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Critiques de Michel Ragon (133)
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La mémoire des vaincus

« La conscience de l’anarchie »



Contre toutes les oppressions, la vie de Fred Barthélémy traverse le XXe siècle et son histoire comme une étoile filante.

Véritable viatique de l’utopie en marche et du mouvement libertaire, le livre de Michel Ragon est une fresque sociale passionnelle qui balaie l'histoire du regard des laissés-pour-compte. Pour ne pas oublier et espérer.



« Il suffit de quelques uns pour que la mémoire des vaincus ne sombre pas dans le néant. »
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Le marin des sables

« Homme de sable et de sel, la mer le fascinait. »

Avec Le Marin des sables j’ai donc largué les amarres et pris le grand large, cap à l’Ouest, à bord du Saint-Dimanche, en compagnie de l’Olonnois pour découvrir le Nouveau Monde et plus précisément les Indes occidentales au temps des flibustiers français, grands coureurs de la Caraïbe au XVIIe siècle et ennemis jurés des lanceros et pirates espagnols, anciens maîtres de cet espace insulaire.



L’Olonnois, un jeune homme de vingt ans qui, comme de nombreux autres parias, fuit la pauvreté, la terreur et la violence (guerre civile entre catholiques et protestants), et signe un engagement de trois ans pour Saint- Domingue afin d’assouvir ses rêves de nouveaux horizons.



Ainsi c’est la destinée de cet homme, peut- être fils de saunier des Sables d’Olonne, qui nous est conté par Michel Ragon sur près d’un quart de siècle.



Sur les traces de l’Olonnois surnommé le Fléau des Espagnols, je suis allée de découvertes en surprises . Tout d’abord j’ai partagé son quotidien au sein de la communauté des boucaniers, chasseurs et fournisseurs de viande fumée, vivant comme une bête de somme, exploitée jusqu’au sang, un enfer au milieu d’une nature luxuriante. Ensuite l’accompagnant dans sa fuite, j’ai vécu quelques temps avec les Arawaks, qui vivaient leurs derniers jours, dans une atmosphère apaisante. Puis après avoir connu, l’enfer et le paradis de Saint-Domingue, l’île de la Tortue, bastion de la flibusterie française m’a accueilli, me livrant ses secrets et arnaques : l’amatelotage, les codes des Frères de la côte, la vie particulière de ces hommes « sans foi, ni loi », épris de liberté, aux rêves aussi grands que les mers qu’ils sillonnaient.



Peu à peu, je me suis attachée à l’Olonnois et à son équipage jusqu’au dernier voyage, de défaites en exploits, d’échecs en réussites, d’expéditions en explorations, j’ai pu le voir grandir, apprécier l’homme qu’il était devenu, avec ses contradictions et paradoxes. Avec talent Michel Ragon brosse le portrait de ce flibustier nous le rendant émouvant et tendre bien qu’ il soit réputé pour sa cruauté, sa férocité, et la haine viscérale qu’il vouait aux espagnols mais toujours animé par le désir et le rêve de trouver un monde digne d’un Eden où le soleil ne se coucherait jamais.



Roman d’aventure, roman historique je remercie Michel Ragon pour ce voyage qui m’a permis de découvrir et imaginer la vie de François l’Olonnois dit aussi l’Olonnais, l’un des plus fameux flibustiers français, contemporain de Michel Le basque, compagnon avec lequel il réussit la prise de Maracaïbo.



Pour information, le premier à référencer les aventures de l’Olonnois fut un de ses contemporains Alexandre-Olivier Exquemelin (1645-1707) chirurgien de la flibuste mais auteur entre autre de Flibustiers du Nouveau Monde et d’une Histoire des Frères de la Côte. Michel Ragon semble s’être inspiré de la vie de ce dernier pour camper un de ses personnages, Antoine le chirurgien de l’équipage et de ces récits pour broder cette fabuleuse aventure.



Une lecture dépaysante, instructive. Un périple mouvementé.
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Les mouchoirs rouges de Cholet

« Du temps que l’Océan n’était qu’un désert d’eau bouillonnante, on trouvait une île que l’on appelle aujourd’hui Noirmoutier, celle ou d’Elbée fut fusillé par les bleus et qu’habitaient en ce temps-là des sorciers. L’enchanteur Merlin y naquit d’une druidesse et d’un démon. A dix ans, l’enchanteur Merlin épousa une sorcière d’une grande beauté qui, dans ses cornues, cherchait à transformer le sable de la mer en lingots d’or. Elle fit tant chauffer ses cornues qu’elles explosèrent dans un grand bruit de tonnerre et que la belle sorcière disparut. Pour se désennuyer du veuvage, l’enchanteur Merlin se mit à composer avec de la glaise, un os de baleine et une fiole de sang, les géants Grandgousier et Gargamelle. C’est Grandgousier et Gargamelle qui, plus tard, engendrèrent Gargantua. Gargantua était un géant si grand que, lorsqu’il s’asseyait sur la cathédrale de Fontenay-le-Comte, et qu’il posait un pied sur celle de Luçon et l’autre sur celle de Niort, il pouvait se pencher sur le marais et boire dans une seule goulée la Sèvre Niortaise, la Vendée et L’Autize. »



Noirmoutier est l’Ile chère à mon cœur, ma madeleine de Proust, réminiscence de ces mois de vacances précieux qui ont marqué mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse, ma vie d’adulte. Imprégnée des récits des guerres vendéennes, des faits d’armes de François Athanase Charrette de la Contrie, du général d’Elbée et d’Henri de la Rochejaquelein, même si, adolescente, je n’en ai conservé que le côté romanesque, il était évident que ces « Mouchoirs rouges de Cholet » de Michel Ragon, sur les guerres de Vendée ne pouvaient qu’attirer mon attention.



Michel Ragon que j’ai découvert à la suite d’une critique écrite par @Dandine sur « La mémoire des vaincus » et que je remercie vivement, ici, possède un talent de conteur à l’image d’Henri Vincenot ou Jean Giono. Son parcours est assez exceptionnel. Né dans une famille vendéenne, orphelin de père à huit ans, il quitte l’école à quatorze ans. Passionné par la littérature et l’art, il n’aura de cesse de se cultiver au point de passer un doctorat à l’âge de cinquante ans, de devenir un expert reconnu en art abstrait et architecture.



C’est au décès de sa maman qu’il éprouve la nécessité de se pencher sur ses racines vendéennes. Ses recherches vont l’inspirer et il écrit entre autres, « Les mouchoirs rouges de Cholet ».



J’ai beaucoup aimé ce livre. Michel Ragon porte une grande tendresse à ses personnages, la lecture en est tout imprégnée. Et pourtant, la violence est omniprésente. Elle se laisse deviner après les combats comme elle se fait plus intense dans le quotidien de ces courageux paysans. Pour nous aider à mieux comprendre l’état de la Vendée après le passage des Colonnes Infernales du Général Tureau, l’auteur imagine cette fiction historique qui nous plonge avec réalisme au cœur d’un village dont il ne reste que des ruines, nous permettant ainsi de prendre la mesure de ce que furent ces années terribles de guerre civile. Le style de l’auteur, l’affection qu’il porte à ses personnages, le foisonnement sociologique donnent un récit qui n’a rien de comparable avec la noirceur de La Terre de Zola.



Nous sommes en 1796, dans un paysage meurtri, incendié, ravagé par les Colonnes Infernales de Tureau, général républicain chargé d’anéantir les derniers foyers insurrectionnels de la Vendée militaire - l’armée catholique et royaliste - laissant libre cours aux exactions habituelles, pillages, viols, tortures, massacres de masse.



L’accalmie tant attendue s’annonce. L’apaisement incite les survivants à sortir de leur cachette tapie au fond des bois. Ils se regroupent, enterrent leurs morts, se comptent sur les doigts de la main. Habillés de guenilles, affamés, mués par l’instinct de survie, les paysans retrouvent la force, le besoin de reconstruire leur village. Ils réorganisent leur quotidien avec ce qu’ils trouvent, avec ce que la nature peut encore leur offrir afin de survivre. L’écriture si réaliste de l’auteur fait du lecteur le témoin de cette renaissance. Alimentant notre imaginaire de multiples détails du quotidien ou de l’artisanat, de dialogues dérivés du patois, de nom de villes ou de villages, Michel Ragon nous suggère la vision de ce paysage assassiné et du courage qu’il faut pour tout recommencer, pour exister, pour perpétrer dans un monde rural exsangue.



Nous faisons la connaissance de Dochâgne, de Chante-en-Hiver, du curé-Noé, de Tête-de-Loup, de Louise et c’est peu à peu la résurrection de tout un village à laquelle nous assistons jusqu’à La Restauration.



Le récit est parfois très émouvant, parfois désespérant et parfois très drôle. A force de tous les accompagner, de pénétrer leur intimité, de les imaginer évoluer, de ressentir leur peine, de se les représenter à la fois ignorant, fruste mais aussi solidaire, pragmatique, parfois en rivalité, on redevient soi-même « Jacquou le Croquant », même si ce n’est pas la même région.



C’est ainsi que l’on prend la mesure de la vraie misère, des conséquences de ces guerres de Vendée, l’indigence qui parle de famine, des mauvaises récoltes, l’eau des puits impropre, l’incurie quant aux soins des enfants qui en meurent, de l’ignorance dans laquelle est maintenue le paysan, soumis à l’Eglise, sujet de toutes les superstitions, ce paysan qui préfèrera crier famine plutôt que de manger une pomme de terre qui serait le légume du diable.



Mais j’ai aimé retrouver la valeur des choses, revenir à l’essentiel comme celle du feu ou celle du pain. Il y a ainsi de très beaux passages messagers d’une grande portée symbolique. Découvrir les us et coutumes, leurs ogres et leurs fradets, leur façon de vivre leurs mythes fut pour moi comme un retour aux sources, un retour à l’authentique si ce n'est l'absence de la médecine dans ces territoires ruraux qui s'est longtemps heurtée aux croyances et superstitions.



Si l’essentiel du roman de Michel Ragon s’intéresse plutôt aux conséquences de l’après guerre de 1793/1796 sur le quotidien des Vendéens, il pousse son analyse sociologique jusqu’à nous faire sentir à quel point les préoccupations de ces combattants du quotidien étaient éloignées des enjeux de la politique. Pour eux, les comportements des pouvoirs successifs ainsi que les compromissions leur paraissaient totalement abscons et ne pouvaient que les décevoir d’autant que les persécutions n’ont pas cessées pour autant, ce qui fera dire à Dochâgne :



« J’ai vu tant de misère que j’ai perdu mes chansons »



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La mémoire des vaincus

Magnifique fresque qui nous permet de découvrir de l'intérieur la Grande Histoire.



Grâce à un personnage fictif, anarchiste et libertaire, l'auteur nous fait vivre et rencontrer des personnes bien réelles qui ont participé à écrire les grands faits du XXème siècle.



Depuis la Commune de Paris en passant par la Première Guerre, la Révolution Russe, le Front Populaire en France, la Guerre d'Espagne, la Seconde Guerre Mondiale jusqu'à mai 68, vous découvrirez, à travers le parcours de cet homme, L Histoire en marche en étant au plus près des évènements.



Je n'en dirai pas plus et préfère, si vous voulez en savoir plus, vous renvoyer vers la magnifique critique faite par Hardiviller sur cet ouvrage et qui m'avait incité à le lire.



Ce livre me renvoie juste à Robert Margerit qui sur le même principe d'un personnage inventé, nous fait découvrir et participer à la Révolution Française, n'hésitant pas comme dans ce présent ouvrage, à nous faire asseoir à la table de personnages illustres.



Si vous aimez L Histoire, la petite et la grande, alors....







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La mémoire des vaincus

C'est avec beaucoup de respect et avec beaucoup d'empathie que Michel Ragon a ecrit cette biographie romancee d'un homme (fictif? avatar de quelqu'un qui a reellement existe et dont il cache le vrai nom?) qu'il nomme Fred Barthelemy et qui represente a lui tout seul la trajectoire des anarchistes au XXe siècle. Et il a reussi a m'inoculer cette empathie.



C'est une histoire de luttes populaires, de reves et d'ideaux qui ont marque la realite europeenne et occidentale pendant pres d'un siècle. Des bombes de la Bande a Bonnot jusqu'a l'apres Mai 68, en passant par la revolution russe d'Octobre, la guerre civile espagnole, les emprisonnements et deportations de la deuxieme guerre mondiale, et les efforts pour publier une presse libertaire tout le long du siècle.



C'est la memoire de gens qui ont lutte pour une meilleure societe et qui ont ete vaincus par l'histoire. Vaincus? Ceux qui luttent, qui n'arretent pas de lutter, peuvent-ils etre jamais vaincus? Pas vraiment, ils renaissent a chaque fois de leurs cendres, comme le phenix. Et ces vaincus continuent peut-etre leur lutte par l'entremise du livre de Ragon: la lutte pour une memoire non diabolisee. La memoire de societes revees, de revolutions qui ne purent jamais etre menees a terme mais a chaque tentative conquerant de nouveaux esprits, de nouveaux lutteurs.



Autour de ce Fred Barthelemy fictif Ragon fait vivre nombre de personnages historiques reels. Des libertaires francais oublies comme Paul Delessalle, Rene Valet, Louis Lecoin (je les cite pour que leurs noms soient ecrits encore une fois, ils meritent bien ca) et des figures comme Lenine, Trotsky, Victor Serge, la feministe avant l'heure que fut Alexandra Kollontai, le meneur de paysans ukrainiens Makhno ou l'espagnol Durruti. Il raconte l'acharnement des communistes contre les libertaires, acharnement que nous comprenons aujourdh'ui quand nous savons que ce qui se targait d'etre une dictature du proletariat n'etait que la dictature d'un parti.



Ragon a ecrit un beau livre. Je me repete: il a reussi a me faire partager son empathie pour son (en fait ses) heros. Dans cet etat d'esprit je clos ce billet avec des mots de Leo Ferre:

Les anarchistes

Ils ont un drapeau noir

En berne sur l'espoir

Et la melancolie

Pour trainer dans la vie

Des couteaux pour trancher

Le pain de l'Amitie

Et des armes rouillees

Pour ne pas oublier

Qu'y'en a pas un sur cent et qu' pourtant ils existent

Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous

Joyeux et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout.



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La mémoire des vaincus

"Le pouvoir est maudit, c'est pourquoi je suis anarchiste"

Louise Michel





Récit de la vie d'un homme et de ses idées, "La mémoire des vaincus" oscille entre la fresque historique et la biographie romancée, pour mener le lecteur dans les méandres de l'Histoire et vers des piles de livres à lire, s'il se trouve captivé par le propos.



Cela tombe bien, Fred - Gavroche des années 1910, rencontre un jour les livres chez le libraire libertaire Paul Delesalle et ce sont ces livres, les publications de tous ordres que l'adolescent va avidement faire siens, dans la librairie de cet homme, qui vont déterminer sa vie. Tout autant que les rencontres fortuites quand il faut trouver un endroit où passer la nuit, un endroit où se mettre à l'abri avec Flora, petite fille évadée d'une vie trop dure et dont il se sent responsable.



Des Tranchées de la Grande Guerre à la Révolution Russe, des balbutiements du communisme russe au Front Populaire en traversant la Guerre d'Espagne, c'est l'honnêteté d'un homme épris d'une idéologie qui est contée : des erreurs, il en fera, qu'il ne contestera pas, trop innocent, trop naïf, trop pressé de voir la vie quotidienne changer, devenir plus équitable mais l'égalité masque la liberté et en perdant la primordialité de cette notion précieuse de liberté, il se laisse emprisonner dans un régime politique dont il s'aperçoit vite qu'il n'est qu'une prison autre pour l'homme simple qui n'aspire qu'à vivre de son travail.





Passionnant récit qui nous fait rencontrer les grands hommes de l'époque, qui nous fait croiser les meneurs d'idées. Captivant propos qui nous présente de nombreuses pistes pour lire davantage L Histoire avec autant de lampes éclairantes qu'il y a d'interprétations sans ne garder que celle des manuels et celle de ceux qui la déguisent pour s'en arranger.



A ceux qui pensent qu'"Anarchie veut dire Terrorisme", donnez le livre.

A ceux qui pensent que "les idées libertaires sont dépassées", donnez le livre.

A ceux qui pensent que l'égalité est le fondement, parlez leur de la liberté comme emblème premier.



Alors oui, c'est un récit de l'Histoire teinté d'idées libertaires, oui, c'est une histoire de l'Anarchie au vingtième siècle, mais quelle gifle, quel bonheur de penser que l'utopie pourrait se réaliser. Ce livre donne le droit de rêver à une autre vie. Quel espoir de se dire que la vie sans gouvernants, sans pouvoir, sans jalousie pourrait être, que le vivre-ensemble pourrait être une réalité, que le mot solidarité pourrait prendre toute sa puissance.

Il suffirait de quelques hommes de bonne volonté et de quitter ce mode de pensée qui fait que l'homme désire toujours, jalouse toujours, est avide et jamais résigné de son bonheur.





Fred a traversé les chaos de l'Histoire, il nous reste de sa "mémoire", à méditer les possibilités de ses idées... "Vaincu", il ne l'est pas puisqu'il a su me convaincre, mais peut-être l'étais-je déjà, persuadée qu'un mode de vie autre existe et qu'il serait urgent d'y attacher nos regards.





« Des prétendus morts nous accompagnent, vivent avec nous, en nous, plus que tant de vivants que l'on côtoie chaque jour avec indifférence. »
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Un si bel espoir

Y a-t-il jamais eu "Un si bel espoir" que celui qui inspira la révolution de 48 ?

Ce livre m'a été conseillé par la personne qui compte le plus pour moi.

C'est dire si Michel Ragon a de la chance.

Mais il ne s'en doute même pas.

Le malheureux !

C'est dire si je me suis plongé dans ce livre avec envie.

Mais je n'y ai pas tout de suite senti le souffle généreux qui traversait "La mémoire des vaincus", "Les mouchoirs rouges de Cholet", "Le marin des sables" et "Le roman de Rabelais".

Le roman s'annonçait comme un bon roman.

Mais de Michel Ragon, on attend toujours mieux qu'un bon roman.

Ce livre est l'histoire d'Hector, un jeune architecte né d'un père charpentier et d'une mère ravaudeuse.

C'est l'histoire de ses amitiés, de ses révoltes et de ses ambitions déçues.

C'est l'histoire de son destin tragique coincé entre la révolution de 48 et la Commune ...

Paressant tout d'abord presque timide dans sa première moitié, le récit développe ensuite sa véritable tournure.

La peinture n'apparait-elle pas vraiment que presque sèche ?

Ce roman est historique.

Il redéfinit finement, mieux encore qu'un manuel d'Histoire, le Second Empire.

Mais plus que ça, il est humain, généreux et parfois cruel.

Le grand Hugo, lui-même, y est remis à sa place.

Avec le portrait d'Hector, Michel Ragon réussit la peinture du "révolté", qui s'enthousiasme, qui renonce, qui se gaspille et qui finalement paie le prix de ne s'être pas vendu.

Ce livre est engagé.

Et finalement j'y ai senti ce souffle qui souvent traverse les

livres de Michel Ragon.

Peut-être a-t-il raison, nous sommes tous un peu les vaincus de 48 ...
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La mémoire des vaincus

"Y en a pas un sur cent, et pourtant ils existent, la plupart fils de rien ou bien fils de si peu, qu'on ne les voit jamais que lorsqu'on a peur d'eux -les anarchistes !" chantait Ferré, et c'est ce qu'illustre cette épopée de l'anarchisme en France, de la bande à Bonnot à Mai 68.

Ce roman est une biographie de Fred Barthélémy (personnage fictif), gamin de Paris qui va traverser l'Europe et le XXe siècle au gré des révolutions. Fervent anarchiste, il va croiser les grands noms de l'Histoire, de Moscou à Barcelone, mais également les écrivains et peintres de l'entre-deux-guerres.

J'ai adoré ce roman, qui fourmille d'informations sur le mouvement anarchiste, son idéologie et ses principaux représentants, et propose une interprétation libertaire de l'Histoire. Et même si cette interprétation diverge parfois de la mienne, j'ai apprécié l'enrichissement qu'elle m'offre.

Mais ce roman décrit également la France ouvrière de la première moitié du XXe siècle, entre l'usine, les bals, les dimanches en famille, et pose la question du militantisme quand on n'est pas un professionnel de la politique, mais que l'on rêve d'autogestion et de liberté.

Nul besoin d'avoir des connaissances approfondies en Histoire pour plonger dans ce livre, tant l'écriture de Michel Ragon est didactique sans jamais être pesante : on apprend à chaque page. Et difficile de lâcher ce récit qui, bien que sobre, vibre de sincérité, et nous place du côté des perdants de l'Histoire -pourtant initiateurs de quelques uns plus grands événements du XXe siècle, mais promptement effacés de la mémoire collective. L'auteur rend donc un hommage passionné et passionnant à tous ces anars qui "ont tout ramassé, des beignes et des pavés, (qui) ont gueulé si fort qu'ils peuvent gueuler encore, (qui) ont le coeur devant et leurs rêves au mitan, et puis l'âme toute rongée par des foutues idées" (Léo Ferré).

Un roman hautement recommandable, pour qui souhaite s'ouvrir un peu plus l'esprit, et préserver et transmettre cette mémoire des si beaux vaincus.

Salut et fraternité.



Et très grand merci à Hulot pour m'avoir fait découvrir ce livre.
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La mémoire des vaincus

En cette période électorale, il est amusant que je lise un livre qui met en scène un homme qualifié de libertaire et qui revendique son appartenance à l'anarchie.

Pour être honnête, j'avais une vison assez étriquée de ce qu'étais pour moi un anarchiste : pour moi cela se résumait à poseur de bombe ou assassin de personnes célèbres. Oui, la réalité est un peu plus compliquée que cela.

Michel Ragon nous entraine dans une sacrée page d'histoire en nous faisant découvrir un personnage assez incroyable et terriblement vivant : Fred Barthélemy. Ce dernier, jeune parisien , va côtoyer toute une brochette de personnages ayant fait l'histoire avec un grand H. de certains membres de la bande à Bonnot jusqu'à son séjour dans la toute jeune république soviétique où il rencontrera Lénine, Trotsky et bien d'autres, Fred est sur tous les fronts ( ou presque ) où souffle un vent de liberté ( quoique, quelquefois, ce n'est pas vraiment le cas, son séjour chez les soviets le prouvera parfaitement ) . Il continuera toute sa vie à défendre ses idées et ses convictions, même en risquant sa vie, son passage en Espagne pendant la guerre civile en est un bel exemple.

Homme entier, Fred est un personnage attachant qui traverse le vingtième siècle sans perdre son intégrité morale . Difficile pour moi de ne pas penser à nos politicards de tous bords qui sont eux aussi sur tous les fronts mais pas pour les mêmes raisons.....



Challenge ABC 2016/2017

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La mémoire des vaincus

Avec Michel Ragon , les " vaincus " de l'histoire ont trouvé leur mémoire ( la formule n'est pas de moi ) . Le terme de vaincu me défrise ( " les trahis " est certes moins accrocheur mais " les perdants magnifiques " me conviendrait ) , il n'en reste pas moins que le texte nous met devant l'évidence qu'un parcours libertaire ne se résume pas comme le dit Crazinath à " poseur de bombe ou assassin de personnalités " .

La devise républicaine " liberté , égalité , fraternité " ainsi que le souligne paulotlet contient des idées qui ne sont pas contradictoires : peut-il y avoir liberté sans égalité , et sans fraternité , l'égalité et la liberté n'ont-elles pas de limites ?

Bien sur le personnage de Fred Barthélemy est une fiction mais non sans chair réelle ..... il se dit sur la toile en cherchant bien qu'il serait une sorte de mélange entre Henry Poulaille et surtout Marcel Body ( avec le B et le Y de Barthélemy ) .

Pas forcément objectif , le rédacteur de ces quelques lignes , vu les opinions affichées sur son profil , j'en conviens , mais ni Ragon , ni les libertaires ( en général ) , ne font de prosélytisme , ne cherchent à convertir à une doxa , ne se réclament de la perfection . Ragon le dit ainsi , dans ( La voie libertaire ) : la voie libertaire n'est pas confortable . Elle est , puisque minoritaire , la voie de la solitude et du doute ...... dés lors pourquoi aiguiller les autres sur ce chemin inconfortable ? Il est mieux de suivre sa voie et si d'autres ont de l'empathie avec votre démarche , accompagnons-les fraternellement en les laissant libres de se tromper en prenant les raccourcis ou les chemins buissonniers de leur choix . C'est un peu dans cette optique que Ragon nous relate la vision des " vaincus " ( décidément , j'ai du mal avec ce terme ) .

En début de livre Fred par sa faim de lecture copine avec un vieux bouquiniste , ce n'est pas à vous , babéliotes , qu'il faut expliquer ce que cela représente de chance et de bonheur ! ..... sur ses vieux jours Fred devient libraire , il transmet à ceux qui le fréquentent , ce que les livres lui ont donné .... un bon parcours d'autodidacte convaincu de l'acquisition des connaissances par ce biais .

Ayant moyennement apprécié " Un si bel espoir " de Ragon , c'est babélio qui m'a mis sur la piste de " La mémoire ... " , comme un juste retour des choses , je me trouve doucement contraint de vous inciter à lire ce livre et s'il vous convient , d'en faire autant . La lecture des 12 pages du prologue vous diront à peu de peine si le livre , entre vos mains , vaudra la peine que vous en poursuiviez la lecture . La première de couverture ( illustrée avec le tableau " il quarto stato " de Guiseppe Pelizza da Volpedo , s'il vous attire l’œil attisera votre appétence . Enfin , si le goût de l'histoire , la véritable , pas celle des " vainqueurs " vous tente , l'affaire est dite .

La citation de Péguy : " L'idéal c'est quand on peut mourir pour ses idées , la politique , c'est quand on peut en vivre " , illustre clairement l'engagement libertaire et donne raison à la critique de Crazynath . Il est tout de même , convenons-en , préférable de survivre à ses idées ..... ne serait-ce parce que se réalisera sans doute , l'utopie ou une de ses heureuses variantes , rêvons-en pour nous ou souhaitons-le pour les prochaines générations ..... " Nous aurons tout dans dix mille ans " disait dans un excès de pessimisme Ferré la mauvaise graine .

Les meilleurs livres ont quelques fois des imperfections et celles qui me viennent à l'esprit sont le peu de mots , voire les silences à propos de certains contemporains de l'histoire , tels qu'Emma Goldman , Louis Lecoin , et d'autres figures de l'anarchisme et de trop nombreuses lignes consacrées à des vauriens tels que Doriot et autres traîtres à la cause du communisme-libertaire ; Traîtres est le juste mot car si se tromper est permis , tromper les autres est moins glorieux . Ragon , relativise cela , il montre mais sans condamner , nous laissant juges de le faire ou pas et à l'instar d'Ivo Andric semble avoir semblable pitié envers ceux qui font le mal comme envers ceux qui le subissent .

Veuillez me pardonner d'une si longue critique ( dont je ne suis pas coutumier ) et si vous n'aimiez pas ce livre , je reçois volontiers les griefs , donc ne vous en privez-pas .

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Histoire de la littérature prolétarienne de lan..

De la lecture pour des années !



Pour être un écrivain prolétarien, il faut, selon Henri Poulaille, être né dans le prolétariat, être autodidacte, être ouvrier manuel, employé, instituteur ou encore paysan. Fort heureusement, Michel Ragon ne se contente pas de ces normes trop strictes pour établir son ouvrage. D'ailleurs, si l'on s'en tient à ces critères, Henri Poulaille lui-même, qui a tant fait pour la littérature prolétarienne à travers ses publications, ses journaux , ses "clubs" d'écrivains, serait exclu du cercle des écrivains prolétariens.





En commençant son récit à partir du moyen-âge avec les chansons de métiers et de compagnons comme témoins à travers les âges, jusqu'au XXè siècle, Michel Ragon nous dresse un portrait complet de ce que sont ces récits qui se veulent avant tout témoignages.



C'est surtout à partir de 1850 que l'on retrouve des écrits venus jusqu'à nous et c'est un inventaire critique de ces auteurs que nous propose ce livre avec, tout au long du récit, des extraits de chansons ou d'écrits ainsi qu'en fin d'ouvrage une petite biographie de chacun des écrivains cités.



Avant cela, Michel Ragon définit en détail ce qu'est cette littérature qu'il ne faut pas confondre avec la littérature libertaire.

Il raconte les luttes avec notamment le parti communiste qui cherchait à récupérer ces écrivains et dénonce également tous ces auteurs tel Lamartine, Sand et plus tard Aragon, par exemple, qui se veulent écrivains prolétariens alors qu'ils n'ont jamais connu le milieu ouvrier.





Un très bel ouvrage dans lequel Michel Ragon, comme toujours, a mis toute sa fougue, sa passion et ses connaissances pour faire revivre ces très nombreux auteurs qui souvent n'ont écrit qu'un seul livre témoignage et qui sont ensuite retombés dans l'oubli.

Un seul regret, bien souvent ces écrivains n'ont pas été réédités et leurs ouvrages sont très diddiciles à trouver.



Merci à Michel Ragon pour toutes ces découvertes qui promettent de belles lectures instructives.
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Le Roman de Rabelais

très chouette ce petit livre, une mine sur Rabelais qui ne cherche pas à en mettre plein la vue, très accessible. on sent l'amour de l'auteur pour ce personnage hors normes, cet amoureux de la vie et du savoir que sa curiosité aurait pu mener au bûcher. un hommage mérité que je recommande.
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La mémoire des vaincus

Employer le vocabulaire " coup de cœur"pour ce roman historique est désuet...et pourtant c'en est un énorme ! Mon ami Hardiviller m'avait donné le désir de le le lire à travers sa très belle Critique et mon fils me l'a mis sur mon chemin,nous étions donc faits pour nous rencontrer !

Fred Barthélémy le personnage central du roman est , à priori,un personnage fictif mais à en croire certaines rumeurs, il ne serait pas totalement dénué de réalité. Quoiqu'il en soit,ce Fred m'a permis un voyage dans le temps et surtout dans l'histoire du mouvement anarchiste et de l'utopie libertaire de 1917 à notre époque. Fred n'est qu'un gavroche quand nous faisons connaissance avec lui. Déjà il tombe amoureux de Flora,fillette à l'odeur de poisson qui fuit la tyrannie de ses parents qui restera l'Amour de sa vie, mais aussi de la Liberté qu'il cherira jusqu'à son dernier souffle. Dès lors le long chemin de Fred n'aura d'autre motivation que la quête de la liberté, conjuguée au singulier mais surtout au collectif ! Aidé par le libraire Delsalle qui deviendra son père spirituel,il découvre la lecture à travers Les Misérables... propulsé quelques années plus tard sans le vouloir au cœur de la révolution Russe il va vivre pendant six ans le rêve révolutionnaire mais surtout la mise à mort de l'idéal révolutionnaire. Ils côtoie les plus grands comme le peuple,participe comme il le peut à promouvoir les idées anarchistes mais assiste à l'installation de l'hyper burocratie, aux luttes sanglantes pour le pouvoir qui font passer des plus beaux espoirs au pire de ce que peut créer l'Etat. Ainsi il voit abolir la peine de mort mais vit aussi les exécutions de la Tcheka, prône l'antimilitarisme et constate la militarisation de la classe ouvrière, applaudit les soviets et les voit remplacés par la dictature dite prolétarienne...une mutation terrible dont les anarchistes de tous pays n'auront de cesse de combattre.

Le roman est constitué de deux grosses parties. La première par ces six ans en Russie et la seconde par le retour de Fred en France. Après avoir tenté l'anonymat et une vie rangée par le mariage,la vie d'ouvrier chez Renault,il reprend la lutte car il ne peut tolérer que la mémoire de tous ceux qui sont mort pour la liberté ne soit bafouée. Surtout, il croit encore à la possibilité d'un autre monde et il veut contribuer à relier tous les partisants de cette cause. Il sera pris dans les remous et trahison du front populaire, embringué auprès des anarchistes Espagnol pour lutter contre Franco et la montée du nazisme puis continuera,autant que possible de porter le message de la liberté . Dans cette splendide fresque historique j'ai rencontré les personnages les plus influents,Lénine, Trotsky,Blum et tous les hommes politiques de cette période ,mais aussi les peintres,cinéastes,écrivains,penseurs. J'ai déchanté de bien de mes illusions sur beaucoup d'entre eux mais j'ai aussi découvert des personnages magnifiques, Makhno, Durruti... j'ai même retrouvé mon amoureux de la bd Les travailleurs de la nuit,Marius Jacob. Les femmes ne sont pas oubliées et j'ai aussi fait connaissance avec une des plus grandes féministes qui soient, Alexandra Kollontai...il y aurait tant à dire tant ce roman est riche sur tous les registres! Mais je me rends à l'évidence,je n'arriverai jamais à transmettre vraiment ce que j'aimerais . Si c'était une fiction,mes étiquettes seraient: trahison,complot,manipulations politiques,mais aussi : aventure,amour, solidarité,humanisme,et Liberté...
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Le Musée du XXe siècle de Michel Ragon

Paris, Sur les quais , samedi 17 février 2024-



COUP DE COEUR !



Déniché par hasard une vraie pépite, auprès d'une bouquiniste passionnée et passionnante ( quai de l'Hôtel de Ville)...Moment de discussion sympathique autour de Léon Werth, l'ami de St Exupéry." Victoire " ( prénom de cette bouquiniste) était ravie d'échanger sur cet écrivain qu'elle trouvait injustement méconnu...Ce qui explique sûrement son plaisir redoublé d'échanger sur cet auteur avec une cliente qui connaissait !!



Et au final, je suis repartie enchantée, avec ce catalogue consacré à un écrivain- critique d'art que j'affectionne tout particulièrement depuis fort longtemps : Michel Ragon...que j'ai rencontré la toute première fois par ses recherches et écrits sur les " écrivains prolétaires "...; ensuite j'ai pris connaissance de ses textes sur l'Art et l'architecture, pour finir par ses romans très vivants sur Rabelais et sur

l' Amitié entre Clémenceau et Louise Michel...



Revenons à cette publication datant de 20 ans.Il s'agissait d' un hommage de la Vendée au célèbre critique d'art et à l'auteur des " Mouchoirs rouges de Cholet" accompagné par les oeuvres de ses amis peintres et sculpteurs: Atlan, César, Corneille, Dubuffet Harting, Guitet, Poliakof, Viallat, Soulages Vasarely, Mathieu, Fautrier, Zao Wou- Ki, etc.



De très beaux textes de ses autres amis écrivains finissent d'illustrer à merveille le parcours aux milles vies de cet autodidacte, grands amis comme Michel Chaillou, Amin Maalouf, Robert Sabatier, etc.



(***un incident d'enregistrement m'a " écourté brutalement cette critique !!!)



Je notais , entre autres, mes préférences d'oeuvres entre celles de Gaston Chaissac (" le volet à tête verte"- 1964 & " Totem à deux visages"- 1960), Jacques Poli ( " Entrée de la vie "-1995), Zao Wou-ki

( " 5 juin 99"- 1999),Hans Hartung ( " T 67- h 25" - 1967) .).... Moins familière et moins attirée par l'art abstrait, j'ai toutefois choisi ce catalogue -hommage pour le parcours très large, très ouvert de ce romancier- critique d'art audacieux...



Grâce à la lecture de ce catalogue, j'ai découvert l'existence d'un roman, prenant comme objet " l'art contemporain ", intitulé " Trompe- l'oeil" dont je ne connaissais pas l'existence.Je vais partir de suite " en chasse"...



Très joyeuse et satisfaite de cette acquisition, qui m'a appris un bon mombre de nouveaux éléments sur cet écrivain, que j'ai suivi depuis très longtemps,

sans oublier ses 10 années de bouquiniste sur les quais...



En plus du domaine de l'art abstrait, où notre écrivain vendéen excellait, une seconde part de ce texte s'attarde sur son oeuvre littéraire...Un parcours époustouflant aux mille ramifications !



Les textes des amis alternent avec des entretiens, dans lesquels Michel Ragon s' explique au mieux, dans son oeuvre double de Romancier et de critique d'art...sans omettre son parcours d'autidacte, orphelin de père, très pauvre, qui, sans sa détermination et sa curiosité insatiable, n'aurait jamais eu accès à l'Art et à la Culture, en général !



"Comment se prend la décision d'écrire un roman plutôt qu'un autre ? Comment s'effectuent le choix du sujet et le passage à l'acte? Vu de l'extérieur, c'est un processus qui reste un peu mystérieux.



- Il n'y a pas de recette.C'est le résultat d'un besoin, d'un hasard, d' une rencontre et c'est différent pour chaque livre.

" L'Accent de ma mère " est né de la mort de ma mère et de mon désir de voir ce qu'il y avait derrière son accent.

Ça a été pour moi un moyen de redécouvrir ma culture première et l'ambiguïté entre mes deux cultures, rurale et savante.Je pensais que ce livre serait unique, une sorte de testament qui expliquerait à quelques uns de mes amis mes contradictions, mes complexités...."









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La mémoire des vaincus

Un anarchiste, aujourd’hui, est un type certainement marginal, vaguement dangereux, et sans doute tenté par un attentat à la bombe. Triste destinée pour un mouvement assez riche sur le plan philosophique, et qui a marqué de son empreinte le XXe siècle – même s’il a eu le mauvais goût de perdre toutes les batailles qu’il a menées.



À travers le personnage (fictif) de Fred Barthelemy, anarchiste convaincu, Michel Ragon nous fait parcourir tous les événements qui ont marqué le siècle : la révolution russe, qui a enfanté des mouvements anarchistes importants (Makhno en Ukraine notamment) et a compté des anarchistes dans les rangs bolcheviques, avant d’en être purgés une fois les guerres extérieures réglées ; et la guerre civile espagnole, pendant laquelle un mouvement anarchiste a émergé pendant plusieurs années, avant d’être écrasé.



On vit tous ces grands événements historiques de l’intérieur, avec un Fred Barthelemy qui fait partie d’une manière ou d’une autre des comités dirigeants. Cependant, on parle finalement assez peu des théories anarchistes proprement dites : Fred attire la sympathie par son enfance bohème, ses convictions intactes et son refus de la compromission même au cœur du pouvoir, et sa capacité à « prévoir » toutes les catastrophes qui vont arriver. Mais s’il est très utile pour souligner les erreurs et les inconsistances des autres, on en saura bien peu sur les dogmes qu’il est censé défendre.



Vivre la Grande Histoire en compagnie d’un personnage attachant, au cœur de toutes les intrigues était un vrai régal. Je recommande tout de même d’avoir un minimum d’intérêt pour la période : le livre est dense, et l’accumulation de toutes ces révolutions « poussiéreuses » aura un effet repoussoir sur beaucoup de lecteurs. Par contre, si vous avez déjà crié « Ni dieu ni maître » ou « No pasarán » une fois dans votre vie, plongez sur ce roman, vous ne le regretterez pas.
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Histoire de la littérature prolétarienne de lan..

Qu'est-ce que la littérature prolétarienne ? Ce n'est pas cette littérature "destinée aux classes pauvres", qui la plupart du temps est écrite par des bourgeois. Ce ne sont pas davantage les oeuvres, d'ailleurs généreuses, où des intellectuels non prolétaires expriment leur vision de l'existence des travailleurs. Il s'agit au contraire d'une littérature de témoignage sur la vie prolétarienne, écrite par des prolétaires, ou d'anciens prolétaires - ouvriers ou paysans. Des autodidactes, par conséquent, nés dans le peuple et ayant eu une formation de travailleurs manuels, qui nous montrent le visage authentique de ce peuple, son évolution, ses aspirations, ses plaintes et ses joies.

Presque tous les écrivains prolétaires sont des auteurs oubliés : certains carrément inconnus, les autres méconnus - moins dans leur valeur littéraire que dans l'importance de leur message social et humain. Comment réparer cette injustice et répondre à l'intérêt croissant qui se manifeste pour la littérature d'expression populaire ? Depuis très longtemps, en effet, il n'existe plus d'ouvrage d'ensemble sur la question. Or, aujourd'hui, Michel Ragon comble cette lacune. Son Histoire de la littérature prolétarienne de langue française< /i> établit un panorama complet, un recensement méthodique qui va du Moyen Âge à nos jours et qui est accompagné d'abondantes citations de ces oeuvres introuvables en librairie.



Bien entendu, cette Histoire est liée très étroitement à celle du mouvement ouvrier, comme à celle de l'évolution paysanne. C'est pourquoi Michel Ragon analyse notamment les rapports difficiles que le Parti Communiste n'a cessé d'entretenir avec les écrivains prolétariens.



Voici donc enfin présente, grâce à cet ouvrage fondamental, une littérature inconnue, oubliée sitôt qu'elle apparaît, une littérature méprisée et condamnée trop souvent à rester marginale. Publiés à compte d'auteur ou chez des éditeurs occasionnels, les ouvriers et les paysans qui écrivent continuent cependant à être nombreux. Avec son talent riche de conviction, Michel Ragon plaide ici pour eux.



http://www.chapitre.com
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La louve de Mervent

Une plongée dans l’insurrection vendéenne de 1832. Car oui, peu de gens le savent, mais il y eut plusieurs guerres de Vendée. La grande, en 1793, puis les petites. Celle-ci fut la dernière. Dirigée contre Louis-Philippe et la monarchie de Juillet, elle fut déclenchée par Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, dite « la duchesse de Berry », belle-fille de Charles X. Une tentative ratée, mal conçue, organisée avec un amateurisme total, de mettre sur le trône son fils, Henri d’Artois, dernier des Bourbons directs.



Concrètement, le livre fait suite aux ‘Mouchoirs rouges de Cholet’, ayant lui pour cadre l’insurrection de 1793. Le personnage principal n’y était encore qu’un enfant, né d’une femme violée par un hussard républicain, recueilli et élevé comme son fils par l’un des survivants. Maintenant, il est adulte, et a développé un étrange pouvoir : c’est un « meneur de loup ». On touche là à un mythe particulièrement ancien, qu’on rencontrait encore dans nos campagnes il n’y a pas si longtemps.



Surnommé Tête-de-loup – parce qu’en plus de s’en faire obéir il leur ressemble – le héros se joint à l’insurrection. Par tradition familiale d’un part. Et puis, comme toutes les révoltes, c’est l’occasion de régler ses comptes avec le meunier arnaqueur, le créancier, le hobereau cherchant à racheter ses terres par des moyens peu honnêtes… Mais en quelques escarmouches c’est la débâcle. Reste la forêt, asile de toujours des proscrits…



Roman très bien écrit et agréable à lire sur un évènement oublié de l’histoire de France. Il vous fera également découvrir l’existence de la discrète Petite Église de Vendée, qui fit dissidence de la grande…
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La mémoire des vaincus

J'ai lu, il y quelques décennies, ‘'Les mouchoirs rouges de Cholet'' et en ai gardé un excellent souvenir. L'auteur est mort en février dernier ; en parlant avec une amie, celle-ci m'a dit : ‘' tu dois absolument lire ‘'La mémoire des vaincus'' et m'a prêté le livre.

A noter : alors qu'on lui demandait, au cours d'un interview, quel était le livre dont il était le plus fier, Michel Ragon a répondu : « La Mémoire des vaincus, sans aucun doute. »



Le prologue m'a emballée et je n'avais qu'une hâte : lire la suite… car ce roman a pour trame la vie d'amis de l'auteur, esprits libertaires et anarchistes dans l'âme, hommes ‘'d'un autre temps''. Michel Ragon, « petit prolo, ayant commencé à travailler à l'âge de 14 ans », est un membre du mouvement libertaire : « Je me suis dit que j'étais le dépositaire d'une mémoire, ayant connu tous les militants anars quand j'étais tout jeune, et après (…) Je voulais faire un grand roman dans la tradition des grands romans populaires du XIXe siècle et par là même, y intégrer des personnages et des idées. (…) Fred est devenu un personnage extrêmement vivant, si vivant même que quantité de lecteurs ont pensé qu'il avait vraiment existé. Mais en réalité, il est le mélange de trois personnages.» (interview)



L'anarchisme, porté au pinacle par les uns, honni par d'autres… Lisez ‘'La mémoire des vaincus'' pour avoir une excellente idée de ce que cela implique à travers l'histoire d'un homme, fourmi invisible de cette partie de la grande histoire… idéaux et trahisons, réussites et échecs, espoirs et déceptions, condition ouvrière vs bourgeoisie, engagement militant vs vie sentimentale et vie de famille. S'y mêlent certains grands évènements côtoyés par ce mouvement, voire auxquels il a collaborés ou qu'il a rejetés : révolution bolchévique, front populaire, guerre civile espagnole, etc…



Un bémol, à mes yeux… « Je serais certainement devenu historien si j'avais fait des études » a dit l'auteur dans un interview ; cette vocation ratée fait souvent tomber le roman dans le livre d'histoire… ce que reconnaît l'auteur : « cela peut décontenancer le grand lectorat. »



L'union libertaire communiste a baptisé ce roman ‘'classique de la subversion'' : « Presque un siècle de la vie politique mondiale vue du côté des vaincus, des oubliés et des proscrits ». Je n'irais pas aussi loin et le définirais plutôt comme roman historique très instructif sur un mouvement dont on parle beaucoup sans le connaître vraiment …

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Le Roman de Rabelais

Quand on aime Rabelais,qu'on l'a lu, qu'on connait sa biographie,et qu on lit ce livre de Ragon, il se peut que l'on aime encore plus Rabelais. En tout cas, c'est ce qu'il m'est arrivé.Découvert par hasard au fin fond de la bibliothèque, je me suis régalée de ce court et alerte roman, qui nous montre un Rabelais sous toutes ses coutures, de moine, de médecin, d'humaniste, un homme avide de découvrir,un artiste, un ami fidèle aussi. Sans doute Michel Ragon a t'il fait de François Rabelais un personnage beaucoup plus lisse qu'il ne l'était réellement, mais la vision qu'il offre de cet homme m'a séduite.Il est vrai que ce roman nous montre le vieux Rabelais, celui qui fait le bilan de sa vie.J'aime sa relation avec toute la famille Du Bellay, j'aime sa "servilité" qui contraste étrangement avec sa liberté d'écriture, j'aime l'amour inconditionnel et aveugle qu'il a porte la reine Marguerite de Navarre,j'aime le regard quelque peu méprisant qu'il jette sur Ronsard et j'aime surtout l'admiration inconditionnelle qu'il porte à Clément Marot, poète éternel s'il en est.

Je me suis promenée quelques heures dans ce 16è (siècle , pas arrondissement ;)) si instable et fracturé, avec ses querelles religieuses et inquisitrices,dans l'atmosphère si particulière à Rabelais, où Pantagruel, Gargamelle,Gargantua, Picrochole et Cie font figures de monstres gentils.

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Mané - Katz

1982 - Relecture 27 mars 2024



Les grands rangements de Printemps, dont celle des bibliothèques débordantes, ont du bon !



Classant mes ouvrages sur les Arts, j'ai retrouvé un petit trésor déniché chez un bouquiniste en 1982, alors que cette monographie sur Mané- Katz, était déjà parue en 1961...

Un peintre - sculpteur ukrainien, dont l'univers, les sujets et les origines font immédiatement songer à ceux de Chagall...



"C'est une peinture, de toutes manières, qui parle avec ses mains, une peinture de conteur oriental bavard qui passe sans transition de la fougue passionnée au burlesque, de la pitrerie à la mélancolie, glissant vite à l'angoisse.

Un personnage de bouffon revient souvent dans ses souvenirs.Et dans ses personnages priant, mains tendues, il y a également du clown tragique, des clowns de Dieu.Malheur aux sacrilèges, mais n'y a- t- il pas quelque pitrerie sublime dans les gestes de tous les prêtres, qu'ils soient fétichistes, israélites ou catholiques ?

Et le judaïsme, plus que tout autre, avec ses lamentations, ses cris, ses imprécations, ne comporte-t-il pas une part de boufonnerie tragique.Il me semble que Mané- Katz s'en soit fait l'écho, peut-être involontairement d'ailleurs, et dans sa peinture, et dans sa vie."



Et " cerise sur le gâteau ", le texte est rédigé par un écrivain -autodidacte estimé et critique d'art, à la carrière brillante: Michel Ragon....



La publication est typique des années 1960: un mélange de reproductions en noir et blanc; celles en couleurs , en moindre quantité, étaient soigneusement " contrecollées "...(*dans cet album, 12 reproductions en couleurs et 52 en noir)



Cette monographie a , de plus,le mérite d'être " bilingue": anglais et français...



En lisant avec attention le texte de Michel Ragon, j'apprends que Mané-Katz à également réalisé quelques portraits (*** en allant " surfer" sur Google, je n'ai trouvé que celui de François Mauriac, magnifique d'intensité et d'expressivité...)



"Il a peint des nus et des " torses", dont " La Jeune fille au peignoir bleu", qui est au Musée de Mons.Ses natures mortes, surtout autour des années 1920, sont nombreuses. (...)

Et il faudrait citer encore ses marins, ses phares, ses tempêtes, ses cirques.Il n'a pas négligé le domaine du portrait.En 1923, fréquentant à Berlin beaucoup de Poètes et d'écrivains russes, il fit le portrait d' Ilya Ehrenbourg qu'il conserva longtemps, jusqu'à ce que la nécessité le contraigne à le vendre deux cents francs.En 1937, il fit à Londres le portrait de Paul Valéry.Au Mexique, il brossa celui de Pablo Cazals.Enfin, pour l'exposition des " Peintres Témoins de leur Temps", consacrée au Portrait, il réalisa celui de François Mauriac.

Il lui arrive de détourner parfois la loi de Moïse en ce qui concerne la représentation du visage humain.Ainsi pour la synagogue de Belleville, qu'il va prochainement décorer, a- t-il prévu d'y faire figurer des personnages dont les têtes ne seront que des taches.Ce qui ne veut pas dire qu'ils seront pour cela moins expressifs."



Bien que l'oeuvre soit très empreinte de l'histoire et du folklore yiddish, Mane- Katz à toutefois abordé tous les genres...au demeurant. ..



Belle relecture que je vais faire " voyager" et partager en l' apportant dans 48 h, à une amie peintre , à proximité des montagnes jurassiennes !

Impatiente de savoir si elle connaît cet artiste singulier, qui appartint aux Montparnos , à l' École de Paris !...



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