Sans quitter sa chambre, le lecteur entre soudain dans le monde de la passion, du désespoir, du voyage, de l'aventure, du risque, de l'ennui. Il entre au pays de Romancie.
Quand on lit un roman, une infinité de minuscules opérations intellectuelles se produisent sans discontinuer : pendant que l’œil parcourt les lignes, l'esprit ne cesse d'enregistrer des informations : ici une indication descriptive, là la surprise d'un événement inattendu, ailleurs la silhouette d'un personnage ou le propos qu'il tient. A cela s'ajoute le fait que le texte n'est pas contraignant comme les images d'un film : à chaque mot, à chaque phrase des interférences se produisent : des souvenirs personnels, des images nées de la rêverie intime viennent indiscrètement circuler entre les lignes. Au surplus, rien de plus libre que l'imagination de chacun : sous les mêmes mots, chaque lecteur fait glisser et tournoyer des images différentes.
le roman est conçu comme le miroir de la réalité : le narrateur est celui qui promène le miroir
La mémoire nous permet de revivre avec intensité et émotion un moi ancien que nous ne sommes plus, et que nous redevenons un instant. Elle peut aussi réactiver un chagrin dont la soudaine violence nous accable. Les jeux de la mémoire et de l'oubli constituent l'expérience proustienne par excellence.
(p.109)
Le temps existe-t-il ? Comment le saisir, comment le penser ? Il échappe à nos prises puisque le futur n’est pas encore, que le passé n’est plus et que le présent ne demeure pas : il n’est qu’un glissement perpétuel. Le roman est peut-être le truchement privilégié qui permet de se représenter le temps.
Le héros de roman conquiert en trois cents pages – quelques heures de lecture – ce qu’on n’obtient dans la réalité que peu à peu, à force de besogne et de tracas.
Le génie du roman, c'est de faire vivre des possibles.
Sans quitter sa chambre, le lecteur entre soudain dans le monde de la passion, du désespoir, du voyage, de l'aventure, du risque, de l'ennuie. Il entre au pays de Romancie.