Citations de Michel Onfray (2309)
Thoreau fut libertaire, c'est son épine dorsale politique (...)
C'est l'art de se donner ses propres règles et de vivre en leur regard, sans jamais nuire à autrui. C'est la sculpture de soi, la construction de soi, sans se référer à un catéchisme, fût-il un catéchisme contre les catéchismes. (p. 80)
Mon père disait ce qu'il faisait et faisait ce qu'il disait.
C’est donc cet homme, Jean Tarrou, qui affirme savoir désormais que la peste est inscrite en chacun de nous, que personne n’en est indemne, que nous devons lutter contre elle, nous surveiller, nous empêcher, pour le dire dans le vocabulaire paternel camusien. La peste est naturelle ; la résistance, culturelle. Le philosophe n’a pas à entretenir le penchant animal et bestial des hommes, il doit solliciter son tropisme humain, autrement dit, son aptitude à la compassion, sa capacité à la pitié, son talent pour l’empathie, sa disposition à la sollicitude.
Vie de la Vie
(Recordare)
Il y eut le néant
Il y aura le néant.
Mais,
entre les deus néants,
il y eut aussi
Ta vie.
Et ta vie fut:
Suc et sève
Rare et vive
Dense et forte
Ciel et feu
Chair et sang.
Elle fut solaire et lumineuse.
et ta vie fut aussi :
Gel et fiel
Peine et brève
Noire et dure
Pierre et bile
Sèche et froide.
Elle fut nocturne et sombre.
Comme toutes les vies
A la fois paradis sur terre
et enfer ici-bas.
(p.22-23)
En voiture, roulant vite, très vite, sur mon chemin de retour je découvris que je venais de rencontrer ma mère pour la première fois après l'avoir ignorée et méconnue pendant presque quatre décennies. Que son passé ignoré me l'avait rendue invisible, autant qu'elle l'avait été à elle-même ; dévoilé, il m'apparaissait dans l'évidence de ce que Nietzche appelle avec justesse l'innocence du devenir. Que ce que ma mère 'm'avait fait vivre, enfant, parfois douloureusement - de ce que l'on dit et de ce que l'on ne dit pas - elle l'avait fait en aveugle, obéissant à d'obscures impulsions dont son âme depuis toujours fait les frais, à son corps défendant. Que ce qui constitua son quotidien pendant mes vingt premières années résultait d'un pur mais vain désir de rendre visible ce qui en elle agissait en précurseur sombre.
La meilleure façon de ne pas penser c'est de criminaliser le penseur.
Pour qui a le plus élémentaire sens de l’observation, il est évident que les animaux sentent, souffrent, connaissent, échangent, ressentent, qu’ils expérimentent la sensation, l’émotion, l’affection, la perception, qu’ils disposent d’intelligence, de prévoyance, qu’ils utilisent des outils fabriqués par leurs soins, qu’ils ont un sens du temps et de la durée, qu’ils pratiquent l’entraide, qu’ils sont capables de se projeter dans le futur et de conserver une mémoire du passé, puis d’agir en conséquence, ce qui oblige à entretenir avec eux un rapport qui ne soit pas d’ustensilité, d’objectivation, de sujétion, mais de complicité, autant que faire se peut.
Les acacias échangent avec l’éthylène pour protéger leur famille ; les humains recourent à des mots pour élaborer un processus de destruction de leurs semblables.
Le cortex pèse peu face au cerveau reptilien. Nous sommes serpents avant que d’être hommes. Et l’animal qui rampe en nous gouverne en profondeur.
La civilisation a dénaturé l’animal que nous sommes toujours pour nous transformer en regardeur du monde au prix d’une déplorable incapacité à le sentir et à le goûter.
La mort est un héritage, le disparu a légué ce qu’il fut. Il nous reste à lui rendre le seul hommage qui soit : vivre selon ses principes, être conforme à ce qui faisait de lui une personne aimée, ne pas laisser mourir sa puissance d’exister dans sa générosité d’être en la reprenant comme on relève un étendard tombé au sol après un combat, agir sous son regard inexistant et lui rester fidèle en incarnant ses vertus, en épousant son art de produire de la douceur.
[ Tocqueville pense que ], tout comme les Indiens, les Noirs sont des sauvages, les Arabes également.
Heureusement que le Blanc arrive avec ses fusils et ses canons, pour lui apprendre les bienfaits de la civilisation !
J'ai souvenir, que mon père allait, le jour du premier de l'an, présenter ses voeux à monsieur Paul qui distribuait des pièces aux gueux venus lui dire merci de les sous-payer. Nous entrions alors dans cette maison comme si elle avait contenu le Saint-Sacrement. Des années plus tard, alors que j'écrivais l'histoire de mon village, je n'avais pas trente ans, je suis allé le voir pour lui demander quel souvenir il avait de sa nomination par le régime de Vichy comme maire du village d'à côté, Fel, en remplacement d'un premier magistrat évincé parce qu'il était radical-socialiste- et probablement franc-maçon. Il n'avait guère aimé; j'avais beaucoup apprécié qu'il n'ait guère aimé. (p. 44)
La force se distingue de la violence car la première sait où elle va, la seconde se soumet aux pulsions sauvages qui l'habitent. Le capitalisme est une violence, la politique est une force.
Thoreau attaque les soldats, les militaires, les prêtres, les journalistes, les prédicateurs, l'école, l'Etat, l'Eglise, l'argent, les hommes politiques. Il écrit : "Je suis habité par des pensées de meurtre envers l'état et mon esprit ne peut s'empêcher de comploter contre lui". Mais il cueille un nénuphar et recouvre sa sérénité. (p. 103)
Le pouvoir du peuple au peuple par le peuple fut un miroir aux alouettes ; il n’y eut que confiscation de ce pouvoir par ceux qui ont alors prétendu parler pour le peuple, en son nom. La propagande est le maître mot des partis et de la presse qui constituent l’avers et le revers de la même médaille. Les deux laissent croire aux formes de la démocratie mais, dans le fond, ils travaillent à un régime autoritaire, tyrannique, dictatorial.
La mort
Présence
D'une absence.
Hier, la gauche condamnait le pouvoir de l'argent et le combattait au nom de l'humanisme. Elle luttait contre le Capital qui exploitait les enfants dans les mines et voulait les sortir des galeries de charbon pour les éduquer dans les écoles. Aujourd'hui, ce qui se présente comme la gauche défend l'idée que les pauvresses rendues misérables par le capitalisme (qu'elle ne combat plus) puissent louer leur utérus à des riches désireux d'implanter leur foetus dans des ventres de location - comme on loue une place de parking ou un garage.
Tout n’est que vanité et poursuite du vent. Demain est un autre jour. Semblable à aujourd’hui. Car ne l’oublions pas, Après demain, demain sera hier, et plus loin qu’après demain nous ne serons plus rien. Or, plus loin qu’après demain c’est très vite, c’est bientôt, c’est demain. Tout à l’heure, peut-être. (p95)