Citations de Mireille Pluchard (232)
- Vois-tu fillette, les flèches qui brisent un cœur dans un élan amoureux, le rendent inapte à tout autre emballement. En revanche, et c'est là tout le merveilleux de la vie, elles l'ouvrent à d'autres sentiments qui ont rempli mon existence.
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Chacune de ses pensées, il les voulait porteuses de hardiesse, d’un souffle de révolte, d’un sursaut de liberté. Ses lettres mensuelles, comme il s’y était résolu afin de ne pas désobliger les patrons d’Adélie par un trop abondant échange épistolaire, contenaient toujours un petit mot à elle destiné, une exhortation à choisir sa vie et l’assurance de sa tendresse indéfectible.
Rien d’extraordinaire, en fait, qu’en ce début du XIXe siècle, dans ce village de la plaine cévenole comme partout ailleurs, l’autorité patriarcale s’exerçât en façon absolue ! La tyrannie domestique comme la domination maritale, et plus encore la subordination filiale, réminiscence d’un patriarcat féodal, étaient dans l’ordre des choses.
La conscience du péché est une notion autrement plus édifiante que l’attitude qui consiste à le nier.
Le bonheur de demain n’existe pas.
Le bonheur, c’est tout de suite ou jamais.
René BARJAVEL
N’importe quel jeune homme de vingt-cinq ans aurait trouvé de nombreux désagréments à cet exil professionnel. Ruben, lui, vivait pleinement sa passion. Se réveiller au chant de l’alouette, s’endormir aux cris aigus de la hulotte, sentir après la pluie la forte odeur d’humus qui monte de la terre et emplit la forêt, tout cela le confortait dans ce choix de vie qui lui valait les réflexions réprobatrices de son père.
La vie, c'est pas un lieu, la vie, c'est un cœur qui bat et le mien bat pour toi, où que tu sois !
Le soir même, la mémé invitait l’impertinente dans la patouille où elle élaborait ses réputés fromages et ne lui cela rien des étapes de la fabrication, le petit plus subtil, la patience aussi. Importante la patience pour faire passer le lait de l’état liquide à l’état solide tout en conservant ses propriétés et son goût. Mieux, en l’exhaussant !
Comment cette fine demoiselle put tomber sous le charme bien caché de Léopold restera à jamais un mystère. Sûrement avait-elle deviné sous la farouche carapace le cœur d’or qui y sommeillait ? Peut-être avait-elle percé, sous les sourcils sombres et embroussaillés qui lui étaient poussés, la limpidité d’un regard capable de s’émerveiller à la beauté féminine ?
« De tigre, il est devenu agneau », pensait le fils réconcilié.
Les pensées les plus intimes seraient-elles des ondes que l’on ne retient pas, qui traversent l’espace et vont titiller d’autres cerveaux, d’autres âmes ? Aubin n’était pas loin de le croire quand, à la seule sensation qu’il eut d’être devant un corps mort ou du moins en partance, son père ouvrit un œil. Oh, pas son œil d’aigle, acéré et puissant, qui juge et rend sentence ! Pas non plus son œil de geignard égoïste implorant qu’à tout prix on le sauve ! Un œil qu’Aubin ne lui connaissait pas, un œil qui ne demandait rien et s’excusait plutôt de causer du tracas, l’œil nouveau du père auquel le fils ne se déroba pas.
Une houle de haine s’empare de moi, altère mon jugement ; la honte s’y mêle, honte de n’avoir rien vu venir, de n’avoir rien fait, honte des sentiments que m’inspire cette douloureuse histoire.
Rompu aux pratiques de son époque, à la rudesse des paysans et surtout au peu d’argent qu’ils avaient à consacrer à la médecine, lui préférant les alchimies d’une guérisseuse ou les manipulations douteuses d’un rebouteux, il devinait ce qui tourmentait sa patiente. Sous ses dehors d’ours mal léché, il cachait un grand cœur et, inspiré par une psychologie à ses balbutiements, mettait des formes en certaines circonstances.
Il importait qu’une ère de sérénité rende l’apaisement dans cette marmite au couvercle agité de dévastateurs soubresauts. Elle se présenta enfin sous forme d’une explosion de joie quand un des fronts d’attaque opéra sa jonction, suivi à quelques jours des trois autres.
Pourquoi se dénigrer les uns les autres ? Le patron, l’ouvrier, le paysan, c’est un tout où chacun peut et doit trouver son compte.
Evoquer la terre nourricière, c’était inviter dans ses pensées son père à l’intransigeance mesquine qu’il avait heurté, certainement déconcerté dans ses convictions centenaires, à coup sûr déçu dans ses attentes qu’il croyait justes. Pire encore, n’en faisait-il pas, lui le fils récalcitrant, un patriarche désavoué, le premier de la lignée des Pradier ?
— Les mauvaises paroles viennent plus vite aux oreilles que les bonnes.
...c’est ainsi qu’elle les aimait, ses enfants, généreux de cœur, tolérants dans leur jugement, peu versés dans la critique et ouverts à la nouveauté.
— Ne prenez pas pour argent comptant les menaces de votre père, ceux qui font grand bruit ne sont pas les plus méchants. Il se plaît à ces rodomontades dont il nourrit sa rage d’humble paysan de cette ingrate terre.
Parfois elle était prise de scrupules à faire danser, dans l’imagination déjà fertile de l’enfance, des farandoles de rêves qui ne seraient peut-être qu’utopies. Donner à ses enfants le goût du beau, du bon, n’était-ce pas agiter devant leurs yeux avides de nouveauté le chiffon rouge des désirs inassouvis, eux qui n’étaient pas sûrs d’accéder un jour à ces richesses ? C’est bien ainsi qu’aurait réagi Lazare Pradier aux narrations de Blanche et il n’aurait pas manqué d’exiger d’elle une tout autre attitude. Or, son épouse ne raisonnait pas comme lui et nourrissait de belles ambitions pour sa progéniture.