8 février 2013 :
À propos de Retour parmi les hommes «La beauté de Vincent, c'est de guetter les catastrophes, de voir le bonheur comme une erreur passagère. En cela, il fait partie des grands personnages de la littérature contemporaine, capables d'alimenter encore quelques suites... Un grand Besson !» Clara Dupont-Monod, Marianne La Trahison de Thomas Spencer «L'analyse est menée finement, la jalousie, les souffrances indiquées avec tact. le talent de Philippe Besson, la manière douce et tendre qui lui attire de plus en plus de lecteurs, consiste à ne jamais élever la voix, à montrer que les mouvements du coeur forment l'essentiel d'une vie humaine.» Dominique Fernandez, le Nouvel Observateur Un homme accidentel «Philippe Besson vient de réussir un roman intense et fulgurant.» François Busnel, L'Express L'Arrière-Saison «L'Arrière-Saison a la beauté mélancolique d'une sonate d'automne.» Michèle Gazier, Télérama Une villa en Italie, le soleil trop fort, des ferries qui font la traversée vers les îles, une romancière qui peine à finir un livre, un jeune officier de l'Académie navale, un accident de voiture à des centaines de kilomètres, l'enchaînement des circonstances, la réalité qui rejoint la fiction, la fin d'un amour, le commencement d'un autre peut-être. Dans ce roman plus personnel qu'il n'y paraît, l'auteur de L'Arrière-Saison dresse le portrait d'une femme puissante et de deux hommes fragiles, en proie à des hésitations sentimentales. À propos de son dernier roman Une bonne raison de se tuer «Tout l'art de Besson est là, dans l'introspection des âmes, le déphasage entre l'intime et le public, la marche inexorable du temps.» Marianne Payot, L'Express «Philippe Besson explore l'envers du rêve américain dans un de ses plus forts romans.» Pierre Vavasseur, le Parisien «Portée par un style implacable, dépouillé de tout apitoiement et de tout pathos, l'intrigue a des airs de tragédie grecque, où chacun est en marche vers son destin sans que rien ne puisse l'arrêter. On est touchés en plein coeur.» Valérie Gans, Figaro Madame «Philippe Besson explore la part intime des êtres et traque leur moindre secret. Il gagne encore son pari.» Jean-Claude Perrier, Livres Hebdo «Si juste et terrible. Quel magnifique portrait de femme et de nous aussi !» Joseph Macé-Scaron, le Magazine littéraire «Un livre qu'on lit d'une traite... C'est très triste et très doux.» Gilles Martin-Chauffier, Paris Match
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Ils regardaient la vie comme on feuillette un livre d'images, avec des ravissements d'enfance. Mais ils vivaient la leur avec frugalité et pingrerie. Ainsi n'invitaient-ils jamais personne à partager leurs repas. Ils s'en excusaient en disant : "Vous savez, nous, nous picorons." Ce qui prêtait à sourire. La minceur presque maladive de M. René était comme une preuve de son ascétisme. Plutôt bien plantée sur ses mollets de scoute que battaient invariablement des kilts sombres aux dominantes bleues ou vertes, Mme René, plus ronde et surtout plus musclée, ne parvenait pas à contrebalancer l'image famélique qu'offrait son mari. Les René mangeaient mal en privé et bien en société. Certains observaient sans aménité qu'ils faisaient dans un cas des économies et dans l'autre des réserves.
Et quelquefois à la maison, dans mon lit, longtemps après le dîner, les dernières heures de la soirée abritaient aussi ma lecture, mais cela, seulement les jours où j'étais arrivé aux derniers chapitres d'un livre, où il n'y avait plus beaucoup à lire pour arriver à la fin.
Alors, risquant d'être puni si j'étais découvert et l'insomnie qui, le livre fini, se prolongerait peut-être toute la nuit, dès que mes parents étaient couchés je rallumais ma bougie.
Plus tard, lorsque l'histoire des René et de leur drôle d'oiseau défraierait la chronique d' Uzès, ces gens qui lui avaient souri diraient à l'unisson qu'ils avaient bien vu, eux, que ce jeune étranger - ils diraient : cet émigré de merde qui vient manger le pain des Français, ce putain de métèque - était un escroc-né, un menteur comme tous les gens de sa race. Ils diraient aussi qu'il avait manoeuvré comme un fou, inventé des stratagèmes pour se rapprocher d'eux et devenir indispensable.
Chaque livre était un monde en soi, et je m'y réfugiais.
Depuis qu'elle a pris connaissance de l'article rédigé et expédié par Alain Rachet, Mme Clô ne parle à nouveau presque plus. Ce n'est pas là le signe d'une tristesse, d'une protestation, d'une démission. Elle se tait parce qu'il est des situations où parler est superflu. J'ai appris en l'observant qu'on peut devenir muet de bonheur, de sérénité retrouvée. Muet de se savoir encore aimée.
Il était évident que Julio ne me dirait plus rien. Il fallait changer l'angle d'attaque. Je me sentais épuisée et excitée, sonnée et nerveuse. Nous avancions vers la buvette et, dans pas longtemps, je pourrais avaler quelque chose et être confortablement assise. L'idée m'a stimulée. Je n'ai pas tourné sept fois la langue dans ma bouche avant de poser la question suivante. Elle est partie toute seule.
- Mon grand-père est mort ici, et je ne sais pas où est sa tombe. Tu sais, toi, où elle se trouve ?
En réalité, je n'avais jamais pensé à la tombe de mon grand-père. J'ai toujours eu horreur des cimetières.
Julio, qui m'avait dépassée et me tenait la main pour m'aider à franchir un passage un peu escarpé, m'a répondu simplement :
- Le corps de ton grand-père n'est pas dans une tombe.
Les oiseaux! Ils avaient été toute leur vie. Ils leur avaient tenu lieu de famille, d'enfants, d'amis. Quand, autour d'eux, des couples de leur âge partaient à travers la France vacancière pour rejoindre leurs vieux parents, leurs petits-enfants ou simplement des lieux où ils passeraient entre amis ces jours si longs de l'été, eux compulsaient leurs fichiers et décidaient d'aller surprendre la migration prénuptiale précoce des courlis cendrés dans les salins d'Aigues-Mortes ou de guetter le vol majestueux des faucons pèlerins qui planent en solitaire au-dessus des gorges escarpées du Tarn.
J'ai toujours aimé lire, rédiger des critiques. Mais ce qui est pour moi aussi nécessaire que destructeur, c'est ce long travail de l'écriture, transformer la vie, les frustrations, les souvenirs en mots.
J’ai souvent pensé qu’il devrait exister une association de lecteurs anonymes comme il en existe pour toutes sortes d’addictions. Mais à l’inverse des réunions où se retrouvent et se racontent alcooliques ou drogués, les soirées des lecteurs anonymes ne célèbreraient pas les jours d’abstinence mais ceux où un livre, puis un autre, et un autre encore sont entrés dans leurs vies. Ceux où les mots ont éloigné la tristesse, où les histoires ont conjuré la solitude, où la découverte du plaisir de lire fut comme une nouvelle naissance, où les barrières du réel, du quotidien, de la banalité des jours sont tombées sous le choc de l’émotion. Je lis donc je suis moi et un autre, moi et des centaines d’autres. Moi ici et moi ailleurs, au présent, dans le passé, dans le futur. Je lis et je suis multiple et inatteignable…
Dans La République {des livres} , le 07/12/2019.
La lecture, comme la cuisine, s'enrichit du commentaire qui l'accompagne ou la prolonge. Les mots sur les livres, quand ils ne sont pas contraints, sont une dégustation supplémentaire, le partage d'une saveur secrète.
Michèle Gazier