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Citations de Michèle Desbordes (55)


Lorsqu'elle remontait l'allée, elle souriait. La petite silhouette claire brillait dans le matin. Il lui en était reconnaissant. Il pensait qu'elle ignorait les images folles, rêves de bonheur ou de plaisir. Qu'elle n'avait connu ni le trouble ni l'attente. Ni la peur de tout perdre. Qu'elle s'était tenue à l'écart, par prudence, heureuse des jours tranquilles, du bol de soupe et du pain frais dans son torchon le matin sur le coin de la table, et le soir de l'odeur qui montait des terres, du pas des chevaux qui rentraient.
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Ainsi la trouvait-il quand il arrivait, à l’ombre des chênes où elle s’installait pour le voir franchir les grilles et pénétrer dans la cour, la petite place aux platanes où il prenait l’allée du haut, le chemin de terre et de pierres qui bientôt s’étrécissait jusqu’à devenir l’étroit raidillon sous les arbres
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C’est qu’écrire a toujours été un partage. Comme du temps où l’on vous demandait de vous taire et de ne plus bouger, de n’y être pour personne. On vous demandait à force de silence et d’immobilité de vous faire oublier, et alors le pendule, c’était un pendule, se mettait à osciller (il oscille encore) entre la mesure, le peu de mots, le peu de gestes, et l’excès, le débordement, bouger, proférer, dire et dire encore. Comme si tout cela qui déchirait et divisait n’était pas qu’une seule et même chose, et que marcher sans fin ne revînt pas à être immobile. Qu’à force de marcher encore on ne finissait pas par se trouver là comme figé, pétrifié dans son propre mouvement, son propre élan. Il faudrait du temps pour comprendre, mais que l’on comprenne ou non n’aurait pas d’importance. Ni ce lieu, ce moment où tout se jouerait de la profération ou non du silence, du epu de mots et du peu de gestes.
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"Elle savait que tout n'était jamais que lumière"
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N'y eut-il pas un moment où il leur parut qu'autour d'elles, tout s'organisait comme dans une histoire faite pour être racontée, rassemblée en ses moindres détails pendant tant de mois et d'années jusqu'à leur apparaître tout entière et pleine de sens, et possible soudain à comprendre.
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Et cela avait duré quelques années qu'elle avait comptées et recomptées et durant lesquelles, lettre après lettre, elle avait demandé que sa mère prit le rapide et vînt la voir, la sortît de chez ces fous où elle dépérissait, et la mère était morte sans jamais prendre le rapide ou quoi que ce fût d'autre pour aller là-bas, ni rien dire que ce qu'elle disait depuis le commencement, à savoir que tout n'était qu'habitude et qu'avec le temps on se faisait à tout, oui un jour elle finirait bien, elle Camille, par se faire à cela, cette maison, cet éloignement, et à ce moment-là elle avait plus de soixante ans, non pas la mère mais la fille, elle en avait même bientôt soixante-dix, et disait qu'elle ne pouvait oublier, si bien qu'un jour elle ne demandait plus rien, et s'asseyait là sur ces chaises d'où elle ne bougeait plus, vieille, si vieille que lorsqu'il venait il peinait à la reconnaître.
Oui, ce jour inconnu d'elle, où malgré les suppliques, les plaintes et les reproches, sans même savoir elle renonçait, ce jour qui, d'une invisible ligne, d'une invisible frontière, une dernière fois marquait le temps d'avant et le temps d'après, l'impossible, douloureux partage, et le dernier de tous. Le jour venait où elle n'avait plus rien à dire ni demander, où la révolte, la colère n'avaient plus même de sens, ce jour-là venait, et alors n'était-elle pas là, enfermée et repentante, et soumise comme il désirait qu'elle fût, sans plus rien à faire qu'il eût à réprouver, avec, écrivait-il dans ses livres, cette figure claire et dessinée devant lui comme un plan d'église, bien calculée avec la règle et le compas ?
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Lui ne sait rien de tout ça. De ses départs à elle, de la porte derrière laquelle on attend le cœur à rompre. Il travaille, il rentre de plus en plus tard, de plus en plus souvent à présent nous dînons sans lui, nous sommes là dans la cuisine face à la chaise, à l’assiette vides, la serviette roulée dans l’anneau de buis qui porte son nom. Nous l’attendons, je l’attends, d’une attente éperdue, impatiente, et de cette attente, de ce manque se fabrique une absence absolue, et telle que chacun de nous autour de la table, même le petit me semble-t-il, en mesure la conséquence. Du manque, de la déception se fabrique cette chose démesurée qui peu à peu envahit l’espace autour de nous, là dans la cuisine, dans la maison tout entière qui soudain n’est plus la même, elle n’est plus la maison où la vie se passe sans trop d’encombres, avec ennui sans doute mais l’ennui est tolérable, mesurable, peut-être même non dénué d’agrément, il n’entrave ni le cœur ni le cours ordinaire des choses, il y a des joies, du contentement, cette grande impatience que le monde bouge.
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Tout recommençait toujours des choses annoncées. Il n'y aurait jamais que la mort pour y mettre fin.
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Et c'est chacun à leur tour qu'ils l'apprirent, comme s'il avait fallu pour économiser la souffrance, l'étirer de toute la longueur nécessaire de temps, en répartir subtilement les effets sur une plus longue durée, jusqu'à peut-être la diluer, la résorber dans la masse des jours, dans l'épaisseur du silence et de l'ignorance.
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Alors comment auraient-elles su lui parler de sa mère autrement qu'en lui montrant certains jours des photos, des habits ou bien, oubliés, relégués dans un coffre ou le tiroir d'une armoire, une poupée sans bras ni cheveux, ou des osselets jaunis qui soudain à être manipulés répandaient autour d'eux une odeur douceâtre et vaguement écoeurante. Comment auraient-elles su lui parler d'autrefois autrement qu'en lui montrant les traces de sa mère, la chambre où elle avait grandi, sa mère enfant, puis adolescente et déjà c'était la guerre, et cette histoire vécue loin d'elles toutes et de sa désapprobation à lui, seule dans le silence d'un amour mille fois interdit. Et fallait-il que ce fût difficile pour que le silence pour toujours tienne lieu de tout. Et l'absence.
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Quand la vieille servante parle de cette époque-là, c'est avec hésitation et même réticence, car ce sont les derniers mois avant que ce qui faisait leur vie ne se disperse, n'éclate comme une bulle de savon, un ballon d'enfant pris dans les ronces ou bien un flacon rempli d'eau gelée oublié sur le rebord d'une fenêtre, de ces choses éphémères dont elles sentaient et redoutaient la fragilité, au plus profond d'elles-mêmes toutes ces incertitudes et le manque de confiance grandissant, sans parler de la crainte vague et inavouée qui lentement avait gagné sur la tranquillité, comme les eaux montantes d'un fleuve peu à peu et sans qu'on y puisse rien se répandent dans la plaine. Cette époque très brève, où jour après jour, et sans avoir l'air de s'en étonner elles (dont la vie en apparence si peu différente de celle qu'elles avaient jusque-là s'écoulait de la même et paisible manière, aussi dépourvue que la plus recluse des existences de ces histoires dont peuvent parler les autres) comprenaient que les choses autour d'elles, lentement et sans retour se défaisaient.
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Peut-être simplement n'avaient-elles pas pris garde au temps qui passait. Elles avaient cru à la lenteur ; il y avait tant d'années devant elles, s'il fallait attendre elles attendraient, et pas plus que s'il s'était agi du temps nécessaire à la venue des saisons ou aux convalescences, elles ne s'en trouvèrent à s'en inquiéter.
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Elle ne savait plus avec qui elle se rendait à la mer cette année-là, ni lequel des deux la photographiait sur la plage de sable clair, elle se souvenait seulement qu'elle prenait le train pour la mer, elle se souvenait d'ivresse et de bonheur, et de ces deux hommes-là qu'elle aimait, ne faisait qu'aimer, les revoyant chacun d'eux, le frère, l'amant, comment savoir, quand elle pensait à l'un elle pensait à l'autre, consentante ou indécise, mais toujours revenant à cette force, cet amour de grief et de colère contre quoi elle ne pouvait rien, si ce n'est parfois le rejeter et dire que tout était fini, comme finissait, s'enfouissait dans le passé - et si cruellement que c'était mourir - cela même qu'elle désirait et rêvait, et chaque jour donnait le bonheur, oui lorsque cela qui donnait le bonheur ne pouvait jamais que basculer dans d'incommensurables, douloureux abîmes.
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Je faisais ce rêve que là dans ma maison, après des années d’absence, d’effacement, une cuisine réapparaissait, et le bonheur était infini, il était incomparable, il était à soi seul la somme de tous les bonheurs jamais rêvés : c’était au cœur de la maison, de l’intime et du familier, et se résorbant entre ses murs, un endroit qui m’était révélé dans une félicité sans commune mesure avec la découverte que je faisais, qui n’était rien qu’une grande et douce cuisine d’autrefois, oubliée, disparue, et qui par on ne sait quelles secrètes métamorphoses soudain réapparaissait, comme à même la terre le tracé d’une cité ancienne, ou l’on ne sait quelle ville engloutie.
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Que la serenite et le désespoir allaient ensemble, et que pour être désespéré il fallait avoir beaucoup aimé, et aimer encore le monde.
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Elle ce qu'elle voulait, et plusieurs fois, c'était la mer et le blanc des falaises, le môle couvert d'écume.
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l'odeur des pins chaude dans le vent les chemins de sable l'odeur chaude à oublier le malheur tous les malheurs
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Comme personne jamais ne pouvait parler d'aucuns nègre dans les cales et les soutes des bateaux. Aucuns nègres sur les caféières et les champs de canne. À force ils ne faisaient plus qu'un seul et même nègre, sans nom sans visage. Sans histoire. Ainsi allait le monde.
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tout entière occupée à vivre, allant chercher très loin , le plus loin qu'elle pouvait, à des distances infinies, l'air dont elle avait besoin pour durer encore un peu et, dans des profondeurs insoupçonnées, le courage ou la simple endurance, entre ventre et poitrine l'abîme immense et douloureux où peut-être encore se nouait et se dénouait, et bientôt s'enfouissait pour ne plus resurgir, un dernier espoir, une dernière folle idée.
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... l'âcre, le revêche besoin de se taire.
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