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Citations de Miljenko Jergovic (38)


La journée était belle, comme c'est souvent le cas quand on part tout en voulant rester.
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- Maksim, voyons, tu as trop bu.
- Tu sais comme on dit, ce que le sobre pense, l'ivre le dit.
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C'était comme une granule, un dérivé de tristesse inoffensif, une amande amère fourrée de cyanure.
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Oratorios et symphonies, requiem et passions, calvaires et résurrections mis en musique, rien de tout ce qu'une fois adulte il avait entendu tant de fois n'était comparable à l'impression laissée par cette simple combinaison de deux voix d'homme, au moment où des corps pendaient couverts de la rosée du matin, et où le parfum fade et douceâtre de l'encens se mélangeait à celui d'êtres en décomposition.
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Il vaut mieux ne pas avoir affaire aux fous et nous autres, nous sommes fous, nous n'arrivons pas à vivre avec nous-mêmes, alors avec les autres, encore moins.
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Cet après-midi-là, les femmes se comportèrent de façon particulièrement odieuse avec leur mari, les jeunes filles s'enfermèrent dans leur chambre et, la tête sous l'édredon, pleurèrent amèrement en espérant s'étouffer. Ce soir-là, aucun des maris qui habitaient le long du trajet menant de la maison des Sikiric à l'hôpital n'eut à dîner. Cette nuit-là, aucun enfant ne fut conçu. Les hommes de la ville étaient stupéfaits. Seuls ceux qui cachaient la honteuse graine de l'homosexualité savaient de quoi il s'agissait. Quant aux femmes, elles avaient trouvé un motif commun, qu'elles n'exprimeraient jamais, pour alimenter la jalousie et la haine qui allaient accompagner l'ombre de Regina jusqu'à sa mort.

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La conscience s'avère un bon révélateur face à la mort. Meilleur que les larmes et que n'importe quelle douleur, exprimée ou non. Les vivants nourrissent un sentiment de culpabilité envers les morts et c'est lui seul qui les relie au monde des ombres. Ce sentiment de culpabilité, les morts le lèguent à leurs enfants et, s'ils deviennent adultes, c'est grâce à lui. S'il n'y a pas de culpabilité, c'est qu'il n'y a eu ni père ni mère. (...) Le jour où son père mourut, elle n'avait pas encore vingt ans et elle reçut en son âme une peine lourde et difficile à porter, d'après laquelle on reconnaît le véritable, l'authentique malheur. Mais la noblesse du malheur tient à la façon dont on le porte tout au long de la vie.

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La Bosnie n'avait absolument rien à voir avec l'Amérique, tout comme les Bosniaques n'avaient rien à voir avec les Américains. Et ce n'était pas tout, ils n'avaient rien à voir non plus avec les Européens ! C'était un monde à part. À la fois sauvage et docile. Dur et pourtant plus doux que l'oreiller sur lequel on pose sa tête. Cruel mais si tendre que toutes les chansons composées là-bas étaient destinées à faire pleurer. Les Bosniaques s'assoient au bord d'un fleuve — et tous les fleuves bosniaques, excepté celui qui a donné son nom au pays, coulent du nord vers le sud —, chantent tendrement les uns pour les autres, boivent et mangent comme si c'était leur dernier repas, en tâchant de ne pas verser une larme.
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Peut-être ne sommes-nous encore qu'un sac de chair vive qui se nourrit de tristesse, de la nostalgie des petites choses oubliées, et qui, devant les événements importants de l'existence, tressaute comme un moteur sur le point de s'éteindre.
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La vie n'a de valeur que dans la mesure où on sait qu'on la possède ; au demeurant, la mort vous surprend toujours à l'improviste, on ne sait même pas qu'on a vécu et ce qu'on représentait pour soi-même et les autres.
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Quand Tito passait, il laissait derrière lui une odeur de citron et Avram croyait que c'était le doux parfum du thé que le maréchal prenait le matin avec sa femme Jovanka ou bien un parfum à l'huile de rose bulgare, d'où chez Avram la conviction que le communisme sentait la rose.
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Tout souvenir, comme toute histoire humaine écrite ou non écrite, ressemble plutôt à un rêve qu'aux ombres laissées par la réalité. Il en va de même avec l'histoire de Dželal Pljevljak et la mémoire de l'affaire qui a marqué la Yougoslavie juste avant la guerre. En écrivant ces lignes, l'inquiétude nous saisit à l'idée que tout ce dont nous avons fait état aurait pu se passer autrement, pour ne pas dire à l'inverse, le noir aurait été blanc, la nuit le jour, et que toute mémoire n'est qu'un rêve au milieu d'une agonie.
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Il n'y a que dans les lettres que l'on peut sans doute dire ce genre de choses. Ce qu'on écrit par ailleurs n'est que tentative visant à créer le cadre d'une nouvelle réalité, à trouver le moyen de trancher la vie, sans que cela fasse trop mal. En deux morceaux, celle qui est révolue et qu'il convient d'oublier, et celle à venir où, comme dans les contes de fée, tout un chacun vivra heureux jusqu'à la fin de ses jours.
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– Quand est-ce que vous l’avez vu pour la dernière fois ? demanda le Facteur.
– Ça, vous savez, c’est une autre histoire. Je ne l’ai jamais vu. Tous deux se sont fâchés à mort peu après ma naissance, j’avais six mois à l’époque. C’était plus qu’une dispute, il y a eu du sang, des coups de feu, les haches brandies dans les escaliers, et cette bagarre s’est soldée par le pouce droit en moins pour mon père. Imaginez-vous ce que c’est quand il vous manque un pouce ? C’est comme si vous étiez privé de la main tout entière mais c’est pire, car il vous reste les quatre autres doigts pour vous rappeler qu’ils vous sont inutiles. Parce que, avec quatre doigts sans pouce, on ne peut rien faire. Voilà pourquoi mon pauvre père a ensuite passé sa vie à gratter le mur de la cuisine jusqu’au sang. Et ce pouce perdu a fini par le tuer. Il est mort comme un chien, de tristesse, uniquement parce qu’il ne savait pas quoi faire avec ses doigts. Il aurait vécu encore vingt, trente ans si son frèe lui avait tranché les autres doigts aussi.
– Pourquoi s’étaient-ils brouillés ?
– Je ne sais pas, chez nous, personne n’en parlait.
– Votre père parlait parfois de son frère ?
– Oui, bien sûr. Il racontait comment pendant la Grande Guerre, lors de cet hiver 1915 – le pire de tous, il n’y avait plus de bois et le grand-père faisait la guerre en Galicie -, ils se réchauffaient sous le même édredon. Ils plaquaient leurs pieds l’un contre l’autre, puis ils pédalaient comme s’ils étaient à vélo. Et ils faisaient, à vélo, le trajet vers l’Amérique, tous les deux tout seuls, mais ils n’y arrivaient jamais, ils s’endormaient à mi-chemin. Cet hiver-là, il y eut beaucoup d’enfants morts gelés dans leur lit mais eux, s’ils s’en sont sortis, ce n’est pas grâce à l’édredon ni au matelas, c’est pour avoir pédalé. Quand leur mère, ma grand-mère Anka, leur a expliqué qu’on ne pouvait arriver en Amérique avec un vélo parce qu’il coulerait au milieu de l’Océan, ils sont tombés malades tous les deux, la diphtérie ou une mauvaise grippe, je ne me souviens plus, au point qu’ils ont failli y passer. Heureusement, le printemps a fini par arriver. Voilà ce que mon père racontait sur mon oncle Tadija. Dans d’autres histoires encore, Tadija était le frère aîné bon et chéri, qui le protégeait du monde et pédalait avec lui pour rejoindre la côte américaine.
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Le facteur, qui depuis vingt-cinq ans lui apportait son courrier à Zaprudje, n’avait jamais appelé Karlo Adum par son nom, et réciproquement, mais le professeur ne s’en souciait guère. De temps à autre, certes, l’idée que cet homme aux grosses moustaches en brosse, né, comme Vuk Karadžić, dans le village serbe de Tršić, puisse porter un nom lui traversait l’esprit, mais le lui demander eût constitué à ses yeux un manque de politesse. A fortiori maintenant, au lendemain des années quatre-vingt-dix. Originaire de Tršić, il ne pouvait avoir d’autre nationalité que celle qui crée un malaise lorsqu’on en fait état en Croatie. Par conséquent, il valait mieux que le facteur reste le Facteur, celui qu’Adum connaissait depuis toutes ces années : un facteur avec une femme, Stefa, de Križ, et trois filles, Dubravka, Jadranka et Planinka. En fait, Adum ne les avait jamais vues, mais il en avait beaucoup entendu parler, non seulement par le Facteur lui-même, mais aussi par les voisins, qui s’étaient montrés contrariés par les deux mois de congé dont celui-ci avait voulu profiter pour aller avec sa Stefa dans une station thermale afin d’y soigner ses genoux fatigués. Il avait été remplacé par un alcoolique invétéré qui avait régulièrement déposé les lettres dans les mauvaises boîtes. Ce dernier alléguait que non seulement, au lieu des noms des habitants actuels de l’immeuble, les boîtes aux lettres portaient encore ceux des gens qui s’y étaient installés au tout début, vers 1968, mais aussi ceux d’individus qui n’y avaient jamais vécu. Le Facteur, en revanche, connaissait parfaitement les vrais résidents et n’avait donc pas besoin de leurs noms, tant et si bien que ceux-ci avaient fini par considérer l’exhibition de leur identité sur les boîtes aux lettres comme une impudeur. Si le Facteur, prenant sa retraite anticipée en raison de l’état de ses genoux, ne revenait pas de ses congés, chaque habitant de l’immeuble allait alors être obligé d’afficher à un endroit visible ses nom et prénom. Tout le monde en avait eu froid dans le dos.
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