Milo Urban

- La patrie ... », commença le vicaire qui voulut se lancer dans une harangue enflammée.
Mais devant les yeux des villageois se dressait le spectre d'une machine à broyer les pierres qu'on avait couronnée d'une auréole. Et cette machine avait déjà trop englouti. À force de bâfrer sans retenue, son ventre avait fini par éclater et les gens pouvaient y voir à l'intérieur comme à travers l'eau d'une fontaine. Ils y voyaient les membres sanguinolents de leurs fils, les crânes brisés de leurs pères et de leurs frères, ils y voyaient leurs espérances broyées et réduites en poussière.

Il faut traiter la misère comme on traite une maladie. Il faut la prendre au mors, tel un cheval rétif, la faire sortir de sa maison et la chasser comme on chasse un chien errant, loin, très loin. Il faut lui barrer le chemin, se murer contre ses assauts et ne jamais lui permettre d'entrer, même si elle s'acharne à forcer la porte.

" Maman, j'ai faim !"
Elle lui aurait donné son cœur, s'il avait demandé ; mais c'était de la nourriture qu'il demandait.