Michel Rio : Leçon d'abîme
Depuis le
café parisien "Le Rostand"
Olivier BARROT présente le livre "Leçon d'abîme" en compagnie de l'auteur
Michel RIO édité chez du Seuil. Gros plan sur la couverture du livre.
Pourquoi voudriez-vous que nos doutes, nos erreurs, les égarements de nos imaginaires, ce qui nous est soufflé par l'angoisse, nos concessions à l'évolution des mentalités, deviennent, mis ensemble, des vérités.
Je pense qu'il n'y a que le mouvement. Pas de but. Un voyage sans destination, sur un océan sans limite.

Au fond, la littérature m'assomme. Je la soupçonne de stupidité. Seule la création littéraire m'intéresse. La première est pléthorique, la seconde est rare. Encore faut-il prendre la peine de chercher l'une dans l'autre. Cueillette fouisseuse et salissante que j'ai cessé de pratiquer depuis longtemps pour glaner dans les disciplines du savoir dont les riches fruits sont bien en vue. Au fait, qu'est-ce que cette création littéraire ? La fausse, ce sont les trouvailles des pseudo-révolutions formelles qui reviennent, pour faire bref, à changer la parure de l'indigence. La vraie, c'est l'ambition sans limite de l'élucidation, qui rapproche les arts des sciences dans une enquête infinie, encyclopédique, sur l'être et les choses, et qui se renouvelle et invente de par son principe même. C'est encore le savoir-faire, c'est-à-dire exprimer tout cela avec un lexique, une invention langagière, un art propre de la composition ou syntaxe musicale, ce qui s'appelle l'écriture. C'est enfin le sens de l'action, ou du récit tendu, gorgé d'événements significatifs. Avec, chaque fois que c'est possible, cette distance de l'humour qui n'est rien d'autre que la forme la plus délectable de la distance critique.
In Le Monde des Livres, 16 janvier 2009
Le peuple te suivra, car s’il lui importe peu de comprendre, il aime croire.
"L'imaginaire nourrit le savoir qui le nourrit en retour. Le premier, sans l'autre, devient stupide, par ignorance. L'autre, sans le premier, devient stérile, par absence de motivation."
Il n'y a pas de différence apparente entre un homme sincère et un menteur habile.
Les morts ne trahissent pas.
Je sais que la recherche créatrice a le droit, et peut-être le devoir, de révéler les démons cachés derrière le paravent du contrat social. Mais je ne puis m'empêcher de me demander si ce droit privé au fantasme exprimé publiquement au nom de la liberté de dire et de jouir ne peut avoir quelque jour une application collective sauvage échappant à la prudence de ses inventeurs. Comment naissent les bourreaux ? Qui sont-ils ? Et leur insanité ne réside-t-elle que dans ce passage de l'imaginaire à l'action ?
Rêve inlassable de vaincre la mort, toujours assassiné par les choses, toujours renaissant dans l'esprit. Pour moi, c'est cela, avant tout, la littérature.
Le jour s'allongeait jusqu'à égaler la nuit. Septembre balayait des premières pluies de l'équinoxe les feuillages et les sols assoiffés qui avaient tiré, pendant la sécheresse leur subsistance et leur fécondité de la moiteur diffuse des cours d'eau.