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Citation de Belem


Belem
14 février 2013
La nostalgie ne peut naître que de la perte d'un nature généreuse, celle du soleil qui donne sans compter, de la mer infinie dans ce qu'elle peut offrir même aux plus pauvres, des saveurs et des odeurs, les mêmes que l'on peut retrouver en Andalousie, des fruits mûris sur l'arbre, limes douceâtres que je suis la seule à préférer aux grosses oranges juteuses et parfumées, pêches croquantes ou fondantes de Bou-Sfer, nèfles, arbouses, jujubes, amandes fraîches que nous mangeons par couffins pendant des heures, des parfums des fleurs des champs, du marché, des jardins, humbles ou somptueuses, ceux entêtants du chèvrefeuille, du galant de nuit, du jasmin. Et le drap blanchi séché au soleil dans lequel on se glisse avec un plaisir raffiné en humant toutes les odeurs. Et le goût du poisson frais, de la morue du vendredi, des coquillages, des crevettes comme les royales que l'on ne trouve qu'en Oranie ou au large de la Californie, les migas à la semoule parfumées à l'ail frit avec leurs sardines salées, les fritas aux poivrons et tomates frits et mijotés ou les salades juives aux poivrons et tomates grillés au canoun, les escargots à la sauce piquante finement relevée d'une pointe d'amandes broyées, et les riz cocotte, succédanés des paellas des grands jours. Les plats, les plus simples et les plus pauvres ne sont pas ceux qui laissent le moins de souvenirs. L'agua limon, pulpe, jus et écorce de citron, broyés et mêlés aux paillettes de glace, les patates douces cuites au four dans leur sirop à la cannelle à la limite de la caramélisation, les mantécaos à la consistance si particulière, les dattes et noix fourrées. Et la lumière partout, toujours violente ou fragile, les arcs-en-ciel, la brutalité des orages, le choc du sirocco, souffle brûlant, portion du désert venu jusqu'à nous, sans aucun recours de fraîcheur, immobilisant l'air, figeant dans la chaleur l'eau de la gargoulette. Et les margaillons, palmiers nains arrachés à la pierraille que nous tressons en multitudes d'objets, la douceur des lauriers, roses, blancs, rouges dont nous savions la sève toxique, ou la beauté âpre du solitaire aloès qui apparaît brusquement dominant le petit lac salé, écrin de feuilles vertes, charnues, ourlées de jaune et sa longue hampe portant sa fleur fragile d'un jaune verdâtre, celle insolite des figuiers de barbarie aux chumbos sauvages, fruits épineux surgis du passé. Et le jeu des couleurs intenses, bleu violent, rouge carminé, violet pourpre, toutes les nuances du vert de l'air, de l'eau, du ciel et celles tendres du basculement des saisons. Et dans les pinèdes, le mécanisme réglé des cigales, lancinant, qui rend le silence plus vide, opaque. Et le cri des chacals qui s'approchent de la ville au moment des vendanges et dont le rire inquiète. Et les nuées de sauterelles dévastatrices venues d'un autre temps s'abattant en bout de course sur une ville de pierre et le caméléon, aux gestes si lents qu'ils semblent en harmonie avec le rythme de la variation de ses couleurs.
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