Il faut être fragile pour se mettre à parler autant. Ce n’était pas mon histoire que je racontais – ni celle d’un crime que j’aurais commis –, pourtant il y avait quelque chose de l’ordre du péché, quelque chose que l’on pourrait appeler le malheur, dans l’étrange pulsion qui m’incitait à parler. Ce besoin de raconter, cette volubilité, étaient la preuve même que j’étais malheureux.
Je finis par m’habituer à la manipulation de l’appareil et parvins à savoir ce que je voulais photographier. Je voulais tout montrer : le silence éblouissant des objets figés défilant au gré des subtils changements de lumière instant après instant, et mon regard posé sur eux. L’éblouissement des reflets d’un soleil trop ardent rendait parfois ces objets invisibles en les enveloppant de cet éclat, et je photographiais ce vide tel une plaie de lumière. Et son contraire, le noir. Le mouvement continu de la mer levant perpétuellement des vaguelettes, le premier souffle de vent à l’aube sur les feuilles à la cime des arbres se répandant par ondes, les rideaux qui tremblaient au vent comme des flammes blanches tout en embrasant leur maillage transparent, toutes ces choses que je voyais, telles que je les voyais à l’instant même où je les voyais, cette vie de l’instant, devaient être fixés sur la pellicule de la mémoire.