Chantemerle sort lentement de son engourdissement nocturne, un village de cinq cents habitants blottis autour du clocher de l’église avec une ferme sur chaque point cardinal : celle de Vasart à l’est, de Montesquiou au nord, la plus grosse des quatre, celle des Flamands à l’ouest et celle du Baronnet au sud. Un seul magasin en face de l’église, le bistrot à l’entrée du village vers Florensart, la plupart des maisons, coquettes, en pierre jaune sable du pays. Une gare désaffectée, une maison de village où on peut jouer aux quilles, un hospice où, pendant les beaux jours, des pensionnaires chauffent leurs vieux os en silence sur un banc contre la façade. Tout cela propret, fleuri à la bonne saison, rarement enneigé l’hiver, un village où il fait bon vivre.
Il se demande quelquefois pourquoi il se lève si tôt. Il a si peu de choses à faire pendant les jours d’hiver. Il ouvre les volets. On est le vingt-quatre février. Il a gelé la nuit. Du blanc balafre le toit d’en face. Au-dessus, un ciel noir piqueté d’étoiles.
Il s’est levé à sept heures, comme il le fait tous les jours. Ou plutôt il s’est arraché à ses draps car c’est une des petites joies de sa journée de se pelotonner dans la chaleur du lit.