Parmis [ses] pièces, même lorsque la renommée de Soyinka sera soldiment établie, on remarquera que les commandes demeurent des exceptions. A Dance of the Forests a bien remporté le prix lors d'un concours organisé pour les Fêtes de l'Indépendance du Nigéria, mais ce concours n'était pas à l'initiative du gouvernement qui jugea la pièce trop caustique pour être digne de figurer au programme des manifestations officielles. Soyinka en fut réduit à la produire au Yaba Technical College de Lagos, avec les 1960Masks, la compagnie formée pour la circonstance.
La biographie de Wole Soyinka semble apporter la preuve, somme toute rassurante, qu'un Africain du XXème siècle n'est pas obligatoirement et nécessairement un homme déchiré entre deux cultures, l'une indigène, l'autre importée, mais qu'il peut, sans renier aucunement ses racines ou ses acquis, participer de ces deux cultures. Une telle synthèse n'est sans doute pas chose facile à réaliser et tout le monde n'a pas en mains les atouts dont Soyinka a bénéficié dès sa prime enfance.
L'existence de Wole Soyinka est en effet placée dès le début sous le signe de la synthèse. La ville dans laquelle il a vu le jour, le 13 juillet 1934, Abeokuta, offre elle-même un bon exemple de cet amalgame entre divers rapports : c'est d'un côté une ville authentiquement yoruba, dont le nom signifie "sous le rocher" ; et la rivière qui la traverse, par une coïncidence remarquable, porte le nom d'Ogun ; mais c'est aussi une grande ville moderne, pourvue de l'électricité et du téléphone, et aux prises avec des problèmes de circulation qui se retrouveront dans The Road.