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3.75/5 (sur 114 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1962
Biographie :

Michel Jullien est un écrivain français.

Après des études littéraires, il enseigne à l’Université Fédérale du Para, au Brésil (Belem). De retour en France, il fait ses premières armes dans l’édition, chez Hazan, puis chez Larousse avant d’animer une maison d’édition spécialisée dans les arts décoratifs.

En marge des livres, en marge de l’édition, il s’adonne à sa plus grande passion : la montagne. Après avoir gravi une centaine de sommets dans le massif du Mont-Blanc, les Écrins et les Pyrénées, il cesse l’escalade à quarante-cinq ans et se consacre à l’écriture.

"Denise au Ventoux" (2017) a obtenu le Prix littéraire 30 Millions d’amis 2017 et le Prix Franz-Hessel 2018. "L'Île aux troncs" (2018) est lauréat du Prix de la Matinale de l’ENS.

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Vidéo de

Michel Jullien, « Andrea de dos » (éditions Verdier, 2022)


Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Le cloisonné des fenêtres filtrait la lumière du dehors en rayons de miel, s'allait refléter en faisceaux sur le dos des copistes -- sans qu'ils le sussent eux-mêmes --, losangés de carrés rouges, bananes et bleus. Cela leur faisait des épées de couleurs enfoncées sans douleur dans le rachis, l'omoplate, le rein. p 36
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Il est difficile de croire en la totale sincérité du sommeil canin. On s'y fait prendre. Rien ne réveillerait l'animal, dix gamins à la fête s'agitent autour en braillant, avec des turlututus, leurs sauts, des costumes, des manèges tant qu'ils vont, leur barouf bat son plein lorsque soudain, en pleine cacophonie d'anniversaire, survient le petit cliquetis des clés dans la serrure, un bruit infinitésimal noyé par le reste, bénin, toutefois ferreux, venu de la porte, le maître revenant, la bête se redressant avec cette éveillée fraîcheur au rictus de la gueule qu'ont les princesses ayant dormi mille ans. Les chiens ont un talent de la fatigue, comme s'ils avaient le don de puiser de leur sommeil l'exacte dose d'assoupissement et de guet à part égale.
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Lorsque je rencontrais Cooky la première fois, devenue Athéna, je lui trouvais un air à s'appeler Denise, à l'évidence, la mienne il est vrai. Tout me le disait, ce n'est fondé sur rien mais je suis sincère, c'est ce qui me vint et j'aurais dû me taire. Un indéniable féminin, dans ses façons, un certain populisme de gueule avec ses permanentes aux oreilles et ses mèches frisottées, l'humilité de son port, l'inné naturel se dégageant de son regard en chandelle, sa brave mine sociable, la candeur de ses déplacements rapportée à son bel acabit augmenté des filasses subsidiaires dépassant du poil, elle avait tout pour ce nom, du moins à mes yeux j'en conviens, cette idée ne reposant sur rien, ç'aurait pu être Brigitte, Natacha ou Mireille mais Denise plutôt.
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Tout était écrit mais je n'avais pas le goût de confronter les nomenclatures aux massifs effectifs, à leurs accidents, on n'en finirait pas. Pareil aux Alpes après un quart de tour, côté est, là où les noms se serraient par-dessus la tête des pics, un tricotage d'inscriptions en gothique. La table d'orientation se comportait comme un guide très valable qui, d'une église aimée, vous débite que le transept date du XIIIe, la flèche du XIVe après reconstruction, qu'une partie de l'abside injuriée par l'histoire fut restaurée à telle époque... jusqu'à ce que l'église en entier se morcelle dans votre esprit, que l'ensemble s'effrite à chaque pierre, l'émotion avec.
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C’est du gros matériel qu’on fait descendre de bouche à oreille sur le chemin de la maison d’Ilias, de ces anciens camions angulaires portant à droite et à gauche de l’habitacle deux antennes ressort terminées d’une boule de couleur indiquant dans leur gesticulation la largeur possible du véhicule en de pareils endroits. Et quand un camion s’engage sur le chemin de Xerokambos vers la maison des muets, les deux scoubidous d’antennes s’agitent tout au long sur les ornières de terre rouge, entre les plans d’oliviers. On vient de Palekastro, de Ziros et d’Hohlakies, parfois de Sitia jusqu’à Zakros, après quoi il faut laisser le bitume, entrer en chaussée meuble, donner les roues aux défonces, aux ravines et aux pierres, c’est pourquoi les simples voitures ne viennent pas, leur garde-au-sol les en empêche. Et puis Ilias n’a pas tellement d’amour pour les voitures, domaine trop étroit, trop leste et délicat. Son peu d’estime se voit d’emblée à cette façon brusque et blasée d’approcher celles qu’on lui confie. Il va d’abord au capot, appuie deux fois sur l’aile pour se forger l’idée grossière des suspensions, accuse une moue de principe avant de continuer l’examen en faisant le tour du véhicule avec une mine de dégoût sans omettre d’envoyer un coup de pied qualifié dans chaque pneu, après quoi il accepte ou non d’aller voir le moteur. Son peu d’aménité pour les voitures tient peut-être à ce que sa surdité lui interdit officiellement d’en conduire, d’en posséder. Ce n’est pas pareil avec les camions ; d’une certaine façon ils sont à tout le monde, aux routes et à une confrérie de conducteurs, dont il est, sa spécialité l’y autorise. D’où son goût du gros, que du gros ; on vient chez lui débarquer de pleines carlingues, des vieilleries venues mourir dans le mouchoir de poche crétois après avoir brossé la Grèce au cours d’une première vie, de long en large, de la mer Ionienne à la mer Égée et de haut en bas, de la Thrace au Péloponnèse, affichant 50 000 kilomètres après avoir fait douze fois le tour du compteur, soit 600 000 kilomètres en plus de vingt ans – ce que la lumière accomplit pour sa part en deux secondes. Le garagiste sans titre voit arriver des autobus nés de 1960, assez cigares, au fuselage argenté avec des galeries courant le long du toit, accessibles par une échelle épousant l’arrière du véhicule. D’un côté et de l’autre, à l’emplacement de chaque siège, des vitres trapézoïdales fusent un peu vers l’arrière, elles sont dessinées comme ça, comme si l’idée de vitesse les avait inclinées dès l’usine, serties de lanières en caoutchouc défaites, pendouillant à certaines fenêtres. C’est fréquent, il vient chez les sourds des semi-remorques valides portant sur leur tablier de moindres camions à bout de course. Certains ne transportent pas mieux qu’une névralgie mécanique, un bloc-moteur entier, sanglé, juché sur un pont (comme une cervelle au centre d’un plat), désolidarisé du reste : châssis et carrosserie n’ont pu faire la route. Voici des camionnettes, des citernes, des bétonnières, des tractopelles remorquées, parfois un bateau d’agonie en charroi, avec son arbre de fer crevant la coque, dépassant de la plate-forme du camion, l’hélice dans le vide, prise d’algues sèches, affublée d’un fanion le temps du convoyage. Viennent aussi des cabines avancées, libérées de leur queue de véhicule, toutes seules, espèces de camions amputés avec leur plaque d’accroche circulaire, comme un moignon bouffi de gras, ne tirant rien, une atrophie mécanique, certains à cabine basculante, et lorsqu’elle bascule, sans aucune remorque derrière, l’habitacle cassé, l’engin diminué de son train arrière, leur silhouette a quelque chose d’inepte, n’ayant plus rien d’un vrai camion, avec le groin de carrosserie chaviré vers le sol ; viennent des poids lourds entiers encore pleins de leur chargement qu’il faut vider parfois afin que l’engin puisse monter sur l’élévateur, et voici débarquées sur la grève des tonnes de ferraille, de ciment, de tuiles, de palettes de soda, d’eau plate ou gazeuse ou, parfois, comme cela arriva un beau jour, des quintaux de lavabos déstockés le temps d’une réparation, là, à un pas de l’eau, devant la maison de la source, cent lavabos blancs détuyautés, pied en l’ait, cent bidets à côté qui ressemblaient à des morceaux de feta moulés, privés de robinets (cela faisait deux yeux ronds dans la faïence), alignés devant la mer comme une gigantesque anicroche, spectacle qui ne fut pas pour surprendre Maria.
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La Machine n’est qu’ossature, rien mieux qu’un emboîtage architectural éviscéré, cubique, sans complexité de construction. C’est une pile creuse faite de niveaux amoncelés sur un empierrement mastoc, à répétition d’étages, une cage vide, libre au vent, des parois criblées de fenêtres sans vitres et protection.. Sa fonction fut d’exposer, de magasiner, de remiser à la vue dans une série de casiers verticaux des rufians, des ribauds, des malandrins et malfrats trépassés, de les montrer pendus, à tous, au plus grand nombre- dans l’avant-goût des grands cinémas-, non pas d’exécuter
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L’homme qui promène son chien dans les grandes villes hérite d’un étrange statut de marcheur. Il n’a rien d’un passant. Ceux-là traversent le paysage de là à là, lui tourne en rond au pied des mêmes immeubles, astreint au surplace ; il le sait au fond de lui-même, sa mine le dit, ses sorties sont dévolues à la bête, il s’en acquitte, il n’est sorti que pour ça tandis qu’autour de lui vont des passants, des gens qui marchent pour eux. On dit promener son chien mais ce n’est pas tout à fait un promeneur non plus, ses voyages s’accomplissent sous la contrainte, par habitude, ils sont peu consentis, mal aimés après un certain nombre de mois. Pas non plus un badaud, un flâneur ; la balade est comptée, il n’a pas son temps ni la fantaisie de s’écarter du trajet, d’aller comme il le voudrait, d’abandonner subitement ses plans, de changer d’itinéraire, d’interrompre son cheminement pour un autre, de relâcher autrement que pour les brèves haltes lorsque l’animal en réclame, de plot en plot, seule occasion d’arrêt dont il ne décide pas, au mouchard des crottes. Il n’a en vérité qu’un seul credo, achever le tour et rentrer, lui et sa bête revenus des beaux horizons d’une sortie. Le promeneur de chien des villes se démarque des foules, ses poursuites pédestres ont comme un pas d’écart, il piétine, hors flux, voué à des boitillements de quartier, le bras tiré en avant vers la terre, lesté par la laisse. Avec la régularité de ses sorties et ses fréquents arrêts, avec ses tournées invariables, minutées, il pourrait faire penser aux facteurs (en plus de son métier le facteur est une espèce d’horloge laïque), mais le préposé des postes avec sa sacoche a tout d’une figure publique, communautaire, souvent saluée, capable de déroger à son grand ministère pour vous accorder une petite faveur citoyenne tandis que le promeneur de chien relevant d’autres chandelles sur la chaussée porte sur lui le sceau d’une individualité catégorique.
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Denise et moi quittâmes Paris sans grands effets, deux sacs à petit fourniment. La compagnie des trains accorde aux chiens une place singulière : ils paient leur billet sans avoir de siège, ce qui fait d’eux des demi-bagages et des demi-passagers, ni l’un ni l’autre, quelque chose d’hybride. Le prix est en fonction de leur masse. Dans le cas de Denise, il en coûtait la moitié d’un billet plein tarif. Les chiens compostent puis, muselés, se placent comme ils peuvent sous les sièges, là où s’effleurent les jambes des usagers. À mes pieds, le grand corps du bouvier n’y tenait pas, un peu de sa salive moussant par-dessus les coutures de sa muselière, s’épongeant sur la moquette du rapide, son fessier réchauffant les souliers de mon voisin, le contraignant à ne pas étendre plus loin ses jambes. Homme courtois, quoique attaché à ne rien céder de ses aises, s’efforçant avec nombre signes de rendre manifeste l’extrême limite de sa philanthropie, si bien que je me résignai à ranger Denise autrement, la poussant dans la travée centrale, là où passent les gens avec d’énormes bagages à roulettes bien après que le train a démarré, quand il va déjà à plein régime. Elle encombrait, incontestablement, étendue dans le couloir, neutralisant le flux. Je la poussais chaque fois au passage des grandes valises, elle se relevait d’un coup de rein comme font les chameaux du désert avant qu’elle ne replonge entre mes jambes pour s’époiler contre celles du voisin. Elle avait cette gaine de cuir à la gueule, pour moi le poignet garrotté par la laisse, nous allions aux forêts du Vaucluse.
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Ses doigts doivent contraindre le calame à pression égale, lui imprimer la même force afin que l'écoulement sorti de la tuyère reste homogène
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Denise fut à l’avant, je lui cédai la place, elle la briguait. Ni assise, ni étendue, plus mal mise que dans le train, en colimaçon sur le siège, tête au vide, une cuisse forçant sur la portière, le levier de vitesse entre ses pattes avant contre l’embout duquel sa truffe alla cogner au premier coup de frein. Je dus m’arrêter bientôt, l’incitant à passer derrière, ce à quoi elle se refusait, sans y mettre ses muscles mais plutôt toute la ressource mentale de ses regards, les prunelles têtues. Elle les lançait un coup sur moi, un coup sur l’espace vacant de la banquette arrière, lequel à bien comprendre son expression ne faisait pas partie du même habitacle, de notre vie. Je n’insistai pas. Elle y mit du sien, trouva à se placer autrement sur son siège, lovée, l’épine de sa colonne vilainement haussée dans son circuit vertébral, museau contre anus, nez pliable, prête à dormir, sa paupière s’éteignant, s’ouvrant parfois pour m’envoyer une œillade disant combien elle se trouvait à son aise, comme ça, à l’avant.
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