La chronique de Gérard Collard - Mohamed Nedali
"C'est une merveille ce petit village ! Les maisonnettes sont en boues, n'est-ce pas .
- En pisé, rectifiai-je.
- C'est aussi à base de terre, le pisé ?
- De la terre argileuse délayée avec des cailloux, de la paille, et comprimée."
(Vous vous en doutez, mais ces mots, comme tous les autres, sont de l'auteur ; moi, le narrateur-personnage, je parle un français approximatif, malgré dix années d'«apprentissage» à l'école publique. Normal, je suis de la génération sacrifiée, celle ayant subi de plein fouet l'arabisation de l'enseignement - politique absurde, s'il en est, adoptée pour abrutir mes concitoyens et faire plaisir aux potentats primitifs qui règnent sur le Moyen-Orient. Un jour viendra, j'en suis sûr, où les concepteurs de ce poison seront jugés et condamnés, même à titre posthume.)
Je la pris dans mes bras, la serrai contre moi, l'embrassai sur la tête, l'embrassai sur le front. Une agréable odeur emplit mes narines - un harmonieux mélange de lavande, de thym, de vérité et d'affection : l'odeur de ma mère.
Le bagou nourrit son homme ! Il le nourrit même très bien ! Regarde un peu tous ces filous qui nous gouvernent ! De quoi vivent-ils, si ce n’est de leur bagou ? Ils ne travaillent ni dans les usines, ni dans les champs, ni dans les chantiers. Ils ne produisent rien d’autre que du baratin à longueur de journée. Et pourtant ce sont eux qui nagent dans l’opulence et pètent dans la soie.
Car, vois tu ma sœur, il n'y a pas sur la terre maure un seul mari qui gardera encore sa femme sous son toit si par malheur il apprend qu'elle a encaissé un phallus autre que le sien. Il n'y a pas non plus un seul homme qui demandera la main d'une jeune fille ayant subi le même sort!... Nos hommes, ma sœur, sont ainsi semblables, sauf ...(D'un doigt, elle indiqua son bas-ventre.) Celui-ci, ils ne le partagent jamais avec personne...!
Un dragueur authentique poursuit toujours sa quête jusqu'au bout, même si, pendant un temps plus ou moins long, il n'en récolte que mutisme et rebuffade. Enfin, un dragueur authentique doit faire preuve de patience, de persévérance et de ténacité ; il doit aussi avoir de l'espoir, beaucoup d'espoir. Et, comme le fruit tombe toujours au vent qui le secoue, la proie finit en général par se rendre à son prédateur.
À la ville nouvelle, les choses se passent différemment : la poursuite à pied y est mal vue, très mal vue : une incongruité et aussi une preuve de pauvreté indéniable. Dans cette partie de la ville, la drague nécessite un accessoire de taille : la voiture, une berline ou une grosse cylindrée, flambant neuve de préférence.
Affalé dans son siège, une main tenant le volant, l'autre nonchalamment pendue à travers la fenêtre, l'air décontracté et relax, le dragueur roule le long d'un boulevard bien animé, rasant lentement le trottoir comme un taxi en quête de clients. Ce faisant , il garde un œil sur les promeneuses se déhanchant devant lui, jaugeant chacune d'un coup d'œil connaisseur.
Aux examens du baccalauréat, je ratai la première session à cause d’une mauvaise note en mathématiques – ma bête noire –, et d’une autre, non moins mauvaise, en physique. L’échec eut sur moi l’effet d’un soufflet essuyé au beau milieu d’un souk. Non que je mérite un sort meilleur, mais que cinq ou six de mes camarades de classe, aussi médiocres que moi, voire pire, fassent partie des heureux élus – chose aussi aberrante qu’intolérable ! Mon être entier s’en ébranla, mon amour-propre s’éveilla en sursaut, une forte poussée d’adrénaline me submergea.
Les écoles et universités fabriquent chaque année des légions d’incultes et d’obscurantistes, plus capables de barbarie que d’actes civilisés ; le Livre fait la chasse aux livres, les écrivains végètent dans la gêne et l’indifférence, l’intelligence s’éteint, le beau décline, l’esprit critique se meurt, la bêtise bat son plein. Il est écrit quelque part dans la fameuse Mouqaddima d’Ibn Khaldoun, encore lui, que lorsqu’une nation opte pour la débilisation massive de ses citoyens, sa fin devient imminente.
L'fkih, à la cinquantaine bien entamée, était un homme trapu et solide ; le teint grillé des gens des plaines arides de l'arrière-pays, les traits épais, les yeux grands et avides et le regard insistant lui donnaient l'air d'un fauve en rut.