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3.97/5 (sur 15 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Michèle Hayat est auteure d'un premier roman inspiré de faits réels, "La trompette de Satchmo" (2020).

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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Les musiciens prirent place, suivis des deux trompettistes. Armstrong se plaça derrière l'orchestre et Joe avança sur le devant de la scène pour entamer "Chimes Blues", sous les applaudissements. Mais il n'arrivait pas à chauffer la salle. Armstrong suivait l'orchestre sagement, sans donner le meilleur de lui-même. Au septième chorus, quelqu'un s'écria dans la salle :
- Hey, Joe, laisse un solo au jeune trompettiste !
Armstrong s'avança vers son maître.
- Vas-y, vas-y, joue hot ! Ne te laisse pas impressionner, lui chuchota Lil au passage.
Petit à petit, comme si l'on venait de soulever le couvercle d'une marmite, tout s'anima. Les chaises et les tables se mirent à bouger, les murs vibrèrent, les buveurs de la galerie renversèrent leurs boissons sur ceux du dessous, les spectateurs envahirent la piste et entrèrent en transe. Sous des applaudissement frénétiques, Louis remercia Joe et s'adressa au public :
- Aujourd'hui, mes amis, mon rêve est devenu réalité !
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Après un voyage long et éprouvant, le bateau entra dans le port de La Nouvelle-Orléans. La famille Karnofsky était épuisée. L’agitation des quais du Mississippi, la chaleur moite, le débarquement de marchandises des cargos, le bruit des sirènes, les cris des dockers dégoulinant de transpiration les agressèrent violemment. Dans ce tumulte, ils posèrent leurs bagages.
Perdus sur ce quai immense, noyés dans une foule colorée, bruyante, parfois grossière, ils cherchèrent désespérément Mr Samuelson. Peut-être ne le voyaient-ils pas? Ils l’attendirent longtemps, en vain.
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- Comment tu t'appelles ?
Il secoua la tête :
- Pas Satchelmouth ! Je m'appelle Louis Armstrong, c'est joli, hein ?
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Nouvelle-Orléans, décembre 1899
Cher Monsieur,
J’ai bien reçu votre lettre qui m’a beaucoup attristé. Nous faisons affaire depuis tant d’années ! Je n’ai jamais eu à me plaindre de votre compétence et de votre honnêteté. Ne vous excusez donc pas.
Depuis quelque temps, je pense à prendre un associé. Ma femme est décédée il y a deux ans. Nous n’avons pu, hélas, avoir d’enfants. Je me fais vieux et j’ai de sérieux problèmes cardiaques. Je vous propose, si La Nouvelle-Orléans vous tente, de partager mon activité. J’en serais très heureux. Je suis sûr que nous ferons de l’excellent travail tous les deux.
Ma bijouterie se trouve dans le quartier noir, qu’on appelle « Storyville » ou « District », mais il vaudra mieux chercher votre appartement dans le quartier français.
Réfléchissez à ma proposition. N’hésitez pas à me poser des questions. Je suis à votre disposition pour vous fournir tous les renseignements nécessaires.
Dans l’attente du plaisir de vous lire, je vous prie de croire, cher Monsieur Karnofsky, en mes sentiments les meilleurs.
Samuelson
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INCIPIT
Vilna, 1898
Ester Karnofsky ne travaillait jamais le jeudi ; à Vilna, c’était jour de marché et pour rien au monde elle n’aurait manqué ce rendez-vous sur la place de la cathédrale. Elle exposait des colifichets en ambre que Morris, son mari, fabriquait dans sa boutique de la rue Pilies. Habile artisan, il découpait la résine minérale avec une extrême précision, pour laisser intacts les fossiles incrustés dans la matière. Son atelier fournissait de nombreuses boutiques de Lituanie et parfois même d’Amérique. À La Nouvelle-Orléans, par exemple, Mr Samuelson lui commandait des bijoux en ambre de la Baltique deux ou trois fois par an et, entre eux, s’était établie une amitié cordiale.
Elle, Ester, était couturière de la bourgeoisie lituanienne. Ces dames ne manquaient jamais, le jour de marché, de lui prendre un colifichet et de lui faire la conversation, souvent couverte par le son des cloches.
Une partie de la place était réservée à l’habillement et à l’artisanat, l’autre, aux maraîchers, aux poissonniers et aux commerçants de denrées alimentaires. Devant la cathédrale, les petites marchandes de fleurs disposaient leurs bouquets et s’amusaient à qui sauterait le plus de marches.
On croisait des gens de la ville, des ruraux, des bourgeoises élégantes, des femmes de la campagne en sabots avec un fichu sur la tête et des provinciales qui avaient l’air de sortir d’un comité de salut public.
Ester aimait ce mélange des genres et l’agitation de cette place qui prenait vie, rompant avec l’austérité du dimanche au sortir de la messe.
Dans le centre de Vilna, presque tout le monde se connaissait, au moins de vue. Les maisons souvent basses, aux volets de couleur, s’alignaient sur d’étroites rues pavées surplombées de clochers gothiques et baroques ou de bâtiments néoclassiques. L’histoire de cette architecture séculaire, Ester et Morris l’avaient découverte au fil de leurs promenades.
La communauté juive, dont les Karnofsky faisaient partie, représentait le cœur de Vilna, avec ses traditions, ses écoles hébraïques, son centre culturel et ses synagogues où l’on ne manquait jamais de remercier le bon duc Gédiminas d’avoir accueilli, au XIVe siècle, des juifs en errance.
Les Karnofsky habitaient dans la rue très fréquentée du Gaon de Vilna, le grand sage juif du XVIIIe siècle.
À vingt-cinq ans, Ester était maman d’un petit garçon de deux ans, Alex. Son mari, de dix ans plus âgé, lui offrait une vie paisible, sans soucis. Grâce à son talent de couturière, elle avait réussi à fidéliser une clientèle non juive avec laquelle s’étaient noués des liens d’amitié.
Son salon était encombré de mannequins en bois, de tissus, de catalogues de mode et d’une machine à coudre à pédale. Son métier lui permettait de rester chez elle et de s’occuper de son enfant.
Si la population non juive lituanienne n’appréciait pas beaucoup ces « Litvaks », avec leur yiddish et la place qu’ils occupaient à Vilna dans des commerces florissants, les Karnofsky n’avaient pas encore eu l’occasion de se plaindre. Ils étaient traditionalistes mais peu religieux. Intégrés à la culture lituanienne, ils avaient décidé d’un commun accord que, plus tard, leurs enfants fréquenteraient l’école publique.
Cet après-midi-là, Ester préparait deux essayages importants, ceux de Mme Glaubitz et de sa fille, des clientes de la haute bourgeoisie qui se rendaient régulièrement chez elle pour renouveler leur garde-robe. Les relations étaient courtoises, respectueuses, et jamais elle n’avait entendu de leur part des insinuations antisémites. Mère et fille venaient ensemble la plupart du temps, les bras chargés de magnifiques tissus qu’elles déposaient sur les fauteuils de Mme Karnofsky. Elles consultaient les catalogues, essayaient les toilettes sous l’œil avisé d’Ester. Les essayages terminés, elle leur servait du thé avec un ou deux gâteaux faits maison, discutant de choses et d’autres dans la bonne humeur. Puis, Mme Glaubitz et sa fille prenaient congé en remerciant Mme Karnofsky et en se flattant d’avoir trouvé « leur couturière ».
Quand Ester arrivait aux finitions des robes, elle passait à la boutique de Morris et choisissait pour ses clientes des colliers en ambre coloré assortis à leur toilette. Souvent, elle dessinait elle-même les modèles qui seraient en parfaite harmonie avec les vêtements.
Quelquefois, les « dames de la haute », comme les appelait Mme Karnofsky, l’invitaient chez elles pour un thé, un concert de piano ou un après-midi culturel. À vrai dire, Ester n’y était pas très à l’aise. Elle n’aimait pas cette ambiance mondaine, mais elle refusait rarement ces invitations qui lui avaient amené de nombreuses clientes.
Mais en cette année 1898, la situation commença à se dégrader. C’est Morris qui, le premier, sentit un vent mauvais se lever sur Vilna. Sa clientèle diminuait, devenait agressive, revendicative. Elle se plaignait des prix, du travail imparfait des bijoux. Son fournisseur d’ambre rechignait à lui envoyer la marchandise, prétextant des retards sur l’approvisionnement.
Au début, Morris n’en parla pas à Ester. Elle avait mis au monde un deuxième garçon, David, âgé maintenant de cinq ans, et elle avait bien du mal à concilier son travail et l’éducation de ses enfants. Il ne voulait pas l’inquiéter.
Mais les choses allèrent très vite. Un après-midi, Ester trouva sur sa porte un papier la traitant de « sale juive ». Dans les escaliers, on se mit à la saluer du bout des lèvres ou à l’ignorer. L’hostilité grandissante des voisins pesait sur les Karnofsky comme un danger imminent. Ester était de moins en moins la bienvenue aux manifestions mondaines de ses clientes. Mme Glaubitz envoya même quelqu’un reprendre les tissus qu’elle lui avait confiés.
La vie devint oppressante pour la communauté juive. Une synagogue avait été vandalisée, la plaque apposée en mémoire du Gaon de Vilna brisée et deux rabbins avaient été agressés, dont un mortellement.
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Mais les choses allèrent très vite. Un après-midi, Ester trouva sur sa porte un papier la traitant de «sale juive». Dans les escaliers, on se mit à la saluer du bout des lèvres ou à l’ignorer. L’hostilité grandissante des voisins pesait sur les Karnofsky comme un danger imminent. Ester était de moins en moins la bienvenue aux manifestions mondaines de ses clientes. Mme Glaubitz envoya même quelqu’un reprendre les tissus qu’elle lui avait confiés.
La vie devint oppressante pour la communauté juive. Une synagogue avait été vandalisée, la plaque apposée en mémoire du Gaon de Vilna brisée et deux rabbins avaient été agressés, dont un mortellement.
L’année suivante, il parut évident aux Karnofsky qu’il fallait se résoudre à quitter la Lituanie et son régime tsariste.
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