Imposer ou émerveiller ?
Comprendre ce qui bouge dans la relation des jeunes à la lecture pour mesurer ce qui est en jeu. Y a-t-il une nouvelle nécessité de la lecture ? Que savons-nous de neuf dans la relation des enfants aux livres ? Quelles nouvelles pistes, nouvelles actions, nouveaux projets ?
Avec Rana Esseily, psychologue et universitaire (Psychologie du développement, avec Bahia Guellaï, Armand Colin), Régine Hatchondo, présidente du CNL, Anne-Louise Mésadieu, Conseillère régionale et Michèle Petit, anthropologue (Nous sommes des animaux poétiques, Sciences humaines Éditions).
Avec la participation de Sylvie Vassallo, directrice du SLPJ.
Animé par Antonella Francini.
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" Si je peux raconter ce que j'ai perdu, alors j'ai trouvé un moyen de le garder pour toujours. "
Mais le commerce avec soi, l'accès à la connaissance de sa singularité, peuvent ouvrir à l'autre. Si les livres coupent un temps du monde, ils peuvent le rendre au lecteur transformé, au bout du chemin, et agrandi. (p.217-218)
Ceux qui lisent ne sont pas des pages blanches sur lesquelles le texte s'imprimerait, ils ne sont pas pure passivité. Ils changent le sens des ouvrages, les interprètent à leur guise en glissant leurs désirs, leurs angoisses, leurs questions entre les lignes : c'est toute l'alchimie de la réception.
Ou Joseph Winckler: "Avec mes mots, je dessine une cage autour de la frayeur."
(...) plutôt que de voir dans la lecture un investissement pour des lendemains plus rentables, voyons-là comme un espace où vivre un présent plus vaste, plus intense, où s'accorder au monde, et aux autres, avec un peu de poésie et d'intelligence.
Brodsky, condamné aux travaux forcés près du cercle polaire, lisait Auden où il puisait des forces pour survivre et affronter ses geôliers.
Et si telle phrase a compté, c'est parce qu'elle leur [aux lecteurs] a permis de se reconnaître, non pas tant au sens de se reconnaître dans un miroir que de se sentir un droit légitime d'avoir une place, d'être ce qu'ils sont, ou plus encore de devenir ce qu'ils étaient à leur insu.
Lire, c'est constituer une réserve poétique et sauvage (...), pour aménager des chambres à soi et être le narrateur de sa propre histoire.
La lecture relance une activité de symbolisation, et sans doute est-ce là l’essentiel. Un texte peut être l’occasion de renouveler, de recomposer les représentations que l’on a de sa propre histoire, de son monde intérieur, de son lien au monde extérieur.
Le monde n’est habitable que si sont ménagés des lieux qui permettent du mouvement, du détachement, du repos, des passages, des mises en rapport insolites ; des espaces qui ouvrent sur autre chose, récits d’ailleurs, visages inconnus, légendes ou sciences. Un livre, c’est cela, tout simplement.