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Citation de Mishakal-Yveldir


Le Maître des Énigmes ferma les yeux, assemblant diverses informations dans son esprit.
– Melissandre, pourriez-vous vous joindre à nous un instant ?
Le Doppelganger approcha.
– Que puis-je faire pour vous ?
– Vous êtes écrivain je crois ?
– En effet, depuis une vingtaine d’années maintenant.
– Dites-moi, quand vous créez des histoires, vos personnages ont l’air vivants n’est-ce pas ?
– Bien sûr. Je crois que c’est le cas de tous les auteurs. Nous vivons mentalement ce que nous écrivons.
– Oui c’est bien ce qui me semblait.
– Pourquoi cette question ?
– Parce que plus nous avançons dans notre enquête, plus j’ai l’intime conviction que ce monde est bâti sur un livre.
– Comment cela ?
– Soren a résolu une fameuse affaire de meurtres sordides dans le sud de la France moyenâgeuse, Greshar prédit son futur dans une terre ravagée par la guerre dont il fera partie bientôt, tous les autres ont une histoire particulièrement précise. Et j’en viens à penser que toutes ces péripéties appartiennent à des livres, je ne fais pas exception à la règle.
Gryl grogna.
– Qu’est-ce que tu racontes toi ? Que nous faisons partie d’un livre ?
– C’est assez complexe j’en ai conscience. Mais chacun provient d’une séquence particulière de son propre univers. Peut-être que certains d’entre nous meurent dans la suite ? Toujours est-il que nous voilà regroupés ici.
– J’ai déjà franchi différents mondes. – confessa Melissandre – Mais je n’ai jamais eu l’impression d’être un personnage de roman.
– Moi non plus. Mais j’en viens à douter. Toutes nos histoires se superposent comme une trame. Greshar n’est qu’une idée tandis qu’Astria comme Soren sont arrivés au point final de leur histoire. J’y vois une énigme extraordinaire qui remet en cause ma propre existence. Et si j’étais un simple personnage issu de l’esprit de quelqu’un ? Mieux, et si mon personnage était inclus dans l’univers d’une toute autre personne ? Melinda, vous pouvez tordre la réalité, qu’en pensez-vous ?
– Je n’ai pas de réelle opinion à cette question. Il se peut que je rêve en cet instant précis.
– Je ne crois pas ma chère, ce rêve dure depuis plusieurs semaines et vous ne nous avez jamais vus, encore que vous puissiez nous avoir rencontrés dans un livre… Tout tourne autour des livres. À quel moment de votre histoire vous situez-vous ?
– Je l’ignore. Ma vie n’est qu’une boucle. À chaque fois que je me réveille, je connais déjà ma belle-mère même si je ne l’ai jamais vue. Mais j’ai compris beaucoup de choses, c’est l’essentiel.
– Intéressant.
Jakel les observait avec beaucoup d’intérêt.
– Vous voulez dire que je suis moi aussi le personnage d’un roman ?
– C’est possible en effet. – ratifia Hershel.
Les autres membres s’étaient tous rapprochés. Enora ricana.
– Vous essayez de me faire croire que toute la misère que j’ai endurée a été écrite par quelqu’un ? Pour moi il s’agit de Dieu qui m’a mise à l’épreuve.
– Vous pouvez voir les choses sous cet angle. Mais je suis surpris. Car même en explorant cette hypothèse, nous sommes encore dans le flou. Pourquoi sommes-nous là ? Et si nous faisions des groupes avec un morceau d’histoire, dans l’ordre ?
– À quoi bon ? – demanda Elia.
– Il est possible qu’en superposant divers éléments avec un début, un élément déclencheur, des péripéties, un dénouement et la fin ; nous trouvions la réponse.
Jakel se resservit une nouvelle tasse de thé, ébranlé. Comment cela des personnages de romans ? C’était l’idée la plus saugrenue qu’il ait jamais entendue… Il était réel, comme chacun d’entre eux puisqu’ils étaient tous là, réunis dans cette maison qui sentait bon le sucre.
Mais tandis que sa peau, claire et douce, passait sur la porcelaine fine, que ses prunelles pluvieuses examinaient la table à la nappe verte et rouge délicate, qu’un souffle chaud s’échappait de ses narines, il douta.
Parce que même s’il était Jakel Orphège, Maître des Iamamanciens, dévoué aux autres, armé de compassion et d’altruisme, pétri de connaissance et de gentillesse, à quoi se résumait sa vie ? Après tout il ne croyait pas en l’existence des Dieux.
Il sentit une présence par-dessus son épaule. C’est elle qui le fit douter. Une présence étrange comme hors de toutes frontières, comme si cette pièce, ce salon de nougatine et de pain d’épices, n’était qu’un décor de théâtre.
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