En 2011, Michel Rostain a publié "Le fils" qui été consacré à la mort de son fils, à l'âge de 21 ans. Dix ans après, l'écrivain publie "Le Vieux" chez Calmann-Levy. Ce roman raconte l'histoire d'un vieux metteur en scène d'opéras. Celui-ci est confronté au suicide d'un jeune comédien. Cet acte pose la question de vouloir mourir dans la dignité. Ce livre est d'autant plus dans l'actualité car, cette question est actuellement débattue au Parlement.
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Syllogisme : papa pleure chaque fois qu'il pense à moi. Papa n'est heureux que lorsqu'il pense à moi. Papa est donc heureux à chaque fois qu'il pleure.
« Le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie. Monter la rue du Couédic, les bras chargés de ma literie, le nez dedans. Il se dit qu’il renifle mon odeur. En fait, ça pue, je ne les avais jamais fait laver ces draps ni cette couette. Ça ne le choque plus. Au contraire : subsiste encore quelque chose de moi dans les replis blancs qu’il porte à la teinturerie comme on porterait le saint sacrement. Papa pleure le nez dans le coton. Il profite. Il sniffe encore un coup la couette, et il pousse enfin la porte du magasin. Papa ne peut plus traîner. Condoléances, etc. Le teinturier - recondoléances, etc. - débarrasse papa de la couette. Papa aurait voulu que ça dure, une file d’attente, une livraison, une tempête, juste que ça dure le temps de respirer encore un peu plus des bribes de mon odeur. Papa se dépouille, il perd, il perd. »
Nous sommes tous des analphabètes du sentiment.
La mort, c'est une machine à regrets.
ça y est, ça lui revient, les regrets, l'infernale machine à regarder en arrière,
ce qu'il a fait, ce qu'il n'a pas fait, ce qui aurait changé si ...
Quand on demandait à papa quel était son signe astral, il ricanait. Il disait qu'il se foutait éperdument de connaître son signe du zodiaque, et encore plus son ascendant. Il ajoutait qu'il ne savait qu'une chose, le nom de son descendant : "Lion", moi. Aujourd'hui où je viens de mourir, papa n'a plus rien, ni ascendant ni descendant. (p. 13)
Un autre spasme la soulève et la fait vomir . Le metteur gerbe aussitôt - la vue du dégueulis le fait toujours vomir , une variante minable de l'empathie .
Au bout du compte, les vrais virus culturels se transmettent d'abord par des contacts émotionnels, infiniment plus qu'avec des idées justes
Papa fait des découvertes. Par exemple ne pas passer une journée sans pleurer cinq minutes, ou trois fois dix minutes, ou une heure entière.
Quand une étoile se dégrade, elle émet dans le désordre, avec par moments des silences et à d'autres de très violentes émissions d'énergie. On y est. Après la musique sans son, après les soliloques incertains et les préludes indécis, une énorme bouffée d'harmonies et de rythmes jaillit. Victor Hugo chante ces soubresauts d'étoile comme "la clameur du mourant éperdu", un vacarme qui serait "brusque, éclatant, splendide, inattendu". En ce moment, Odette est cette étoile-là, somptueuse, incandescente, imprévisible.