Le cœur est quelque chose d’invisible, vous êtes bien d’accord, Monsieur l’inspecteur ? Quand les gens sont ensemble, ils voient leurs visages respectifs. L’apparence extérieure. Rien d’autre. Les vraies relations intimes vont au-delà de ça. Quand je ris, mes amis ou mes parents croient bêtement que c‘est parce que je suis contente. Ils ne s’aperçoivent pas que je cache mon vrai moi et que j’essaie de m’adapter : je fais comme si je pensais ou ressentais les même choses que tout le monde, et ça me demande des efforts insensés. Personne ne me regarde jamais comme un être humain. Je fais partie du paysage, point final. Mais en surfant sur Internet, je peux ouvrir mon cœur et rencontrer des personnes qui comprendront qui je suis réellement.
Près de l'entrée, quatre bureaux. Sur un meuble de rangement, une horloge digitale indiquait quinze heures vint-sept... non, vingt huit. Elle devait faire aussi ofice de réveil pour ceux qui passaient la nuit là, ne dormant qu'une heure ou deux : l'alarme était réglée sur deux heures du matin. On devait travailler ici avec des horaires assassins. ici il s'agissait de course contre la montre. Même les grains de poussière qui dansaient dans la lumière semblaient participer à cette activité.
Lorsque je fais une conférence , j'ai coutume de dire : "Avant de déménager à la sauvette, de vous suicider ou d'assasiner qui que se soit, pensez à la déclaration de faillite personnelle !" Ca fait toujours rire. Mais ça n'a rien de risible ! L'ignorance de cette possibilité conduit à l'éclatement des familles, à la perte du travail, parfois à une vie de clandestinité pour les enfants. Les gens sont traqués. Ce sont justement ceux-là qui sont embauchés par des compagnies de sous-traitance, pour des travaux dangereux comme ceux des centrales nucléaires. On dit qu'il y a deux cent mille à trois cent mille laissés- pour-compte de ce genre. On n'a pas le droit de ne rien faire.
Il passait pour un vieil homme solitaire et bizarre. Sa librairie ouvrait tous les jours, de midi à minuit, même le dimanche et les jours fériés, et ne fermait que le 3 janvier, le 15 juin – jour anniversaire de la mort de son ami qui l’avait créée – et le jour commémoratif de la fin de la guerre mondiale.
La patronne n’avait pas loin de la quarantaine. Un peu ronde, elle avait un double menton. Elle jeta à Honma un regard plus sévère encore que celui avec lequel elle devait scruter le chiffre des kilos sur sa balance.
Il débita tout cela d'une traite. Puis il se tut, mais comme les roues d'une voiture miniature retournée sur le toit continuent à tourner, ses mâchoires continuaient à bouger. Il claquait des dents.
Nous sommes tous des chasseurs solitaires. Sans foyer où nous réfugier, seuls dans le désert. Si nous sifflons dans nos doigts, seule la voix du vent nous répond.
Quand je ris, mes amis ou mes parents croient bêtement que c'est parce que je suis contente. Ils ne s'aperçoivent pas que je cache mon vrai moi et que j'essaie de m'adapter : je fais comme si je pensais ou ressentais les mêmes choses que tout le monde, et ça me demande des efforts insensés. Personne ne me regarde jamais comme un être humain. Je fais partie du paysage, point final. Mais en surfant sur Internet, je peux ouvrir mon cœur et rencontrer des personnes qui comprendront qui je suis réellement.

De toute évidence, les paroles du chauffeur avaient exaspéré les trois jeunes. Mais s'ils avaient réagi ainsi, ce n'était pas seulement à cause de leur colère. En fait, ils avaient eu la frousse. Le chauffeur avait enfoncé le clou au bon endroit. Vous vous prenez pour qui? Vous n'êtes que des ordures... Ces phrases-là terrifiaient vraiment les jeunes actuels. Ils avaient peur de n'être personne. On les élevait dans l'aisance, l'absence de besoins, l'abondance, la satisfaction, mais ils n'étaient pas seuls à en jouir. Les voisins d'à côté et de derrière en profitaient aussi. Tout le monde était logé à la même enseigne. Mais eux, ils aspiraient à être différents des autres. Et cette différence, ils ne la trouvaient pas. A la place, il n'y avait qu'un orgueil monstrueux, nourri de leur sentiment de satiété, flottant dans un néant incolore et transparent comme un bulbe de fleur dans son eau, et enveloppé d'un soi sans forme ni couleur.
Ces jeunes n'avaient même pas le sentiment d'exister. Ils n'avaient aucune difficulté dans leur vie quotidienne : ils sortaient, claquaient de l'argent, jouissaient d'une vie agréable. Ils en oubliaient donc que leur vie, profitant de cette riche nourriture reposait sur ce seul orgueil. Puis, cet orgueil développait des racines folles qui, s'emmêlant comme des lianes dans la jungle, les enlaçaient pour les étouffer peu à peu. Où qu'ils aillent, quoi qu'ils fassent, ils étaient condamnés à traîner avec eux les racines de cet orgueil qui prenaient bien plus de place que le bulbe d'origine, déjà bien hypertrophié. Il les empêchait d'avancer et ils finissaient par s'abîmer dans la paresse et l'inertie.
- Et puis, la glace sans tain de la 2 est toute neuve. On l'a remplacée le mois dernier, expliqua Tokunaga en arrivant à hauteur de Takegami. Il paraît qu'un prévenu a balancé une chaise sur l'ancienne, je me demande bien pourquoi.