de tenter d'endurer « l'insupportable vacuité des jours ».



Éviter de se tuer, car ce n'est pas la mort qui l'attire, mais il ne peut plus continuer ainsi. Entre une compagne qu'il méprise, du fait de sa cupidité et qui le trompe éhontément sans des gangs-bangs humains (mais aussi canins), et un poste d'ingénieur agronome au ministère de l'Agriculture dont la vacuité n'a d'égale que la rémunération, son premier réflexe, avant de prendre le médicament, est de disparaître. Il ne veut pas mourir. Il préfère partir.



S'échapper de sa propre condition d'homme blessé, fuir son impuissance morale à affronter la vie en société. Quitter une société impuissante à l'intégrer, mais aussi elle-même incapable de moralité.



La sérotonine est une hormone liée à l'estime de soi, à sa reconnaissance au sein du groupe. Un groupe qui ne reconnaît pas Florent-Claude Labrouste, dans une société qu'il ne reconnaît plus lui-même.



Ainsi, son seul ami Aymeric, éleveur de vaches normandes et laitières, personnage fascinant d'aristocrate-paysan ayant fait le choix d'une agriculture durable et raisonnée, connaît une situation économique affligeante. La paysannerie est finie. le constat est sans appel. L'industrialisation et le productivisme du néo-libéralisme envahit tous les secteurs, au mépris des règles de bon sens ou de santé collectives. Les accords de libre-échange tuent les producteurs locaux, au sens propre comme au figuré. C'était une idée qu'il peinait à concevoir dans son ancien bureau du ministère, qui deviendra évidente dans la réalité. Un constat amer sur notre société.

Toute cette partie sociale est remarquable, car l'auteur adopte ici un autre rythme. Son style bien connu fait de réflexions cyniques et sarcastiques, et parfois de diatribes provocatrices, se fait ici plus épuré et littéraire. Son constat est froid, rude et désincarné, mettant souvent le lecteur à distance comme pour l'en extraire. Il compose alors une sorte de poésie tragique dans « une société globalement inhumaine et merdique ».



Mais ces observations acerbes sur la moralité de la société n'arrangent pas le moral de notre héros déprimé. L'impuissance de la société ne peut faire qu'échos à la sienne, en tant qu'être humain, mais aussi en tant qu'homme sexué.



La décadence du mâle blanc occidental de classe moyenne supérieure, personnage de prédilection de l'univers houellebecquien est donc ici représenté par Florent-Claude Labrouste. Mais si sa déchéance, sa « déréliction », comme l'auteur le précise, c'est-à-dire, son abandon, son désespoir paraît ici sans fond, à quoi pourrait donc servir le Captorix, ce médicament qui diffuse la sérotonine de façon révolutionnaire.



« C'est un comprimé blanc, ovale, sécable », comme nous le décrit l'auteur dès la première phrase de son roman. Une phrase scandée qui reste gravée jusqu'aux derniers mots. Mais si cet antidépresseur est « une drogue simple et dure, qui n'apporte aucune joie, qui se définit entièrement par le manque, et par la cessation du manque », il crée un autre manque. L'absence de désir qu'il entraîne n'arrange pas le désir de vivre de notre héros. Florent voudrait maintenant « bander comme un mammifère » et retrouver son « phallus triomphant ». Jusqu'à en devenir une obsession. Et même si, pour lui, « tous les hommes souhaitent des filles fraîches, écologiques et triolistes », quand il n'y a plus d'espoir et qu‘il s'agit de faire le bilan, les regrets prennent des atours de chagrin d'amour sincère et profond.



Car à quoi peut donc bien servir la sérotonine ? C'est quoi le bonheur, finalement ? Si Florent attend qu'une femme vienne « sauver sa bite, son être et son âme », « les promesses du bonheur » prennent les traits d'un seul visage : Camille, son seul et grand amour, catalyse au fond toutes ses pensées, et le souvenir de ses parents morts ensemble dans l'amour ne cesse de le hanter.

Cynique, vulgaire et drôle tellement il est excessif, Sérotonine explore les limites d'un monde fini d'individus désespérés dans une société qui écrase. Ce roman des « espérances déçues » est aussi un grand roman d'amour.



Lu en janvier 2019.



Ma chronique complète Les conseils des libraires/Fnac.com :
Lien : https://www.fnac.com/Seroton..
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Anéantir

Décrépitude des corps mais pas des sentiments.

J’ai mis du temps à digérer le dernier Houellebecq avant de pouvoir gratter ces quelques lignes. Il faut dire qu’avec ses 730 pages dans un format de pavé cartonné inédit qui se veut éternel alors que le récit flirte avec le sapin, autant oublier la résolution de mettre sa bibliothèque au régime.

Si je m’étais lancé dans ce billet tête baissée dès la dernière page tournée, le verdict n’aurait pas brillé par sa nuance : roman inabouti, thriller en panne sèche à mi-parcours, record olympique de répétitions, provocateur en mal de polémiques... Le bouquin prenait perpette et finissait dans une boîte à livres entre un vieil annuaire et un Sulitzer écorné (avez-vous remarqué que les boîtes à livres sont souvent des cimetières d’anciennes gloires éphémères ?). J’ai retenu mes mots de doberman en laisse car j’avais conscience que mon ressenti restait trop à la surface de l’histoire. J'ai souvent le cerveau qui flotte.

Avec davantage de recul, ma déception s’est muée en admiration. Oui, j’ai les convictions qui varient autant que celles d’un électeur entre deux scrutins. Alors, pourquoi ce retournement de pyjama (j’enlève ma veste pour lire dans mon lit) ?

J’ai d’abord compris que Houellebecq s’amuse quand il écrit et qu'il ne s'interdit aucune liberté. "La Possibilité d'une île", roman qui m'avait décu au moment de sa sortie, relevait selon moi de la même démarche. Ici, si son histoire d’étranges attentats et de campagne présidentielle dans les pas d’un clone de Bruno Lemaire s’efface peu à peu pour devenir un simple décor en carton, ce n'est pas parce que l'auteur était dans une impasse romanesque mais parce qu'il souhaitait passer ainsi d'un moment collectif un peu artificiel à la vraie vie.

La seconde partie du roman, la meilleure à mon goût, laisse donc les personnages fuguer de l'histoire. Il n' y a rien d'innocent dans ce changement de cap. Chacun est plus concerné par les affres de son quotidien que par les grandes affaires du monde. Et quand la maladie, la mort et l’amour s’invitent dans l’existence, l’actualité passe au second plan. Traduire cela par une bifurcation de genre au cours du récit est assez bluffant.

Ces épreuves vont raviver la flamme d’un couple d’énarques qui ne partageaient plus qu'un appartement et quelques politesses par consentement mutuel. L’AVC d’un père va réunir une famille qui s’était perdue de vue. Entre une sœur dévouée et guidée par Dieu, un frère sous le joug d’une harpie prête à tout, un père au passé mystérieux et un ministre habité par sa mission, le romancier s’écarte de son personnage habituel revenu de tout pour aller nulle part.

Il s'humanise le Michel, fait de la maladie et de la mort, l’occasion d’oublier les vieilles rancunes, de chasser les regrets et de consacrer les derniers moments de la vie à l’affection des siens. De Huysmans à Saint Augustin !

Comme on est chez Houellebecq, le naturel revient souvent comme un canasson emballé, la prose reste urticante. Il n’épargne au lecteur aucun détail dans les parcours de soin, c'est chimio vue d'IRM, et il prend plaisir à choquer son monde par des scènes de sexes qui s'affranchissent des limites. La politique ne sort pas non plus vraiment grandie de cette histoire qui voit un ancien animateur télé briguer en favori la présidentielle au royaume des apparences. J'ai déjà vu cela quelque part peut-être...

Avec ce romancier clivant et agaçant à souhait, je continue à penser que l’époque a trouvé sa plume.

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Sérotonine

I.



On est dimanche. La fête de l'Épiphanie : lointain écho judéo-chrétien parlant encore à une minorité déclinante. Ce matin, Samuel et Lise sont venus m'inviter à goûter leur galette vers les 16 heures – l'heure des enfants, pensais-je. Il se peut que je sois déjà arrivé à l'âge quand on recommence, sur la pente descendante, à vivre d'après les horaires enfantins. Je contemplai le visage de Lise ayant gardé un certain charme, celui qui m'avait ému il y a plus d'une décennie, à l'époque de notre courte liaison. Je l'imaginai une fois de plus s'adonner à des gestes tendres envers son Samuel, le prendre dans sa bouche et s'allonger ensuite, rassasiée, à côté de lui ; elle devait en être probablement capable, depuis leurs vingt ans de vie commune, mais je trouvai ce tableau résolument quelconque sinon aussi triste que ce gris dimanche de 6 janvier. A vrai dire, le souvenir le plus prégnant que je garde d'elle, ce sont surtout les deux taches de sang, deux taches rieuses me signifiant violemment sa fertilité, laissées sur mes draps à la fin d'une soirée quand elle avait ses règles. Alors que je sortais ma bite ensanglantée de sa chatte encore jeune, avec un ressenti bien ambigu (qui aime voir sa bite en sang ?), elle rigolait comme d'une bonne farce.



Et puis, je réalisai qu'ils étaient passés, les deux, à un « mode de vie plus sain » et qu'ils ne fumaient plus, or la perspective d'un goûter sans clope ne put qu'amplifier la nausée qui s'emparait de moi depuis quelques jours. J'émis donc un grognement d'excuse pour décliner doucement leur invitation en calculant qu'une pizza, un calvados et la télé sans son, me permettant de superposer parfaitement les grimaces des leaders de la République en marche et de la France insoumise, qui dégageaient indistinctement, tous, une impression d'énergie presque insupportable, allaient me composer un après-midi plus adéquat.



***



…tout ça pour dire qu'on peut facilement écrire comme Houellebecq d'aujourd'hui.

On le lit par attachement, et par l'espoir de se sentir encore et encore frémir sur ses pages d'une noirceur jouissive, mais on n'attend plus grand-chose, et l'on sait à l'avance ce que chacun de ses bouquins nous donnera à lire : la description méticuleuse (parfois d'une banalité insoutenable, scandée par des tics et des poses usées) d'un personnage typé : blanc, européen, d'âge moyen, engagé sur une pente descendante, avançant parmi les décombres d'une civilisation mourante ; un mâle névrosé, déprimé, bloqué dans ses souvenirs et sa solitude, se remémorant les petits bouts de bonheur qu'il a connus et n'a pas su retenir. Il arrive, au mieux, à nous arracher quelques éclats de rire quand il veut passer à l'action, s'embourbant dans ses propres allégations procrastinatrices et dans la contemplation mélancolique-cabotine de ses multiples impuissances dissoutes dans une société dévitalisée.

L'intrigue est brouillonne, le rythme essoufflé (mais, somme toute faite, incontestablement mieux conduit que dans « Soumission »), et l'ange damné du livre (Aymeric, l'aristocrate improbable devenu fermier), peine à soutirer notre empathie, dans un drame rural mélangeant la Confédération paysanne et les CRS.



C'est peu.

C'est peu malgré ces quelques figures féminines (Kate, Claire, mais surtout Camille) qui, comme d'habitude, demeurent dans la biographie du personnage et dans notre mémoire comme des créatures évanescentes et lumineuses, faisant don de leur corps et de leur âme, et mettant l'homme – pour un court instant, hélas ! – à l'abri de lui-même, responsables, dans l'économie du roman, d'un petit souffle romantique.

Encensé avec une générosité excessive par l'establishment de la critique, bénéficiant d'une promotion balayant toutes les autres sorties du janvier, « Sérotonine » confirme que depuis « Soumission », Houellebecq est entré en hibernation, tel un ours suçant sa patte. Puisant incessamment dans la graisse qui donnait chair à ses romans d'antan, mais qu'il a fini par épuiser.



Aujourd'hui, il vaut mieux relire « Les Particules élémentaires » et préparer une galette.





II.



Plus que tous ses autres livres, « Sérotonine » nous démontre que Houellebecq excelle dans l'art de nous livrer à chaque fois une gigantesque anamorphose. Ou une farce magistrale. Car tout un chacun peut se retrouver dans ses livres, et toute lecture – qu'elle soit désabusée (voir les lignes d'en haut) ou enthousiaste (comme celles qui risquent de suivre) – saurait tenir debout. « Sérotonine » illustre à merveille l'ambiguïté foncière de cet écrivain : dopé au marketing éditorial (d'après les uns) et méritant grandement son succès dû à la franchise de ses pages (d'après les autres), Houellebecq est devenu lui-même un personnage : un paradoxe qui ne cesse de se mettre en scène et de produire du texte.



Vu d'un certain angle, son livre peut agacer, lasser, décevoir cruellement : il peut sembler une variation de plus sur la tragique et banale destinée d'occidental moyen en proie à la dépression, à la solitude et aux regrets tardifs, surpris dans une quête puérile et pathétique, déjà vue et lue, donc banalisée.

D'un autre angle, il est difficile de ne pas résonner à l'errance jusqu'aux limbes du mal-nommé Florent-Claude Labrouste, personnage bien plus « humain » que ses prédécesseurs romanesques, qu'il semble contenir et actualiser, l'un par l'un, dans le monologue intérieur présent. (Et ces clins d'oeil font, il en va de soi, l'un de nos délices.) Protagoniste qui décide de disparaître de soi, de retourner, humainement et socialement, au néant, à l'anonymat et à l'insignifiance fondus dans la ville – cette somme de solitudes parallèles –, condamné à grossir dans l'isolement et marquant un « aboutissement » (si l'on peut se permettre…) de l'anti-héros houellebecquien. De surcroît, tout le décor et la déchéance du personnage, apparentée à un impossible retour au paradis perdu (l'amour de Camille, bêtement raté), mourant littéralement de chagrin et survivant en accomplissant des gestes futiles, discourant sur le bonheur ressenti autrefois comme à portée de main et pourtant irrévocablement loin – qui pourrait, au bout du compte, n'être qu'une simple question d'hormones, de gènes et de molécules injustement distribués –, parient sur des traits romantiques comme aucun autre jusqu'ici.



Avec ses éternelles ambiguïtés idéologiques et son sens d'auto-dérision, Houellebecq fait partie du patrimoine national : on y est attaché comme aux bons produits locaux, on le subit, on le lit, on se dispute à son sujet autour de la table. Il nous inspire, nous irrite, invite à échanger. Il se peut que ses personnages médiocres déteignent sur nous. Et c'est humain. Plus c'est médiocre, plus c'est humain, pourrait dire n'importe lequel d'entre eux. Le pire, le pire serait de ne rien sentir...
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La carte et le territoire

Je viens de relire ‘’la carte et le territoire’’ de Michel Houellebecq et je dois dire que je suis confortée dans ma première impression, à savoir que c’est un écrivain qui possède indéniablement, une écriture agréable et unique. Tandis qu’il utilise un mode d’expression qui n’est pas linéaire, oscillant entre un phrasé classique et moderne, ses détracteurs lui prêtent de la platitude et ses admirateurs du brio. En ce qui me concerne, je me rangerais plutôt à sa propre définition, soit que : « la meilleure condition pour exercer un bon style, c’est d’avoir quelque chose à dire » et pour le moins, le texte est riche.

Donc, à tout prendre, je me garderais bien de remettre en question le talent de cet écrivain dont la prose me porte, au risque de le voir s’exporter ailleurs, un ailleurs où du reste, sa renommée mondiale est déjà faite. Je remarque que sa plume est savante, libre et souvent ironique, mais rarement agressive. J’irais même jusqu’à lui trouver une certaine sensibilité. Houellebecq nous conduit à la carte et nous guide sur le territoire, d’une marche à la fois souple et soutenue. Il nous dépeint un univers social des plus appauvri en ce qui concerne les rapports humains à travers la réalisation professionnelle de Jed Martin qui n’en est pas moins à son troisième essai. Touchant d’abord à la peinture, puis à la photographie, pour finalement revenir à son aspiration initiale, la peinture. Il vit dans le dénuement affectif le plus complet bien qu’ayant connu une brève expérience amoureuse avec Olga. Sa vie s’apparente trait pour trait à celle de son père dont il reconstitue à l’identique, l’existence, lequel père se meut uniquement entre son cabinet d’architecte et ses appartements. Soit que nos deux protagonistes connaissent tour à tour, le succès, dans leur travail à l’exclusion de toute harmonie ou implication dans le domaine de leur vie privée.

Le roman se constitue de trois parties. Une primo immersion dans une sphère sociale bien spécifique, une intrusion dans la structure mentale des profils avec une lecture sur l’intégrité des personnages et enfin, un basculement tout à fait inattendu dans une atmosphère glaciale, jusqu'à ce que la suprématie de la nature sur l’homme reconquière son territoire. Un tout qui confère à l’auteur une écriture dont la caractéristique est unique. Il eut tenté de m’attendrir à l’annonce funeste de son rapprochement vers Emmanuel Bove qu’il y serait parvenu. Mais, je vous laisse au plaisir de dénouer vous-même, le ruban de moebius.

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Sérotonine

A la veille de la rentrée de janvier, quoi de mieux qu'un petit Houellebecq pour se remplir de joie et de bonne humeur ? Pliée en deux de rire et remontée à bloc, j'achève ce livre avec un immense sentiment d'allégresse et de foi envers l'humanité...Et mes deux chattes (et oui, Michel, j'en ai deux, si c'est pas fantastique !!), sont ravies des hommages constants qui leur sont faits dans le livre et dressent fièrement leurs queues bouffantes (car elles ont les poils longs, ce sont deux main coons ) pour vous adresser une haie d'honneur ( mes chattes ont des queues, Michel, si c'est pas extraordinaire !!)...Bref.

Je voulais laisser reposer un peu car, sous la limpidité apparente de l'eau, la noirceur du propos est toujours complexe, mais bon. Le roman présente des similitudes évidentes avec les autres : anti-héros désabusé dans la quarantaine, mâle blanc désespéré et impuissant par quel bout qu'on le prenne, Florent-Claude marche, non vers la mort, mais, l'anéantissement, physique et psychique, qui suit systématiquement la jeunesse dans tous les romans de Houellebecq. Premier accusé, l'Occident et son idéologie libéral et libertaire, poussant à la consommation des objets et des êtres, destructeur de toute valeur morale et de toute spiritualité. On retrouve le Houellebecq moraliste presque rigide de La Possibilité d'une île, La Carte et le Territoire, Les Particules Elémentaires. La possibilité du don et de l'amour, venant de certaines femmes comme toujours (vision un peu idéaliste, mon petit Michel), est piétinée par l'aveuglement et la faiblesse des hommes.

La particularité du roman est d'être une sorte de road movie funèbre entre Paris et la Normandie, où tout semble déjà joué. On est un chouia après la fin des romans précédents, dans le basculement définitif, et notre héros chemine comme un fantôme revenant hanter les lieux et le temps où les choses semblaient encore possibles ( et même si elle ne l'étaient pas, on ne le savait pas). Comme dans "Le temps retrouvé", le narrateur s'octroie un dernier tour de piste et retrouve les visages fatigués de ceux qui ont compté pour lui. Emergent de son passé, en live ou en pensée, Kate, Claire, Camille et Aymeric d'Harcourt, son très noble ami à l'Agro. L'épisode avec Aymeric donne naissance à une charge sociale et politique violente, comme on en trouve assez ordinairement chez l'auteur, ici de l'Europe et de la mondialisation, vécues par les éleveurs normands.

L'ensemble est d'une mélancolie douloureuse, parfois insupportable tant elle sonne juste. Lire Houellebecq est une épreuve de force. Pour nous empêcher de sombrer, il ponctue heureusement les pensées du narrateur d'humour, politesse du désespoir. La prose est d'une beauté lumineuse (si je fais abstraction, en ce qui me concerne, de ces scènes de sexe que notre auteur disperse çà et là, et dont je ne parviens toujours pas, au bout de vingt ans, à comprendre l'intérêt...)

Je ne conclurai pas en disant que c'est un bon livre, car c'est évident, et c'est sans doute plus que ça. Un arrêt sur image d'une civilisation en crise, une pierre en plus dans le mausolée de granit gris que Houellebecq construit peu à peu pour notre époque, l'Occident post-apocalyptique des désastres mondiaux du XXème siècle, où nous avons perdu notre âme.
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Soumission

« Dès que David Pujadas prit l'antenne à 19 heures 50, je compris que la soirée électorale s'annonçait comme un très grand cru, et que j'allais vivre un moment de télévision exceptionnel ».





Un professeur de la Sorbonne, un français nommé François, reconnu pour ses travaux mais qui n'a que son métier dans la vie, est sur le point d'assister à des élections présidentielles d'anthologie : le Front National de Marine le Pen, contre La Fraternité Musulmane. le titre « Soumission » (traduction d'Islam), évoquant la « soumission à Dieu », vous aide déjà à prédire quel sera le résultat… Quelles seront les conséquences pour la France telle que François l'a toujours connue… ?





« Il est probablement impossible, pour des gens ayant vécu et prospéré dans un système social donné, d'imaginer le point de vue de ceux qui, n'ayant jamais rien eu à attendre de ce système, envisagent sa destruction sans frayeur particulière. »





François n'est pas raciste, mais il est au départ déstabilisé par les bouleversements aussi radicaux que subits, et observe avec crainte et surprise, mais également une certaine apathie, les changements qui en découlent pour le pays en général mais surtout pour lui-même en particulier. Car si se raccrocher à des détails de la vie quotidienne (sexe, factures, lectures…) l'aide à se rassurer au départ, le nouveau programme est clair : « - Pour La Fraternité Musulmane, l'économie et la géopolitique ne sont que de la poudre aux yeux : Celui qui contrôle les enfants contrôle le futur, point final. Alors le seul point capital, le seul point sur lequel ils veulent absolument avoir satisfaction, c'est l'éducation des enfants. (...) Chaque enfant français doit avoir la possibilité de bénéficier, du début à la fin de sa scolarité, d'un enseignement islamique. »





Pour commencer, on propose donc à tous les professeurs de la Sorbonne de prendre leur retraite anticipée ou bien de se convertir à l'Islam ! de fait, la Sorbonne devient quasiment réservée aux hommes, et des marieuses se chargent de caser les jeunes étudiantes avec les professeurs d'université devenus polygames. Les allocations sont augmentées, permettant aux femmes de ne plus travailler, ce qui laisse la place aux hommes et diminue le nombre de demandeur d'emploi et de chômage… Femmes et enfants étant soumis, chacun étant pris en charge par la cellule familiale, la paix est revenue dans les cités. Les longs habits des femmes calment même les ardeurs masculines, bref : François, dont le passe-temps était de séduire ses étudiantes, n'a plus de repères face à cette évolution rapide. Il a le choix entre s'adapter et s'intégrer comme certains de ses collègues, ou bien lutter et partir comme d'autres… Mais pour aller où ? Alors pour l'heure, il cherche quelle est sa place dans son pays tout neuf. La trouvera-t-il ? Et quelle sera-t-elle ?





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Mon avis





« C'est l'idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue. (...) Il y a pour moi un rapport entre l'absolue soumission de la femme à l'homme, telle que la décrit "Histoire d'O", et la soumission de l'homme à Dieu, telle que l'envisage l'Islam. »





L'histoire d'une lutte entre liberté et soumission





Ce roman, c'est la lutte entre la liberté et la soumission : Notre République laïque - pays de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, de l'égalité, des libertés individuelles et des droits de l'Homme - voit arriver une religion au pouvoir à un moment de son histoire où l'immigration, l'inefficacité des partis habituels et la quête de réconfort de la population la pousse à se tourner vers la voie de la spiritualité et du parti de la Fraternité musulmane. L'auteur a choisi l'Islam parce que le contexte actuel s'y prêtait, mais ce pourrait être n'importe quelle religion : Une fois au pouvoir, elle exclut ceux qui n'y adhèrent pas, ou les force à l'adopter pour être intégrés. A terme, les libertés individuelles sont brimées et notamment en l'occurrence les droits de la femme ou encore la liberté d'expression. D'où la sortie malheureuse de ce roman juste après la tuerie de Charlie Hebdo par des extrémistes. Mais à part ça, je n'ai pas trop compris la polémique autour de ce roman car, s'il incite à la vigilance dans nos choix futurs et montre les écueils qu'il convient peut-être d'éviter, je ne pense pas qu'il incite à voter pour autant Front national… C'est une fiction et en tant que telle le miroir des craintes et fantasmes d'une société à un moment donné, en fonction de ce qu'elle traverse.





Une polémique à mon avis inutile





D'ailleurs, l'auteur ne dit à aucun moment que cette accession au pouvoir est une mauvaise chose. On constate que François s'y habitue finalement assez vite. La dernière phrase du roman est justement la dernière pensée de François que nous connaîtrons et dit : « Je n'aurais rien à regretter » (laissant penser que, pour lui en tous cas, cette situation lui ira) ! C'est nous en tant que lecteurs, avec notre recul et nos convictions sur notamment les libertés individuelles, qui devrons en tirer nos conséquences.





Dans le roman, la religion musulmane n'est pas confondue avec les extrémistes : le Président passe au contraire pour être modéré et faire des concessions. En réalité, même s'il l'est moins qu'il ne veut le dire et a pour ambition un empire européen musulman (prenant exemple sur l'Empire romain), il a été élu démocratiquement et son instauration est pour l'heure non violente. Pour cela, il se fait des alliés des anciens partis politiques en leur cédant des places au Gouvernement dans toutes les branches… sauf l'éducation, jugée comme source principal du pouvoir – autrement dit du formatage intellectuel.





Une incitation à l'éveil





Comme l'annonce ma citation d'ouverture, ce qui porte à réflexion dans ce roman c'est que Houellebecq se sert d'un contexte proche du nôtre, les élections présidentielles en 2022, avec une majorité d'acteurs politiques (Hollande, Bayrou…) et journalistiques (David Pujadas) connus qui impliquent que ce scenario pourrait nous arriver. Ce n'est pas non plus pour rien que notre personnage principal fait partie du domaine de l'enseignement : Houellebecq montre ainsi comment, en prenant le contrôle du pôle stratégique de la politique voulue, on peut contrôler le pays tout entier.





Il montre surtout qu'aucun domaine n'est impossible à soumettre : Car si l'on pouvait croire que le corps enseignant serait le premier à défendre la laïcité ou au moins leurs libertés de pensée et d'expression, on assiste pourtant à beaucoup de conversions. A cela plusieurs raisons, que le nouveau Président musulman, en bon leader qu'il est, maîtrise parfaitement : Il y a d'abord l'argent bien sûr, puis le degré de solitude et de désenchantement de chacun, dans un pays où la spiritualité ne remplit pas les brèches de l'individualité.

Intervient alors la rhétorique employée pour persuader que se convertir n'a que des bons côtés : En s'adressant aux hommes, seuls à compter à présent, les dirigeants font valoir comme il serait agréable de se voir attribuer plusieurs femmes pour prendre soin d'eux ; Et en s'adressant à des hommes comme François, que la vie avait rendu solitaires et délaissés, ils en appellent au sentiment d'appartenance à une communauté, à une élite.

Leurs arguments persuadent immédiatement les plus désespérés, mais finissent par atteindre, au fur et à mesure que le pays change et exclut les non convertis, même les plus dubitatifs comme François. Pourtant, en même temps qu'il succombe, il se rend compte : Son libre arbitre a disparu. Mais qu'avait-il avant ? Pas grand-chose… Alors qu'a-t-il à perdre, face à tout ce qu'on lui offre... ? Pas grand chose, pourrait-il être tenté de croire, du moins au début.





Conclusion





L'auteur a repoussé ses interviews depuis la tuerie de Charlie Hebdo pour ne pas jeter de l'huile sur le feu, mais le peu qu'il a déjà dit de son livre me paraît sensé : Il y a plein d'idées dedans, mais surtout d'observation froide de la société et de ce qui peut y couver, pas forcément pour son bien. C'est aussi le rôle de l'artiste de nous montrer sa façon de voir – et c'est ce qui est défendu par tous pour l'affaire de Charlie Hebdo et ce roman est loin d'être pire que certaines caricatures ! L'auteur a observé certains signaux d'alarme en France qui lui ont peut-être donné l'envie d'écrire cet avertissement pour lutter contre l'apathie et la dangereuse certitude que tout est acquis. Mais ne nous y trompons pas, son regard est aussi aiguisé sur notre société individualiste et désenchantée que sur la religion parvenue au pouvoir, et c'est ce qui rend certains passages si pertinents, amusants, mais aussi alarmants.





L'attitude de la France entière à l'occasion des grands malheurs qui l'ont touchée prouve que nous pouvons tous encore nous réunir autour de la défense d'idées qui nous sont chères en cas d'attaque de front. Mais qu'en sera-t-il en cas de simples élections comme dans le roman par exemple : Serons-nous capable de réagir… Avant qu'il ne soit trop tard… ?





Profitez de l'actu, c'est le moment de découvrir l'auteur, sa plume mordante et son univers, désabusé mais loin d'être infondé ni dénué d'intérêt !


Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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Anéantir

Quel plaisir d’avoir un bel ouvrage entre les mains !



Flammarion nous offre une reliure … puisse cet exemple inspirer d’autres éditeurs afin que nous retrouvions des livres solides pouvant être lus et relus. Souhaitons également qu’en 2027 nos imprimeurs auront investi et que les prochains Houellebecq seront imprimés en France et non plus en Italie. Exprimons enfin le voeu que les majuscules retrouvent leurs droits et places en couverture !



Anéantir est une dystopie qui me laisse une impression d’inachevé car, finalement, qui sont ces terroristes qui coulent les navires et qui sont ces « fachos » qui secourent les vieillards emprisonnés dans les EHPAD ?



Mais « il faut savoir Raison garder » et le romancier a un réel talent pour peindre cette famille avec ses anges Madeleine et Prudence, son démon Indy et narrer leurs amours et désamour, en jetant un regard noir sur la GPA et ses dérives californiennes, et en observant nos ainés déclinants.



C’est aussi une projection sur la campagne présidentielle 2027, vue depuis les bureaux de Bercy, et sur le fonctionnement du ministère de la culture et la sauvegarde de notre patrimoine ; c’est également une enquête sur nos services de renseignement mais celle ci est tellement enfantine avec ses croquis que le lecteur a l’impression de lire un club des cinq !



C’est enfin une réflexion sur la vie, la maladie et la mort et celle ci est fort émouvante car qui n’est confronté à ces réalités et conduit à s’interroger sur la condition humaine.



Anéantir est donc constitué de plusieurs intrigues imbriquées les unes dans les autres et certaines ne semblent pas achevées au terme de la lecture … mais l’auteur prépare sans doute une suite ?



Véritable page turner, ce livre se lit aisément mais j’avoue ne pas avoir compris ce que les rêves et les cauchemars de Paul apportent à la narration.



Critique acerbe de notre société que les experts et technocrates compliquent un peu plus chaque jour, l’intrigue est portée par un certain optimisme dont la trace était invisible dans les parutions précédentes de Houellebecq. Est ce du au positivisme de Conan Doyle et au réalisme de Sherlock Holmes qui dope le héros ?
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Sérotonine

La Weltanschaung  [conception du monde] de Michel Houellebecq est bien déprimante. Et les années qui passent n'améliorent pas les choses. Toujours du sexe triste. Des femmes peu aimées réduites à un plaisir peu épanouissant. La vision d'une société consumériste, en proie à la globalisation et à l’ultra-libéralisme, néfaste à son environnement et fatale aux plus faibles.



Bon cela dit, on aurait tort de négliger la prose Houellebecquienne sous prétexte qu'il radote, qu'il est obsédé, misogyne, homophobe, qu'il est désespéré et désespérant. D'abord parce que le cynisme de Houellebecq est drôle, (je n'y résiste pas, à chaque fois je me dis que c'est fini, je ne lirai plus les livres du bonhomme, et je repique) et qu'ensuite sa vision, qu'on partage ou pas, a le grand mérite de nous faire réfléchir. Entre autres choses, sur notre rapport au monde et aux autres, sur notre besoin essentiel d'amour, parfois compromis par un individualisme forcené.



«... je ne crois pas me tromper en comparant l’amour à une sorte de rêve à deux, avec il est vrai des petits moments de rêve individuel, des petits jeux de conjonctions et de croisements, mais qui permet en tout cas de transformer notre existence terrestre en un moment supportable – qui en est même, à vrai dire, le seul moyen. »





Challenge MULTI-DÉFIS 2019
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Soumission

Pourquoi tant de haine ? Tant de polémiques stériles autour d'un roman qui eut seulement la malchance de voir le jour un certain 7 janvier, dans un contexte peu propice à la prise de recul c'est le moins que l'on puisse dire.



N'en déplaise aux fâcheux il faut à nouveau préciser que Soumission est avant tout une FICTION, presque une fable en réalité, qui se révèle suffisamment crédible, il faut croire, pour distiller le malaise. L'idée d'une religion providentielle – l'Islam qui plus outre – qui accèderait au pouvoir et résoudrait tout ou partie des difficultés de notre joli pays semble en effet offusquer, terrifier et fasciner à la fois...



Mais même si malgré lui il fut pris au piège d'une actualité explosive, Houellebecq comme tout romancier raconte ici simplement une histoire et, surtout, ne se prend pas au sérieux contrairement à ses détracteurs. Au fil de ses romans il poursuit donc son observation très personnelle, fut-elle subversive, de la société qui l'entoure et, comme d'universels prolongements de lui-même, ses personnages se distinguent ici encore par leur fatalisme, leur indigence affective et leur lâcheté presque attachante.



Toujours aussi insaisissable, Houellebecq maîtrise ainsi l'autodérision et l'ironie désenchantée avec une virtuosité discrète, bien loin des vociférations ordinaires des chantres du politiquement correct. Rien que pour ça, moi j'adhère direct.






Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Anéantir

Nous sommes en 2027, quelques mois avant l'élection présidentielle. Paul Raison, inspecteur du Trésor de 47 ans, travaille au Cabinet du ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Juge (clone de Bruno le Maire), dont il est très proche. le père de Paul, Edouard, un ancien de la DGSI, a eu un très grave AVC dont l'issue sera probablement fatale. Avec la femme de Paul, Prudence, il ne se passe plus rien : ce sont deux étrangers qui cohabitent dans un splendide duplex sur le parc de Bercy. Paul a une soeur bigote mais au fond très humaine, Anne-Cécile, qui est mariée à un notaire au chômage, tous deux habitant Arras et votant RN, et un frère, Aurélien, qui travaille comme restaurateur d'oeuvres d'art au Ministère de la Culture et est marié à un dragon, la perfide Indy , personnage le plus négatif du roman (et qui m'a beaucoup fait rire). La campagne présidentielle se déroule sur fond d'attentats terroristes très bizarres, qui, du moins au début, ne font pas de mort ; on ne voit pas très bien qui en est à l'origine ni ce qu'ils revendiquent. ● Je trouve ce roman extrêmement réussi, à tel point que je me demande si le battage médiatique qui est fait autour ne le dessert pas, si l'éditeur n'aurait pas mieux fait de compter davantage sur ses qualités intrinsèques pour obtenir le succès. ● C'est un roman d'une grande richesse, qui entremêle à la fois plusieurs genres et plusieurs thématiques. En effet, on y retrouve, entre autres, le genre de la chronique familiale avec la famille Raison, dont tous les membres ont droit à de superbes portraits, la plupart du temps en action. Houellebecq est un maître dans l'art de caractériser les personnages : une fois croisés dans le roman, on ne risque pas de les oublier. Mais il y a aussi une composante thriller d'espionnage avec les attentats et leur décryptage. Et bien entendu Houellebecq demeure un analyste de la société. Son roman d'anticipation lui permet de porter un jugement sur notre société actuelle, d'autant que ce livre paraît, comme l'histoire qu'il raconte, au début d'une campagne présidentielle. La dimension philosophique est également loin d'être absente de ce roman protéiforme et l'on retrouve le regard désenchanté, mais pas désespéré, sur la vie (et sur la mort) de l'auteur. ● S'agissant des thématiques abordées, on ne peut pas toutes les citer, tant elles foisonnent : la vie politique française, la fin de vie, le déclin (de la personne, de la société), la médecine, le couple, les enfants, l'amour, le sexe, la magie blanche… Par exemple, n'a-t-on pas ici une belle définition de l'amour : « Est il vrai qu'on ne change pas, même physiquement, pour des yeux aimants, que des yeux aimants sont capables d'annihiler les conditions normales de la perception ? Est il vrai que la première image qu'on a laissée dans les yeux de l'aimée se superpose toujours, éternellement, à ce qu'on est devenu ? » Et là, dans le rapprochement des deux citations suivantes, une belle approche de la condition humaine : « [T]oute vie, songeait il, est plus ou moins une fin de vie. » – « Ce qu'il ne supportait pas, il s'en était rendu compte avec inquiétude, c'était l'impermanence en elle-même ; c'était l'idée qu'une chose, quelle qu'elle soit, se termine ; ce qu'il ne supportait pas, ce n'était rien d'autre qu'une des conditions essentielles de la vie. » ● J'ai aussi trouvé que le style de Houellebecq était meilleur que dans les autres livres que j'ai lus de lui ; d'habitude je le trouve un peu plat. Ici il a gagné à la fois en musicalité et en précision. ● J'ai lu et entendu que dans ce livre on trouvait un Houellebecq apaisé, et je suis assez d'accord avec cette affirmation, même si certains passages, par exemple sur la Révolution française, sur Rousseau ou sur Joseph de Maistre, sont concoctés pour faire réagir (ou encore le délicieux passage sur l'émission « C Politique » ! (voir mes citations)). Il n'en reste pas moins que le sentiment que donne l'ensemble du roman est celui d'un désenchantement apaisé, avec lequel une vie est somme toute possible. ● Deux bémols cependant : d'une part les nombreux rêves dont l'auteur parsème son récit. Je n'aime pas du tout lire les rêves des personnages, ils me paraissent toujours ennuyeux car ils nous font sortir de l'histoire ; je n'ai pas trouvé ce qu'en l'occurrence ils apportaient au roman, je n'ai pas non plus cherché à approfondir le lien qu'ils pouvaient avoir avec l'histoire. ● D'autre part, Houellebecq termine son livre en remerciant notamment les médecins qui lui sont venus en aide. Or je trouve que c'est dans ce domaine que la vraisemblance est la plus fragile. En bref (je n'en dis pas plus pour ne pas divulgâcher l'histoire), ça ne se passe pas comme Houellebecq le raconte. ● Il n'en reste pas moins qu'on a affaire ici à un grand roman, qui associe – chose rare – la qualité littéraire au plaisir de lecture qu'on y prend : c'est à la fois une oeuvre magnifique et un page-turner qu'on dévore. Une très grande réussite.
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Anéantir

730 pages de rêves. Un simili thriller politique genre méditation plus métaphysique que transcendantale. Une fois de plus le « génie littéraire français » se joue de nos questions angoissantes d'homme blanc engoncé, qui dans un costume trois pièces Hugo Boss, qui dans un chino soldé chez Bexley, magasin du boulevard Henri IV, qui dans un modèle 501 de Levis, braguette à boutons, moins pratique pour pisser, qui dans un polo Ralph Lauren manches longues. La liste n'est pas exhaustive, j'oubliais les fumeurs de Marlboro, contrebande espagnole remontée par des Fast Tracks, revendue trois fois son prix d'achat sur les boulevards.

Comment ce diable d'auteur sait-il que j'angoisse en 2027, façon 2022, avec un Zemmour tonitruant qui s'invite dans le débat comme un Judas honteux, le Pen qui dévisse façon cruciforme, Pécresse en belle-fille adorée des mères françaises, Macron égal à lui-même et une gauche en capilotade comme le nez et les joues d'Athanase Georgevitch le héros de Gaston Leroux dans Rouletabille chez le tsar, après l'éclatement de la bombe.

Je suis Paul Raison, 47 ans, haut fonctionnaire au ministère de l'économie et des finances, et mon père, Edouard, ancien agent secret est en train de mourir, alors que des attentats se déploient sur le territoire, ceci n'ayant rien à voir avec cela sauf pour l'homme blanc que je décris dans le premier paragraphe de cette chronique…

Ma femme, Prudence, ressemble à s'y tromper à Carrie-Anne Moss, l'actrice qui joue Trinity dans Matrix. Elle pourrait être une mère idéale pour les enfants que je désire mais je ne me résous pas à lui en faire un, non par conviction rousseauiste (je parle de Sandrine, pas de Jean-Jacques, vous l'aurez compris…) mais par simple angoisse plus qu'existentielle.

J'ai tout pour être heureux, Bruno (oui le vrai, mon patron) va se présenter au poste suprême dans la hiérarchie politique française et devrait m'emmener à l'Elysée dans ses valises…

Autrefois, il m'est arrivé de prier en l'église Notre-Dame-de-la-Nativité de Bercy, quai oblige, et je me repais toujours des paysages du Beaujolais et de leur production vieille de décennies sinon de siècles, malgré la farce annuelle du troisième jeudi de novembre qui sacrifie au désir de nouveauté des populations du monde entier.

Si vous êtes en train de lire « Certains lundis de la toute fin novembre, ou du début décembre, surtout lorsqu'on est célibataire, on a la sensation d'être dans le couloir de la mort. » vous n'êtes ni au bout de vos peines, ni au bout de vos surprises, vous avez la chance, heureux élus de l'aristocratie littéraire et journalistique, de commencer à vivre la vie de Paul Raison qui pour les lecteurs plébeïens verra le jour le 7 janvier…



Ajout du 31 janvier 2022 :

Après cette première lecture, j'ai scanné le texte, en reprenant mes notes de lectures, possibilité incomparable offerte par les fonctions de la liseuse.

J'ai retrouvé les nombreuses références aux symboles des années 1970-1980 et j'en ai fait deux quiz que vous pourrez jouer :

https://www.babelio.com/quiz/58162/Aneantir-la-nostalgie-Houellebecq

https://www.babelio.com/quiz/58181/Aneantir-la-nostalgie-Houellebecq-2



Anéantir contient plusieurs romans et plusieurs clefs de lecture :

- le récit des attentats terroristes qui reste inachevé

- le récit de l'élection présidentielle de 2027 à laquelle le Président en exercice ne peut se présenter puisqu'il a été réélu en 2022 (suivez mon regard). On y voit le président pousser la candidature d'un certain Benjamin Sarfati dont le "niveau en économie est celui d'un BAC G"...il est pour cette raison associé à Bruno Juge (avatar de Bruno LeMaire)...La coach Solène Signal, présidente du cabinet de consultant Confluences, se charge de faire monter les deux candidatures en puissance...

- Les rêves de Paul Raison émaillent le récit, et l'on croirait à des exercices imaginés par Sigmund Freud lui-même pour entraîner ses disciples à l'interprétation des rêves...

- Les histoires des différents couples est aussi un fil conducteur qui permet de mettre en perspective l'évolution des relations hommes femmes et de la lancinante question de la place de l'amour et du sexe dans notre société.



De ces différents points de vue, le roman réalise une coupe transversale des raisons qui ont conduit la société française à évoluer des trente glorieuses insouciantes à la société anxiogène que nous connaissons.

On retrouve dans Anéantir, mises en situation, nombre d'analyses proposées par Jérôme Fourquet dans L'archipel français...



C'est un roman à lire que l'on soit houellebecquien ou pas !





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Soumission

Nous sommes en 2022, à quelques semaines à peine des élections présidentielles, dont le résultat pour tout le monde dans l’entourage de notre héros est plié d’avance. En 2017, François Hollande a été réélu face au front national et son deuxième mandat a été encore plus calamiteux que le premier. On s’attend encore une fois à un duel PS/FN au deuxième tour avec une inconnue : le score d’un mouvement la Fraternité musulmane conduite pour un musulman modéré Mohammed Ben Abbes.

Durant cette période d’attente, François, notre héros, professeur de Lettres à la Sorbonne, prend forme. Il a soutenu en 2007 une thèse de doctorat sur le thème : « Joris-Karl Huysmans où la sortie du tunnel » qui lui a valu les félicitations du jury à l’unanimité et une place de professeur à l’université, où il trompe son ennui en courtisant ses étudiantes (comme les autres professeurs, le prestige de l’uniforme).

Il est d’humeur triste, blasée, ne vit que par son travail et son amour des lettres mais, il voit les choses changer à la Sorbonne, les femmes voilées, les étudiants juifs qui ne sont plus représentés, les professeurs qui se positionnent pour être bien vus, l’ambiance a changé. Les fusillades sont quotidiennes, presque banalisées. Depuis quelques temps déjà, les juifs font de plus en plus leur « Alya » (retour en Israël).



Et le soir du premier tour, le malaise, « Dès que David Pujadas prit l’antenne à 19 heures 50, je compris que la soirée électorale s’annonçait comme un très grand cru, et que j’allais vivre un moment de télévision exceptionnel ». Le deuxième tour verra s’affronter Marine Le Pen et Mohammed Ben Abbes. C’est la stupeur et les tractations vont commencer.



Ce que j’en pense :



J’ai aimé ce roman, je rappelle que c’est une fiction et pas un brûlot anti-Islam. Le héros François, m’a touché, car il est lucide, pessimiste, voire dépressif, comme en témoignent ses addictions, à la cigarette, à l’alcool. Il n’attend plus rien de la vie et il en est conscient car il a tout misé sur sa vie professionnelle, qu’il a réussie. Ses études, sa thèse sur Huysmans, écrivain auquel il voue un culte ont occupé une grande partie de sa vie.



François est insatisfait de sa vie sexuelle, car il n’a pas construit un couple, il s’est contenté de petites aventures avec ses étudiantes, parfois, il a vécu en couple quelques années et il se rend compte quand Myriam part en Israël, que sa vie va changer.



Il évolue, tout au long du roman, il commence par avoir peur et part se réfugier chez des amis en Lozère, où il discutera avec le mari d’une collègue, qui travaille aux Renseignements, en ingurgitant des quantités d’alcools et cigarettes impressionnantes.



Puis, il donne sa démission car il pense qu’on ne voudra pas de lui, puisqu’il est athée et quitte Paris pour se rendre dans un monastère où son modèle et Maître Huysmans a trouvé la foi, espérant trouver une réponse. On assiste à toute l’évolution intérieure de cet homme, à ses doutes permanents, mais dont la pensée se structure d’une autre manière.



J’en arrive ainsi à L’Islam et à la soumission qui est le titre et l’objet du livre. En fait la traduction du mot Islam est « soumission » sous entendu, la soumission à Dieu. En effet, dans cette religion, on doit vénérer Dieu et accepter tout ce qu’il envoie aux êtres humains, comme une fatalité (comme la loi du Karma dans le Bouddhisme quand il est pris au pied de la lettre). L’homme est soumis à Dieu, la femme est soumise à l’homme vue qu’elle est mineure à vie.



Si on poursuit le raisonnement, l’homme se conçoit comme incapable de résister à ses pulsions, donc la seule solution est de voiler les femmes pour qu’elles ne tentent plus les hommes et ainsi la société est plus tranquille, l’être humain plus apte à se consacré à Dieu.



D’où, la transformation en douceur de la vie, à l’université mais aussi dans la vie de tous les jours. Les professeurs qui ont le choix entre prendre une retraite anticipée largement rétribuée ou se convertir à l’Islam, car la Sorbonne est financée par l’Arabie Saoudite, la France devient musulmane, elle évolue, mais jamais vers un Islam intégriste. Lui-même n’est pas hostile à une conversion, il réfléchit.



Le nouveau président établit la polygamie, et François constate que certains collègues ne sont absolument pas gênés par cela : une femme assez mûre qui tient les rênes de la maison et une plus jeune pour les jeux sexuels. Il y a ainsi plusieurs héros dans le livre : François bien-sûr mais aussi Huysmans, que j’ai découvert par cette occasion et que Michel Houellebecq m’a donné envie de lire, après tout c’est mon siècle préféré et j’ai trouvé un ouvrage « A rebours ». On apprend beaucoup de choses sur la vie, et les écrits de cet auteur romantique, naturaliste qui a fréquenté Zola et Médan, et qui évolue vers une soumission à la foi catholique.



Un bon roman, bien écrit, bien construit, qu’on ne lâche pas facilement car on veut voir comment évolue le héros, ce qu’il va décider, et enfin un livre qui pose des questions et fait réfléchir sur la société actuelle. Le chapitre consacré au mardi 31 mai, date de la formation du gouvernement est excellent.



En aucun cas, l’auteur ne stigmatise l’Islam, il se demande seulement comment la France évoluerait dans ce contexte, il ne s’agit pas d’un brûlot et je ne comprends pas la réaction des médias qui l’ont calomnié, assassiné et la plupart de ceux qui ont participé au lynchage médiatique, n’ont pas lu le livre. Il s’agissait avant tout de « descendre » Michel Houellebecq parce que le livre est sorti au mauvais moment, après les attentats contre Charlie Hebdo.



Bien sûr, on retrouve la misogynie habituelle, avec les femmes à la maison ou exerçant des métiers dans des domaines restreints comme la couture et une tentation vers le fantasme de harem via la polygamie instaurée le nouveau président. C’est cela, ainsi que sa façon de parler sexe, qui me gêne !!! En en tant que femme, je ne peux que ruer dans les brancards. Je partage sa conception sur la fin de la civilisation chrétienne, ou du moins la fin de la société actuelle, que l’angélisme ne veut pas voir, la fin d’un monde en tout cas .



Une fois de plus, une critique dithyrambique mais j’ai vraiment aimé, ce livre m’a sortie de ma morosité hivernale. J’attends le prochain Houellebecq avec impatience, n’en déplaise aux grincheux de tous bords.

Note : 8,2/10


Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Les particules élémentaires

« Les particules élémentaires » : beaucoup de bruit pour rien…

Une intrigue bien faible, qui nous présente deux demi-frères, Michel et Bruno, tous deux chercheurs : l’un est chercheur en biologie, l’autre en recherche du nirvana sexuel, donc d'une partenaire à la hauteur de ses fantasmes…



Une escapade, en fait, en plein consumérisme exacerbé. Si l’on peut admettre que parfois l’écrivain est le reflet à peine exagéré de la société dans laquelle il vit, j’ose espérer que Michel Houellebecq a grossi le trait jusqu’à la caricature… Ou alors…



Quant au coté sexe, comment ne pas voir là un produit d’appel, additionné à un « anti-religions » primaire – « Je sais bien que l’Islam – de loin la plus bête, la plus fausse et la plus obscurantistes de toutes les religions – semble actuellement gagner du terrain… » –, produit d’appel là aussi…

Bref, et je pense qu’on l’aura compris, Michel Houellebecq n’apparaît pas dans mes lectures favorites. Malgré tout, il faut de tout pour faire un monde…et si certains aiment, ils ont sans doute raison.



Il reste un ouvrage bien faible à mon goût, truffé de provocations faciles et d’accroches perverses destinées à créer le « buzz » pour assurer le tirage : une triste opération mercantile dont la littérature se serait bien passée.

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La carte et le territoire

La mauvaise foi de Michel Houellebecq me ravit.



Vous savez, la mauvaise foi telle que l'entend Sartre avec son garçon de café qui joue à être un garçon de café et rien que cela, sa fonction l'emportant sur son humanité. Houellebecq, lui, se complaît dans son rôle de provocateur, toujours prêt à dénigrer la société ou ses semblables, à appuyer là où ça fait mal, avec son air revenu de tout. Une sorte de Gainsbarre de la littérature, la provocation n'excluant pas le talent.



On sait donc à quoi s'attendre en lisant ses romans : il va chercher à nous choquer d'une manière ou d'une autre. Or en forçant le trait, il nous oblige à voir les choses sous un autre angle, souvent visionnaire, tout en réveillant nos consciences.



"La carte et le territoire" est en apparence son ouvrage le plus consensuel. Son héros, Jed Martin, a une vie d'artiste presque rangée. Il fréquente encore son père, arrive à séduire des femmes, et n'est pas affligé d'une sexualité compulsive. L'action se déroule dans un futur proche, alors que la France, redevenue rurale, tire ses revenus du tourisme. Jed va connaître la notoriété en commençant à photographier en gros plan des cartes Michelin, avant de se spécialiser dans la peinture. Fortement axée sur le monde de l'art, l'intrigue est un mélange d'enquête policière (suite à un meurtre spectaculaire) et de roman d'anticipation, avec de truculents passages sur les figures médiatiques de notre époque et des noms de marques à foison.



En réalité, ce semblant de normalité est un cheval de Troie qui dissimule une critique acerbe et pessimiste de notre société, promise à la déliquescence. Critique d'autant plus insidieuse qu'elle touche notre vie quotidienne, comme la structure familiale, l'amour, la mort, le travail... Le territoire est le monde réel (imparfait et voué à la mort), la carte la représentation qu'on s'en fait (idéale et intemporelle), et Jed affiche en lettres capitales que « LA CARTE EST PLUS INTERESSANTE QUE LE TERRITOIRE ». Ainsi, l'indifférence de Jed au monde qui l'entoure est frappante. Il passe Noël avec son père parce que cela se fait, mais ils n'ont rien à se dire. Le succès qu'il rencontre sans effort, sans vraiment le mériter, caricature les dérives d'une société qui encourage la réussite facile par le biais du spectacle ou de la télé-réalité. Sa relation détachée avec la brillante Olga en dit long sur son égoïsme et sur l'amour/le sexe vus comme un mode de consommation parmi d'autres – un thème récurrent dans l'œuvre de l'auteur.



Mention spéciale pour la mise en scène de Houellebecq par lui-même. Le comique prime sur la mégalomanie et l'on découvre un repoussant spécimen d'écrivain asocial, assidu des bordels thaïlandais et accro à... la charcuterie (!). C'est pathétique, mais conforme à l'image qu'il veut donner de lui : suffisamment antipathique pour qu'on le laisse tranquille. Toutefois, derrière ce leurre burlesque, c'est sans doute chez Jed Martin qu'affleure sa véritable personnalité. Par sa réussite et ses choix de vie, Jed réalise son fantasme de vivre à l'écart d'un monde qui le déçoit. L'exergue poétique de Charles d'Orléans prend alors tout son sens :

« Le monde est ennuyé de moy,

Et moy pareillement de luy. »



Or à jouer les dédaigneux, Houellebecq n'en est que davantage courtisé, jusqu'à obtenir le Goncourt. Preuve que son rôle de misanthrope désabusé lui réussit à merveille ! CQFD
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Anéantir

Est-ce d'avoir été en thalasso avec Gégé que Michel Houellebecq s'est senti assez en forme pour jeter un pavé de 730 pages hors la mare de la dernière rentrée littéraire ?

Toute l'oeuvre précédant ce livre n'aurait elle été qu'une splendide ébauche où un écrivain nerveux et batailleur se préparait à livrer, avec "Anéantir" la meilleure de sa littérature, et aurait choisi pour cela une édition presque luxueuse ?

Michel Houellebecq nous a offert son livre de Noël, avec dedans, tradition oblige, son petit réveillon obligé ...

Dans "Anéantir", on retrouve le meilleur de Houellebecq : une écriture racée, une puissance d'analyse et de retranscription sans pareille, mais cette fois sans provocations inutiles.

Alors bien sûr, dès le début du récit, un ministre est guillotiné ... un ministre de papier derrière lequel on reconnaît sans peine un véritable homme politique de l'échiquier national d'aujourd'hui.

En guise d'insolence, une illustration de l'instrument a même été insérée dans le récit !

Bien sûr de sexualité, il est encore question mais les descriptions pornographiques qui alourdissaient les récits d'hier ont cédé la place à de vraies moments de vie de couples.

Michel Houellebecq n'a d'ailleurs ici rien cédé sur le fond, mais semble avoir aménagé la forme pour être mieux compris.

Le récit, moins polémique dans ses contours, est captivant, limpide et foisonnant.

Gros-Jean comme devant seront tous les hypocrites qui y attendaient la provocation entre deux mots pour pousser des cris d'orfraie effarouchée !

Le récit entremêle judicieusement un thriller d'anticipation à la vie quotidienne de quelques personnages.

Michel Houellebecq y analyse aussi efficacement, mais plus finement qu'à son accoutumée, les travers de notre société.

L'action nous projette, un quinquennat plus avant, à la veille d'élections présidentielles.

Je pose 4 et je retiens 1, l'actuel président ne sera pas candidat.

Et la bataille électorale est quelque peu troublée par d'intrigantes vidéos sur internet, et par de mystérieux attentats ...

Michel Houellebecq a, semble-t-il décidé de prendre de soin de ses personnages.

L'on sent même de sa part un vif attachement pour certains d'entre eux qui ne sont plus présentés comme des losers intégraux mais comme des humains heurtés par la vie.

Les personnages féminins sont clairement plus soignés, et moins malmenés qu'à l'accoutumée.

Ceux de Maryse et de Madeleine sont notamment deux splendides portraits de femmes.

Ce qui ajoute au récit une sensibilité et une humanité jusque-là masquées dans ses ouvrages précédents par la provocation et l'outrance.

Mais la réflexion et l'analyse de Michel Houellebecq n'en ont pour autant rien perdu de leur force et de leur justesse.

Les attaques, plus finement menées, n'en sont pas moins féroces.

Le récit est rythmé par les rêves de Paul Raison.

"Anéantir" s'impose d'ores et déjà comme un livre important, un livre qui compte dans la littérature d'aujourd'hui.

Et, presque toute polémique mise de côté, Michel Houellebecq y fait, plus que jamais, la démonstration de son talent de grand écrivain ...





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