Omero Marongiu-Perria : "Le manque d?historicité et de recul critique pose problème." .
"L'interprétation du Coran est-elle datée ?"Le débat du Grain à Moudre du 31.05.2018 avec
Mohamed Bajrafil, théologien, linguiste et imam, et
Omero Marongiu-Perria, docteur en sociologie de l'ethnicité et des religions, spécialiste de l'islam français. L'émission était en partenariat avec La Croix.https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre/linterpretation-du-coran-est-elle-datee
Le combat, certes, est autorisé par le Coran, mais il s'agit toujours de stopper une injustice qui s'exerce contre soi, jamais de l'inverse. Le premier verset qui l'évoque est très clair. Il commence ainsi : "Autorisation est donnée à ceux qu'on a chassés de leur maison, qui ont été victimes d'injustice, de se défendre."
Evidemment, tout le problème est que certains malades, adeptes de la surinterprétation, diront que l'Occident, ou leur Etat, ou n'importe qui, les a mal traités et qu'en un sens le verset du Coran s'applique à leur cas. Mais le Coran est beaucoup plus précis que cela. Il dit : "Combattez ceux qui vous combattent et n'outrepassez pas les limites."
Comme l'avaient très bien compris les premières générations de l'islam, le texte sacré, pris globalement, est muet, il ne nous dit pas la totalité de son sens, ni comment il doit être appliqué. C'est nous qui le faisons parler ; ce que nous appliquons, c'est la compréhension que nous en avons, ce sont les commentaires de cette parole d'une valeur infinie, et qui est comme l'océan dont ne ne pouvons retirer que quelques gouttes.
Ne pas voir cette évidence, croire qu'on peut connaître exhaustivement la parole divine revient - et cela, les musulmans d'aujourd'hui doivent absolument le comprendre - à trahir l'esprit même du Coran et donc, en un mot, à renoncer à l'islam. On entend sans cesse des musulmans dire : "ah, mais les écoles juridiques ont établi ceci, cela", et chercher, par cet argument d'autorité, à clore le débat, alors que la connaissance du travail extraordinaire accompli par les jurisconsultes des premiers siècles devrait au contraire pousser tout le monde à continuer la réflexion, à s'inscrire dans cette lignée ô combien flamboyante, ô combien riche ; bref, à débattre encore et toujours, comme ils l'ont fait.
Il y a, pour employer un mot savant, une épistémè propre à chaque époque, c'est-à-dire - je paraphrase Michel Foucault, qui a forgé ce concept - un système de précompréhension des choses, une sorte de cadre inconscient, issu d'un état donné de connaissance, à partir duquel on trie ce qui peut être pensé et ce qui ne peut l'être. Mais aussi à partir duquel nous voyons ce que nous voyons, parce qu'on ne voit jamais les choses de manière pure : elles passent à travers le filtre de ce que l'on sait d'elles ; on croit qu'elles apparaissent, alors qu'elles sont déjà en nous depuis longtemps.
Or, certains versets du Coran peuvent sembler, pour peu que votre épistémè vous y pousse, aller dans le sens de la violence. Où l'on retrouve l'idée que le texte est muet : vous pouvez lui faire dire qu'il faut être violent, pour peu que vous ayez en vous l'idée que la violence est naturelle ou, mieux encore, qu'elle est, pour des raisons mystérieuses qui appartiennent à votre époque, une réalité bénéfique.
"Messieurs les philosophaillons devenus ménestrels de l'anti-religieux, dites-moi la divinité au nom de laquelle ont été érigés les camps d'extermination nazis et les goulags, au nom de laquelle les Hutu ont massacrés les Tutsi ? Le jour où vous comprendrez cela, peut-être cesserez-vous de vous ridiculiser par vos saillies anti-religieuse, qui paraissent relever d'intérêts autre que le bien-être de la société et le vivre-ensemble. Car si la Liberté de ne pas croire doit être reconnue et préservée pour tous, la foi ne doit pas être la risée de ceux qui ne l'ont pas."
« Nous pouvons être pleinement musulmans et pleinement français, et ce, non par cette sorte de bonne volonté vague à laquelle trop de soi-disant représentants de l'islam de France nous appellent, mais au nom des principes les plus solidement établis de l'islam. (…) Nous sommes laïques et musulmans. Nous sommes laïques parce que musulmans ».
Ceux que nous appelons "migrants" sont des hommes, des femmes et des enfants qui ne méritent pas moins la vie, qui a été offerte identiquement à tout être humain, que nous.
L'inhumain est celui que reste indifférent au sort des autres, qui ne sont en réalité que son reflet, sa prolongation, sa symétrie.
Mais, chez nous, en France, on aime bien parler des trains qui arrivent en retard, pas de ceux, innombrables, qui arrivent à l'heure. Voilà bien un habitus ! Le Français est râleur de nature. Il n'aime pas se taire face à ce qu'il estime être une injustice.
La foi est un acte de volonté. Elle ne peut être que cela, et ne peut jamais provenir d'un dictat. Le poète indien Rabindranath Tagore (1861-1941) disait : "Je suis capable d'aimer mon Dieu parce qu'Il m'a donné la liberté de ne pas croire en Lui !"
Je pense à la remarque de Beaudelaire (dont la mystique n'échappe qu'aux imbéciles) : " Dans les oreilles du comte de Chesterfiels, Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé, pendant neuf mois, entre des excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère". Il établit un lien entre paresse et non-réceptivité au mystère, se rapprochant de l'analyse de Maïmonide sur les athées d'indifférence, trop préoccupés par leur ego, n'ayant que faire de ce qui les dépasse.