Une lecture audio qui a peiné à retenir mon attention, malgré son thème, la narration parfaite de Simon Jeannin et les commentaires intéressants de Sylvain Trias
Ces textes sont présentés chronologiquement et évoquent la manière dont le chat a été représenté dans la littérature au cours des siècles. Sylvain Trias intervient entre chacun d'eux pour les replacer dans leur contexte, commenter l'évolution de la vision du chat dans la littérature, d'un personnage souvent félon, voleur, déloyal ou pire encore maléfique à un animal auquel les auteurs vont s'attacher, qu'ils vont célébrer dans leurs textes, mais un animal qui ne renonce pas à son indépendance.
L'idée m'avait séduite, je connaissais et appréciais certains de ces textes, et pourtant les écouter n'a pas réussi à me passionner. Peut-être parce chaque texte était très court, et ne me laissait pas le temps d'apprécier l'auteur et son style. Peut-être des textes trop variés qui ne m'ont pas permis d'entrer dans l'atmosphère de ce livre audio, et je me suis surprise plusieurs fois à devoir revenir en arrière pour réécouter un extrait.
Une petite déception donc, mais qui saura sans doute séduire d'autres lecteurs-auditeurs.
Merci à NetGalley et aux éditions VOolume pour cet envoi #Leschats #NetGalleyFrance
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Ce fut une lecture de longue haleine. Volumineux d'une part et pas si aisé à déchiffrer par moments. C'est qu'on ne parle plus tout à fait comme il y a 435 ans. Certes, on a adapté l'orthographe et la ponctuation, mais on a scrupuleusement gardé les tournures de phrases, expressions et mots disparus intacts, sous peine de défigurer le texte. Mais on a fait un bon effort pour simplifier le problème en mettant sur la page même les définitions, sens de mots différents d'aujourd'hui et traductions des citations qui émaillent le texte (c'est du moins le cas dans l'édition folio). Il m'a fallu cependant relire certaines phrases plusieurs fois avant d'en saisir le sens ou l'idée. Malgré ces contretemps, l'intérêt est définitivement présent.
D'abord, on découvre la merveilleuse personnalité de ce vénérable bonhomme, raisonné, amoureux de la vérité, sans-façon et qui se moque volontiers de lui-même. Dans ses actions et ses idées, il est le gros bon sens incarné, en quelque sorte.
Ensuite il parle de TOUT. Absolument tout. Si un essai vous lasse quelque peu, vous pouvez être sûr qu'un autre abordera un sujet qui vous intéresse. Vous serez peut-être surpris de voir exprimé en ce langage du XVIe siècle vos propres cogitations, tant la majorité de ces discours et sujets sont intemporels. Ce qui m'amène au point suivant.
Comme tout ces lettrés des siècles passés, Montaigne affectionne la littérature et l'histoire de l'antiquité. Il rapporte une multitude d'anecdotes et de citations de ce passé déjà vieux de mille ans et plus pour lui. Pour quelqu'un comme moi qui ne s'est jamais penché sur cette antiquité, il s'agit d'un merveilleux aperçu et introduction.
Mais il ne se borne pas là, et vous vivrez aussi sa propre époque, de guerres et de découvertes. Vraiment une mine inépuisable d'idées, d'anecdotes et de philosophie. Vous rirez aussi, car il peut se montrer hilarant et mordant.
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Montaigne a été en relation avec l'explorateur français Villegagnon qui, traversant l'Atlantique, fit terre en ce qu'il appela "France Antarctique", et qui s'appelle aujourd'hui Rio de Janeiro.
Montaigne en a fait un Essai appelé "Les Cannibales" dans son premier livre édité en 1580.
Il démonte les préjugés des Européens contre les précolombiens ( cannibalisme, polygamie ) en prenant des contre-exemples.
Il va même plus loin : il fait témoigner deux indiens "importés" : ceux-ci constatent l'illogisme d'obéir à un enfant ( Charles IX ), ou d'être riche et de ne rien donner aux pauvres qui vivent à côté.
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Dans "Des coches", paru dans le troisième livre, celui de 1588, Montaigne revient sur ce sujet qui lui tient à coeur.
C'est un essai au départ sur les ustensiles à roues (coches, carrosses ), précisant qu'il n'aimait que se déplacer à dos de cheval.
Après une digression sur les arènes, les mythes et la réalité, il en vient à écrire qu'on ne sait vraiment pas grand chose du passé des hommes : le passé nous échappe.
Il revient alors sur son essai "Des cannibales" : les précolombiens vivent sans avoir ni le cheval, ni la roue, ni le fer ( quelle disparité avec nous ! ), c'est un "monde-enfant", et malgré tout, ils sont plus Sages que nous, les Européens du XVIè siècle !
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J'ai dû m'y reprendre à deux fois pour comprendre le style d'écriture du XVIè siècle, mais la deuxième fois, c'était bien plus clair. J'ai préféré "des cannibales", vraiment axé sur le Nouveau Monde. Cependant, le deuxième essai m'a permis des recherches sur le niveau technique des Indiens. Mais...
"Peut-être serait-ce seulement une question d'utilité. L'Amérique précolombienne ne connaît aucun animal de trait : ni cheval, ni boeuf pour tirer les charrettes. La roue ne leur aurait tout simplement servi à rien."
( Dailygeeks ).
En effet, ayant le poisson et les fruits en abondance, il n'avaient pas besoin de cultiver.
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Pour Montaigne, pour la majorité des philosophes et pour moi, la richesse est un fléau, un manque de Sagesse : il retourne la situation : les Indiens sont plus Sages que les Européens.
Et ça n'a pas changé :
Quand on voit d'une part, l'Indien Raoni défendant sa forêt amazonienne, et la famille Rothschild d'autre part, étouffant sous les actions, à côté des 8 millions de pauvres en France ( revenu inférieur à 880 euros par mois ), qui a raison ?
Je ne peux m'empêcher de rapprocher ces deux essais du superbe livre de Jean-Claude Carrière, "La controverse de Valladolid" : sur la demande de Charles Quint, des experts se réunissent en 1550 pour savoir si les Indiens sont des animaux (sans âmes ) ou des humains avec une âme donc !
Bouquin essentiel !
C'est avec lui que j'ai compris que la religion catholique avait fait autant de mal à la population terrestre que les islamistes.
Mais ceci est une autre histoire...
Qui c'est les barbares ?
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Ah ! Montaigne... Je me suis baladé, tranquillement, à mon rythme, pendant presque un an avec lui. C'est peu de dire que ce fut plaisant : j'aime cet homme, ce Brassens du XVIe siècle, profondément bon, sceptique et gai, humble et indulgent, simple mais profond, si particulier et pourtant si universel.
« Qu'un pareil homme ait écrit, véritablement la joie de vivre sur terre s'en trouve augmentée. » Ce jugement de Nietzsche, je le partage totalement : je suis simplement heureux qu'un homme comme lui ai existé, qu'il soit connu et reconnu, et admiré. J'en aurais presque une bouffée d'optimisme pour le genre humain.
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Entre 1572 et 1592, date de sa mort, Montaigne a écrit, quand il en avait le temps, puis repris, et re-repris son oeuvre majeure : les Essais, ensemble de considérations philosophiques, et d'écrits d'introspection sur ses propres réactions, on pourrait dire psychologiques, face à l'adversité, l'épreuve, les épines de la vie. Ici, ce petit livre ne traite que quelques chapitres des premiers livres ( I et II ) des Essais : l'oisiveté, le pédantisme, la cruauté, la fainéantise, la colère.
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« Toute cette fricassée que je barbouille ici n'est qu'un registre des essais de ma vie. » Voilà le style humoristique et agréable de Montaigne sur son oeuvre, inspirée des Anciens à la base :
"Ces Essais ne sont qu’un tissu de traits d’histoire, de petits contes, de bons mots, de distiques, et d’apophtegmes » ( Malebranche ).
Mais pas que, puisqu'il n'arrête pas de blâmer "les têtes bien pleines" dans le chapitre sur le pédantisme !
Il y a beaucoup de réflexions, de pensées dans ces Essais, et d'ailleurs, des philosophes ultérieurs se sont inspirés de Montaigne.
Sur son cas particulier, il dit qu'il a été favorisé par peu "d'épines de la vie", soit qu'il ait hérité du calme de son père, soit qu'il ait eu une saine éducation. On rejoint là l'éternel, mais plus contemporain débat entre l'inné et l'acquis.
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Outre le pédantisme, Montaigne expose beaucoup de considérations sur la mort virile, "la mort debout", comme celle de Socrate, qu'il admire dans les premiers livres. S'appuyant sur Diogène Laërce, Sophocle, Cicéron, Sénèque ou Plutarque, il évoque beaucoup de récits vertueux ( courageux ) de personnages faisant leur métier de gouvernants jusqu'à la dernière limite de leur souffle. La fin de Caton d'Utique ou celle de Moulay sont particulièrement émouvantes et bien racontées.
Montaigne, qui a été un diplomate émérite, ce qui n'était pas évident à cette époque troublée, entre Henri III, le duc de Guise et Henri de Navarre fustige les "conquérants belliqueux".
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Pour lui, la cruauté est le péché capital numéro un. Il ne comprend pas toutes les souffrances et tortures qu'il détaille, que font subir les vainqueurs aux vaincus, les hommes aux animaux, qu'il est bien près de rendre plus Sages que l'homme.
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Enfin, il y a la colère. Il cite des colères antiques mémorables, et parle de son propre cas, surtout à l'égard de ses valets. Des colères qu'il a du mal à maîtriser, malgré sa volonté.
Il fait aussi des colères simulées, et c'est bien dans son caractère : )
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On a du plaisir à lire ce petit livre philosophico-historico-psychologique. C'est, je crois, la première fois qu'un homme fait une introspection. Mais la devise "connais-toi toi-même", reprise par Socrate, n'est-elle pas un bon moyen de devenir meilleur, de s'approcher de la Sagesse ?
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Pour l’anecdote, dans un devoir simulé d'agreg, j'avais fait appel à Montaigne pour dire que, bien avant la "ponte" en didactique Linda Allal, il avait découvert et utilisé les "paliers d'apprentissage pour les élèves", pas trop hauts, pas trop bas, pour passer d'une étape à l'autre : le jury n'a pas aimé : )
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A l'heure d'évoquer cet ami fidèle, mort en 1592, mon propos ne sera point d'une quelconque érudition, que d'autres, dans un français plus digne de la vénérable Sorbonne, manient mieux que moi.
Quoique l'aisance de son dialogue avec les ancêtres latins donne clairement à voir sa vaste culture classique, Michel de Montaigne cultive dans ses Essais un langage des plus simples (pour l'époque), "naturel et ordinaire, sans contention ni artifice". Il me semble qu'un commentaire aussi personnel que simple lui est dû.
"Mon dessein est de peindre" cette belle rencontre que je fis, depuis la première page de ces Essais, jusques à la dernière, durant plusieurs années. Montaigne réservait ces Essais comme une commodité pour se faire connaître de ses parents et amis, quand il aurait quitté cette terre. N'étant point, à ma connaissance, de sa famille, c'est donc en ami que je parlerai de lui.
Comme beaucoup, je le rencontrai au détour d'une page d'un manuel scolaire (Lagarde et Michard je crois). Cet homme se décrivait alors, après une vie d'aventure, à courir le monde et les femmes, à voyager et survivre au milieu des guerres et intriques politiques de son temps, à faire profiter autant que possible les Princes, puis ses concitoyens bordelais, de son humanisme engagé, prenant refuge dans sa bibliothèque.
Au coeur de la tour du château de Montaigne, il entreprenait de livrer son âme non à Dieu mais à qui voudra, dans cette entreprise de prime abord pleine de vanité, et finalement au contraire tellement belle d'humanité et de simplicité, de parler de lui-même (ce que nous faisons tous, tout le temps, en définitive.... ) Grâce à cet abandon de fausse pudeur, j'eus la joie et l'honneur de me sentir dans l'intimité de cet honnête homme du XVIème Siècle incarné.
L'évocation de ce sage retiré en son château de Montaigne nourrit mon désir au fil des pages du 1er volume des Essais. A l'âge où d'autres jeunes gens s'imaginent pilote de ligne ou ingénieur informatique, je rêvais, moi, d'une telle retraite, après une même vie de voyages, d'aventure et d'expérience des relations humaines, en notre temps.
Il faut sans doute plus de temps au XXIème siècle pour réaliser cette ambitieux programme humaniste, probable utopie, et la retraite n'est pas pour tout de suite (pour peu qu'elle arrive un jour), mais la lecture des tomes 2 et 3 des Essais, achevée une première fois à l'âge de 38 ans (âge qu'avait Montaigne quand il entreprit leur rédaction) continue à me hanter avec bonheur dans cette vie. Quelle joie, en écrivant ce commentaire, de constater que cette ambition n'a pas varié depuis 25 ans, et que mes choix d'études, de métier et de vie continuent de s'inspirer de cette vision de l'existence humaine, face aux pièges de l'ambition, de l'habitude, des déceptions.
Probablement l'un des rares livres que je relirai.
Monument de littérature, témoignage historique ou autobiographique, oeuvre moraliste, philosophique.... pour moi peu importe, Michel de Montaigne fait partie de ces grands frères qui me guident sur un chemin d'humanité avant tout, et dont les doutes et les remises en question, les rires et les coups de colère, les inquiétudes et les bosses de la vie, répondent aux nôtres, suscitant l'émotion d'un partage au-delà des siècles.
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Que recherche-t-on dans la lecture d'une relation de voyage qui date du XVIe siècle dans un pays que l'on connait ? Le regard de l'écrivain - Montaigne – sur un environnement qui n'a plus rien de commun avec des lieux connus, peut décevoir ! Plus on remonte dans le temps, moins on s'y retrouve. Ça a l'air d'une lapalissade, mais, en y réfléchissant bien, ce n'est pas si évident. Car on s'attend souvent à pouvoir confronter, notre témoignage, notre point de vue, à celui de l'écrivain. En tout cas, moi, je fonctionne comme cela. Et c'est fatalement une déception !
(Je me souviens avoir compulsé un livre de photos du Tokaido, qu'empruntaient, jusqu'au milieu du XIXe siècle les japonais se rendant de Edo à Kyoto, en le confrontant aux vues célèbres de Hiroshige. Le photographe avait pris exactement le même angle de vue, au même emplacement. Le résultat était surprenant. Là ou l'estampe montrait des scènes de rue, la photo butait contre un pilier d'autoroute, n'offrant aucune perspective. )
c'est un peu la même chose avec ce voyage de Montaigne. On suivra donc les péripéties de nos voyageurs, changeant parfois de trajectoire à l'annonce de brigands, s'arrêtant dans des auberges, discutant avec d'autres voyageurs de passage…
Je me souviens avoir regardé dans Google map où se trouvaient Fusina, ville où nos amis attendant le bac pour Venise. J'aimerais bien voir ce qu'est devenu Fusina maintenant. Je ne sais pas si on peut encore y prendre un bateau pour Venise… En fait, dans un tel récit, ce qui m'intéresse est surtout l'évolution des choses, des relations, le passage du temps.
C'est en Italie, mais ça pourrait être n'importe où ailleurs !
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Ce texte d'une trentaine de pages est extrait des "Essais" de Montaigne. Il présente l'avantage d'être traduit en français moderne.
Brièveté et clarté, deux bonnes raisons pour oser s'y attaquer.
Montaigne a vécu au XVIe siècle, il a donc été témoin et victime des guerres civiles/religieuses qui déchiraient alors le pays. Cette période fut également marquée par la découverte du Nouveau Monde, ses conséquences sur les indigènes des Amériques et sur les pays conquérants.
Le philosophe établit ici des comparaisons entre 'sauvages' et 'civilisés', notamment sur le concept de barbarie, plaidant la cause desdits sauvages, démontrant leur plus grande sagesse, en dépit de leurs pratiques anthropophages. Ces considérations sont étayées de pensées comparables de philosophes de l'Antiquité.
Réflexions très intéressantes, à compléter notamment avec les textes de l'ethnologue du XXe siècle Claude Lévi-Strauss.
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Parcourir Les Essais, s'y perdre pour s'y trouver, tâter de tout pour toujours revenir à soi, à cet homme qui, le premier, ne choisit que de s'étudier lui-même pour tenter de comprendre un petit rien à ce qu'il est, est une expérience de lecture unique. On y voit, à vif, la pensée d'un homme se construire, des petits essais du premier livre, qui compilent les idées des autres, de ces modèles anciens, Sénèque, Plutarque, Lucrèce, que petit à petit l'on oublie, aux longues et tortueuses réflexions tous azimuts du troisième livre, qui, en voulant se concentrer sur l'essentiel, sur Michel de Montaigne, seul objet pensable, s'échappe vers tous les grands thèmes humains, la vanité, l'utile et l'honnête, la volonté, l'expérience... C'est que, pour Montaigne, rien n'est stable, rien n'est définitif, rien n'est résolu une fois pour toutes, pas même sa propre identité, qu'il ne peut frôler qu'en la déformant, dans un mouvement sans fin. Cet échec, s'il en était un, aurait pu aboutir à un pessimisme absolu. Mais Montaigne n'est pas tout à fait un moderne. Il voit que tout est relatif, vague et insaisissable, mais continue à s'enfoncer en lui-même, et s'il n'y trouve rien de solide, s'accroche à l'ordre établi, à la Nature, à la sagesse divine. Il remet tout en cause tout en étant profondément conservateur; il casse toutes les idées à la mode et s'accroche à la coutume, sans en être dupe; il ne veut que penser à partir de lui-même et cite sans cesse les références de jadis. Bref, Montaigne est à la fois excessif et sage, spirituel et grossier, ancien et moderne, mort et vivant. Ses Essais sont ce qu'il peut s'écrire de plus vivant, et de plus humain.
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Ô rage ! ô désespoir !
Que les philosophes écrivent mal !
Pourtant "Les essais" sont une oeuvre plusieurs fois remaniée, de 1580 à 1592."De la vanité" fait partie du livre III. De quoi est-il sujet ? De beaucoup de choses,mais peu de vanité. Montaigne parle d'oisiveté, de conscience, de "dette " , de cette misérable guerre civile ( catholiques / huguenots ), d'avidité "sous l'ombre des lois" ( j'adore l'expression très justifiée et toujours très actuelle ), de la France, de Socrate, des voyages, de la place des femmes, des sages, de l'amitié, d'une mort qu'il voudrait en paix, de la politique pour laquelle il faut quitter le droit chemin, de Rome universelle, de la fortune ( Dieu ou le hasard, on ne sait pas )...
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Ce livre a été compliqué à déchiffrer, car même si l'on comprend tous les termes, certains étant marrants ( échanguette, commourants, impollu, les branles du ciel, m'embesogne ), la plupart des tournures des phrases reste peu compréhensible. D'autre part,il y a beaucoup de bla-bla, et enfin beaucoup trop de citations, qui décalent le lecteur par rapport à la pensée de l'auteur. Cette pensée est beaucoup trop vagabonde. Les philosophes ne savent pas écrire, et soit ils écrivent à vau l'eau comme Montaigne, soit ils ordonnent leurs pensées d'une façon incompréhensible comme Spinoza ou Nietzsche. Pour les deux façons, j'ai un manque de contexte évident. Nous avons heureusement de très bons philosophes-écrivains.
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Cependant, des passages sont bien agréables, Montaigne me fait l'effet d'un Jean d'Ormesson de la Renaissance, publiant une espèce de bulletin du XVIè, d'états d'âmes, d'introspection. J'ai beaucoup aimé son passage sur la presse ( la politique). Il sait de quoi il parle, ayant été maire de Bordeaux.
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Enfin, pour ce qui est de la vanité, il paraît hors sujet tout au long du livre, mais il se rattrape à la fin, je ne vous dis pas comment !
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Quand il s’agit d’essais philosophiques, je suis à la fois curieux et paresseux.
Donc, plutôt que de lire l’ensemble des Essais de Montaigne, je me contenterai de cet extrait qui, apparemment, a fait l’objet du Bac Français 2020. Le livre fait partie de la collection Étonnants Classiques et se veut une aide pour le lycéen : explication de texte, questions, chronologie, illustrations, texte originel à gauche, en français actuel à droite. Faut avouer qu’à l’époque du bac, tout cela m’ennuyait profondément ; je n’avais d’yeux que pour la science. J’y viens sur le tard et Babelio n’y est pas pour rien.
Les deux extraits présentés ici ont un atout pour me plaire : ils sont de l’ordre du commentaire historique. Il y a moins d’un siècle que deux mondes se sont rencontrés : l’Europe et les Amériques. En quelques décennies, le premier a sans pitié ratiboisé le second. On pense d’abord aux empires Aztèque et Inca, mais Montaigne s’intéresse aussi aux civilisations rencontrées en France Antarctique, éphémère colonie française du Brésil.
La force de ce récit vient de la capacité de l’auteur à se projeter dans « l’autre civilisation », à s’imaginer en être un représentant et, ce faisant, à justifier le plus naturellement du monde les rituels et comportements considérés comme étranges voire répugnants lorsque observés à travers le prisme européen. Vus par Montaigne, les Indiens ne sont pas les Barbares de l’histoire, ce sont bien les Européens, et plus précisément les Espagnols (je me suis d’ailleurs demandé si l’attaque contre les Espagnols avait une arrière pensée politique, France et Espagne étant à couteaux tirés à l’époque). Les mœurs simples, l’absence de volonté d’accaparation, même le comportement cannibale trouvent leur justification naturelle. L’approche m’a rappelé ma lecture de Azteca, de Gary Jennings.
Bien sûr, on pourra objecter que toute tradition trouve sa justification naturelle dans sa propre culture. Selon cette approche, tout est acceptable et on ne peut rien critiquer, de la corrida à la soumission des femmes iraniennes à une interprétation religieuse extrémiste et masculine. Bref, on ne peut pas vraiment justifier une généralisation de la méthode. Cependant j’ai le sentiment que, appliquée par Montaigne à la destruction de peuples qui n’avaient rien demandé à personne, et ce pour des raisons d’avarice bien plus que religieuses, la technique a un rôle bénéfique de remise en question de notre propre barbarie camouflée sous des habits de grandeur nationale ou d’orgueil personnel.
Je fais des phrases trop alambiquées aujourd’hui. Stop ! Je termine en disant que, une lecture en appelant une autre, j’ai bien envie de lire Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin, qui conte l’histoire de cette France Antarctique.
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Je me suis trompé !
Je ne lis pas Christine Bénévent, mais Michel de Montaigne.
. Oui, j'ai connu des maîtres de conférence et des professeurs d'université passionnants : Georges Vigarello [ également auteur de grande qualité ], Christian Pociello.
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Mais je préfère, comme beaucoup d'entre vous, critiquer le texte original, que de passer par des préparateurs de textes. Je n'ai pas lu ce qu'a écrit Christine Bénévent.
Comme d'habitude, ce livre de philo est agrémenté de commentaires.
Ce qui est fort de café, c'est que l'auteure s'est appropriée l'ouvrage !
Comme je veux un truc de Montaigne, je reprends le même livre, dans une autre édition, dont Montaigne est l'auteur, et je pourrai ainsi faire des citations de Montaigne, et une critique de Montaigne !
Ah-là-là !
( mille excuses )
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j'ai, enfin, trouvé le livre presque parfait qui traduit en français moderne, mais digne de ce nom, Montaigne. C'est triste à dire, même la remarquable collection Folio, dans ses trois volumes, n'y est pas parvenue.
C'est un pur régal, même si la traduction de Guy Pernon, malheureusement et définitivement épuisée apparemment, demeure toujours la plus brillante et qu'il subsiste chez Lanly une part de syntaxe un peu surannée
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Des cannibales est un micro-essai, issu lui-même des Essais de Montaigne.
Ce passionnant petit récit nous montre avec un humour noir grinçant, fantaisie et une didactique légère, le monde intellectuel de la renaissance, décortiquer les peuples primaires du nouveau monde.
Entre réalité scientifique, objective et imaginaire de conte philosophique, l'auteur évoque une peuplade sud-américaine, au travers des dires parfois douteux, de voyageurs ayant vécu ces expéditions lointaines et dangereuses.
Mémoires incertaines de personnages, peu désireux de dresser un portrait flatteur de ces indigènes.
Le génie de Montaigne est justement de prendre le contre-pied de ces individus, en démontrant avec analyses et finesses, que les plus barbares ne sont pas ceux que l'on peut supposer.
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Dans "Des cannibales", Montaigne se livre à une comparaison passionnante entre les moeurs des populations supposées barbares ou primitives et celles des européens de son temps et l'on ne peut pas dire que ce soit très flatteur pour les européens, qui voient leur mode de vie critiquée et la supériorité supposée de leur modèle, relativisée ! Ce que j'aime beaucoup, dans ce texte de Montaigne, est la manière qu'a Montaigne de prendre du recul et de rappeler qu'au final, les populations amérindiennes, ne sont sauvages, qu'au sens des européens, qu'elles ne sont barbares que si l'on considère les habitants d'Europe comme civilisés. Cela nous permet de découvrir d'assez beaux moments d'ironie, tout en découvrant une autre vision de ce qu'est la civilisation et de ce qu'est la véritable sauvagerie.
Je reprocherais cependant à Montaigne d'avoir dépeint les populations amérindiennes, de manière tellement idéale, qu'elle ne peut qu'être exagérée et prête même à sourire ; dire que les populations amérindiennes ne sont pas aussi sauvages que le pensait les colons européens (du moins, selon la définition que les colons, donnait de "sauvage") est une chose, dire qu'elles sont quasiment dépourvues de tout vice en est une autre.
Toutefois, malgré ce petit défaut, c'est un texte intéressant, dans lequel Montaigne fait montre d'une ironie qui fait plaisir à voir.
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[Remarque du 29 novembre 2015]
Montaigne n'écrivait pas pour la postérité, mais pour "ses parents et amis", le cercle de ses contemporains et de sa classe sociale. Il ne croyait pas que son livre lui survivrait longtemps, car il voyait bien autour de lui les rapides transformations de la langue, lui qui baignait dans un univers linguistique mouvant et varié (gascon, latin, français). Il pensait que le temps rendrait vite sa prose incompréhensible, car elle n'avait pas la stabilité lapidaire du latin. Contre toute attente, c'est le latin qui s'est retiré de la scène, et le français qui a gagné sur lui, et sur le gascon : aussi lisons-nous Montaigne, avec d'énormes difficultés, exagérées au-delà du raisonnable par des éditions qui reproduisent l'orthographe et la ponctuation du temps (ou plutôt, les caprices graphiques du temps). La difficulté s'accroît de ce qu'il écrit à partir de deux sources : la littérature antique, surtout latine, et l'observation de moeurs et de temps révolus, les siens. Pourtant, dans sa fonction de passeur, Montaigne est unique : il rend actuels et parlants pour tous les temps les auteurs de la Grèce et de Rome, en leur prêtant sa voix et en entremêlant entre leurs citations la voix de sa méditation. Aussi le lecteur aura-t-il tout intérêt à se laisser naturaliser, au prix d'un effort, à l'univers de Montaigne, pour trouver le plaisir lucide d'y évoluer à sa guise. Ce plaisir, ou cette lucidité, seront décuplés si ce lecteur vit en des temps de division et de conflits civils et religieux, comme il semble que ce soit bientôt notre cas.
[Relecture d'octobre 2022].
Seule la mort a interrompu l'entreprise de Montaigne : il écrivait, puis ajoutait, allongeait et réécrivait par-dessus ses écrits, faisant siens les mots de Virgile, "vires adquirit eundo", il augmente ses forces en avançant. Il n'y a de même aucune limite à la relecture des Essais de Montaigne : ceux du livre I, comme du livre II, cherchent moins à transmettre un savoir derrière lequel ils s'effaceraient, qu'à donner à l'esprit de l'exercice, une gymnastique de réflexion, de méditation et de jugement, qui vaut pour elle-même et n'a d'autre but qu'elle-même.
L'auteur ne cesse de mentionner, citer, traduire et paraphraser les Anciens, qui souvent prescrivent, enseignent ou ramassent le sens en de fortes formules latines. Montaigne, loin d'imiter ces poètes et prosateurs qu'il cite et admire, évite de prescrire, d'affirmer et d'enseigner, de "former l'homme", comme il dit. Il se contente de se confronter à leurs pensées, et de nous y confronter en même temps, pour voir ce que cela donnera. Il s'éprouve au contact des grands Anciens, et nous, lecteurs, nous nous éprouvons au sien, afin de voir plus clairement nos contradictions, nos insuffisances, nos erreurs. L'essai est bien une école de doute méthodique et de scepticisme : quand le lecteur aura compris qu'il ne sait rien, il pourra commencer à apprendre quelque chose.
Qu'avons-nous à faire, aujourd'hui, de toutes ces vieilles pensées stoïciennes, épicuriennes et autres ? Combien de remarques, considérations et jugements de 1580 nous parlent encore ? On pourrait décréter que le contenu des Essais est périmé, inutile et vain, ce que Montaigne n'était pas loin de penser lui-même. Mais il ne s'agit pas du contenu, il s'agit de la méthode de l'essai telle qu'il l'invente : cette méthode d'examen humaniste des certitudes acquises, ne vieillit pas. Il suffit de prêter l'oreille aujourd'hui au bavardage de tous ceux qui l'ignorent, qui ne sont pas passés par le crible de la discipline humaniste : on comprendra vite toute l'actualité de Montaigne, écrivant et méditant dans sa tour au milieu des passions idéologiques déchaînées.
Dernier paradoxe : on aime Montaigne pour sa langue, lui qui exigeait que le mot s'efface derrière l'idée et que l'on ne prête aucune attention au style ni au langage. Mais on n'apprend bien sa méthode qu'en apprenant à parler et à penser selon ses propres termes, et en comprenant que le plaisir de lire sa prose fait aussi partie de l'apprentissage.
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