Mìltos Sakhtoùris (1919-2005) n’a jamais voyagé, n’a jamais eu de métier. Son seul travail, sa seule aventure a été la poésie.
Issu du surréalisme, comme bien des jeunes poètes grecs de l’époque, Sakhtoùris a bientôt – non moins normalement – acquis son indépendance
J'ai vécu près des vivants
j'ai aimé les vivants
mais mon cœur était plus proche
des rudes malades aux larges ailes
des fous superbes sans limites
et d'autres merveilleusement morts
des larmes tendues dans les yeux
épingles noires toutes neuves
quand chantera la couleur des oiseaux ?
quand les papillons frapperont-ils les couteaux ?
quand aux soleils pousseront d’autres mains
et le sommeil les videra de tout ce noir
Au matin
de jeunes oiseaux
picoraient les rayons du soleil
et des boutons couvraient le front des statues
des filles en fureur ont dansé autour
les yeux lourds de fatigue elles ont chanté d’autres cieux
Je me suis coupée la tête
l’ai mise dans une assiette
l’ai portée à mon médecin
- Elle n’a rien, m’a-t-il dit
elle n’est que chauffée à blanc
jette-là dans la rivière et nous verrons »